• L'automobile doit s'adapter à un marché bouleversé par la crise

    Les ventes se sont redressées, mais ce sont les pays émergents qui tirent la demande

     

    Alors que le Mondial de l'automobile ouvre ses portes au public, samedi 2 octobre, l'ambiance dans les allées devrait être cette année beaucoup plus détendue. Il y a deux ans, le secteur s'enfonçait dans une crise sans précédent. Cette nouvelle édition devrait donc être pour les constructeurs le Salon de l'après-crise. Plus de 300 marques de vingt pays y sont attendues. Pas moins de 90 nouveaux modèles seront présentés.

    De quoi redonner un peu d'optimisme à une industrie frappée de plein fouet par la tourmente économique et financière. Les ventes s'étaient effondrées, passant brutalement de 70,5 millions en 2008 à 61,7 millions en 2009. Avec des disparités : si les Etats-Unis ont vu leur marché chuter de 40 % en deux ans à 8,7 millions, entraînant la chute de General Motors (GM) et de Chrysler, la Chine, elle, a vu sa production s'envoler de près de 50 % à 13,8 millions de véhicules, devenant le premier marché mondial quand l'Europe passait de 19,6 millions à 14,3 millions.

    Conséquences : à l'exception du coréen Hyundai et de l'allemand Volkswagen (VW), tous les constructeurs ont affiché de lourdes pertes. Même les Japonais " jusque-là champions, de la croissance et de la rentabilité, n'ont pas échappé à la crise ", souligne Yann Lacroix, responsable des études sectorielles chez Euler Hermès.

    L'année 2010 se présente donc sous le signe du retour à la croissance. Le secteur devrait retrouver peu ou prou les niveaux de 2008, avec un marché d'un peu moins de 70 millions de voitures.

    Mais ce rebond cache un basculement de la demande vers les pays émergents : désormais, les piliers de la croissance sont le Brésil, la Russie, l'Inde... et bien évidemment la Chine, où le taux d'équipement reste faible : 3 % contre 80 % aux Etats-Unis et près de 60 % en Europe et au Japon. " Dès 2012, les pays émergents pèseront plus de 50 % dans la production mondiale ", assure Gérard Morin, associé de PriceWaterhouseCoopers (PWC), responsable du secteur automobile en France.

    La Chine, nouvel eldorado

    Quelques chiffres pour prouver cette tendance : la Chine aura gagné 9 millions de véhicules, l'Inde 800 000 et le Brésil 500 000 entre 2007 et 2010 tandis que les Etats-Unis en auront perdu 5 millions et l'Europe 2,5 millions, conséquence de l'arrêt des primes à la casse. L'Allemagne étant durement affectée (chute de 30 % des immatriculations sur les huit premiers mois de l'année 2010).

    C'est donc vers ce nouvel eldorado qu'est l'empire du Milieu que les constructeurs se tournent. Pas une semaine sans que l'un d'entre eux annonce la construction d'une nouvelle usine pour y augmenter ses capacités de production. " Les constructeurs internationaux ont contribué à hauteur de 76,6 % de la production du pays en 2009 ", relève Philippe Couderc, chez PWC. La Chine est désormais le premier marché de GM, de VW ou de Nissan. C'est aussi l'un des axes majeurs de la stratégie de PSA Peugeot Citroën. Ses projets devraient lui permettre de fabriquer un million de véhicules par an d'ici à 2015.

    Les constructeurs occidentaux devront aussi tenir compte de cette nouvelle donne pour adapter leur outil industriel sur leur marché national. Aux Etats-Unis, les restructurations sont bien engagées. Le gouvernement a accepté de soutenir financièrement ses champions nationaux, à la condition qu'ils s'attaquent à leurs problèmes de surcapacités industrielles. GM, Ford et Chrysler ont obtempéré en fermant des usines pour s'adapter à un marché tombé à 12 millions de véhicules, quand, lors de la précédente décennie, il oscillait entre 15 et 17 millions. Les effectifs ont été divisés par deux, tout comme la production.

    En Europe la situation est bien différente : " Le travail n'a pas été fait, or cela paraît inéluctable ", prévient Remi Cornubert, du cabinet Oliver Wyman. Les gouvernements, notamment en France, ont en effet conditionné les aides au maintien de l'emploi. En échange d'un prêt de 6 milliards d'euros, Renault et PSA se sont engagés à ne pas fermer d'usine. Or le taux d'utilisation avoisine les 65 % alors qu'on estime qu'une usine devient rentable à partir de 85 %. Pour s'attaquer à ce problème, les constructeurs se sont engagés dans des programmes de " compactages " de leurs sites (réduction des mètres carrés pour réduire les coûts). " On peut toujours réduire la taille des usines mais si les constructeurs délocalisent encore certains de leurs modèles, comme le haut de gamme par exemple, alors il faudra peut-être un jour résorber les surcapacités ", prévient Karine Bergé, chef économiste chez Euler Hermès.

    Dans ces conditions, l'année 2011 s'annonce cruciale. La faiblesse de la croissance économique en Europe et aux Etats-Unis laisse augurer des moments difficiles pour les marchés occidentaux. L'émergence de la voiture électrique, quel que soit son succès, ne résoudra pas tous les problèmes de surcapacité.

    Nathalie Brafman


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  • Les jeunes dans la crise, une " génération sacrifiée "

    En deux années, le chômage de longue durée frappant les moins de 25 ans a explosé de 72 %

     

     

    Avec ironie, Pierre-Antoine Marti appelle cela " une entrée en fanfare sur le marché du travail ". Le jeune homme de 27 ans a commencé à chercher un emploi en septembre 2008, " au moment où Lehman Brothers faisait faillite ".

    Conséquence, deux ans de chômage. " J'ai été un témoin privilégié de la crise, poursuit-il. J'ai vu ce qu'elle a provoqué sur les gens. Moi-même, je m'y suis heurté de plein fouet. Ceux qui ont débuté leur vie professionnelle à ce moment-là étaient dans l'oeil du cyclone : on se sentait complètement impuissant. Je lançais mes candidatures comme des bouteilles à la mer. "

    Comme Pierre-Antoine Marti, de nombreux jeunes ont achevé leurs études au mauvais moment. Et ils n'en finissent pas de payer la note de la crise économique débutée en 2008. Dans cette catégorie de la population, le chômage de longue durée a explosé. Selon les chiffres de Pôle emploi, le nombre de jeunes de moins de 25 ans qui recherchent un emploi depuis un an au moins a augmenté de 72 % en deux ans. En juillet 2010, ils étaient 109 000 dans cette situation contre 64 000 deux ans plus tôt. Un jeune chômeur sur cinq est concerné.

    " Je ne pensais pas être au chômage si longtemps ", confie Solenne Wagner, 23 ans. Titulaire du d'un brevet de technicien supérieur (BTS) " assistant de gestion PME-PMI ", la jeune femme cherche du travail depuis un an. " Ça s'éternise, soupire Irena Milutinovic, 26 ans, au chômage depuis qu'elle a décroché un master en traduction en 2009. J'ai fait tout ce qu'on m'a demandé en me disant que ça paierait... J'en veux un peu à mes profs, car ils ne m'ont pas préparée à cette situation. Au début, j'ai cru que je pourrais m'en sortir toute seule, mais il n'y avait pas d'offres sur Internet. J'ai déprimé. Je me suis inscrite à Pôle emploi, mais on m'a proposé un rendez-vous trois mois plus tard ! Un vrai coup de massue. "

    De plus en plus longue, cette marche vers l'emploi est aussi semée d'embûches. Nombreux sont ceux qui se plaignent de ne pas avoir été suffisamment préparés ni, ensuite, accompagnés par les organismes officiels. A 25 ans et demi, Valentin Moulinier totalise " un an et quatre mois de chômage ". A l'Ecole supérieure de commerce de Pau, où il a suivi ses études, " on m'a toujours dit que je n'aurais pas de problème à trouver un emploi, mais, quand j'ai été confronté à la réalité, je me suis aperçu qu'il y avait une grosse différence avec les discours ! " Quant aux rendez-vous avec son conseiller de Pôle emploi, " ça ne m'a pas servi à grand-chose : on refaisait ce que je faisais seul chez moi ! " Le dispositif d'aide qui lui apporte le plus aujourd'hui, il l'a découvert lui-même, par hasard, et en a parlé à son conseiller...

    Nombre de jeunes au chômage sont confrontés à l'exigence des entreprises. " J'ai répondu à des annonces qui proposaient un poste au smic, mais avec expérience, raconte Morgane Craye, 25 ans, diplômée à bac + 5. Quand je me présente, on me dit : "Vous n'avez effectué que des stages !" J'ai fait plus de trois ans de stages, en effet... " Elodie Gérard, 22 ans, titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " vente " est au chômage depuis 2008 et, faute de revenus, ne peut payer " ni l'assurance ni l'essence ". Elle bute sur le même problème : " Partout, on me demande de l'expérience. Mais je n'en ai pas ! "

    L'attitude des entreprises pèse lourd dans la désillusion des jeunes. Exigences excessives, rebuffades, négligences... " Il y a un manque total de considération, confirme Pierre-Antoine Marti. L'entretien fini, plus de nouvelles ! Vous n'êtes plus rien. Ou plutôt si, l'emmerdeur... " Pas étonnant que cela génère, selon lui, " beaucoup de détresse " chez certains. Pas évident à l'âge de tous les possibles de trouver porte close.

    Le chômage de longue durée pèse lourd sur le moral. " L'horizon s'éclaircit ", assure pourtant l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), depuis son poste privilégié d'observation. Les offres repartent en flèche, dit-elle. L'APEC note " un léger regain d'optimisme en 2010 " (58 %, contre 52 % en 2009) chez les jeunes diplômés en recherche d'emploi et constate que " la crise leur fait moins peur ". Même si ceux qui recherchent un emploi sont nettement plus nombreux à trouver la situation révoltante (63 % contre 52 % pour ceux ayant un emploi), angoissante (62 % contre 52 %) ou inquiétante (74 % contre 65 %).

    Mais sur le marché du travail, on traîne souvent comme un boulet l'insertion trop tardive, la rémunération de départ trop basse. En outre, les jeunes frappés de plein fouet par la crise en 2009 se retrouvent aujourd'hui en concurrence avec la promotion qui suit. Frais émoulus, de nouveaux diplômés arrivent chaque année sur le terrain où s'embourbent leurs prédécesseurs. Dans ce contexte, de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer " une génération sacrifiée ".

    " Si les entreprises ne s'engagent pas davantage à accueillir et former les jeunes, il y a un vrai risque ", estime Sabine de Beaulieu, déléguée générale de l'Association jeunesse et entreprises. De son côté, le Bureau international du travail (BIT), pointant le record de 81 millions de jeunes de 15 à 24 ans sans emploi dans le monde en 2009, met en garde contre " le risque d'une "génération perdue" ".

    Si l'on rapporte les 109 000 moins de 25 ans inscrits à Pôle emploi depuis plus d'un an aux 2,7 millions de jeunes actifs, Bernard Ernst, directeur des statistiques, enquêtes et prévisions de Pôle emploi, estime que l'on ne peut parler de " génération sacrifiée ".

    Fin août, évoquant l'effort du gouvernement pour promouvoir l'alternance, Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi, avait affirmé dans Les Echos qu'" il n'y (aurait) pas de génération sacrifiée, nous avons réussi à éviter ce syndrome. Sur un an, le nombre de jeunes chômeurs baisse ". Quant au chômage de longue durée des jeunes, poursuit M. Ernst, " la forte poussée observée jusqu'à l'été devrait s'estomper progressivement, en lien avec l'amélioration de la conjoncture économique ".

    Quoi qu'il en soit, le chemin de croix de l'accès à l'emploi laisse des traces. " Quand on finit par entrer dans l'entreprise, on n'oublie pas ce qui s'est passé avant, prévient l'un des jeunes interrogés, qui préfère conserver l'anonymat. La confiance est brisée. Sans compter que le sentiment de précarité se prolonge : vous ne savez pas, si vous ne faites pas l'affaire, si on ne va pas vous " éjecter".

    Qu'il s'agisse de confiance ou de motivation, la réconciliation avec le monde du travail risque de prendre du temps.

    Benoît Floc'h

    • La France mal placée

      Taux Selon l'Insee, 632 000 jeunes de 15 à 24 ans étaient à la recherche d'un emploi au deuxième trimestre 2010. Cela représente un taux de chômage de 23,3 % chez les jeunes actifs (- 0,5 % sur un an). Le taux de chômage de l'ensemble de la population active était de 9,3 % au même moment.

      Durée La dernière enquête de l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) montre que la recherche d'emploi des jeunes diplômés s'allonge. Elle est en moyenne de 5,8 mois en 2010, contre 5,4 mois en 2009 et 4,8 mois en 2008.

      Classement Avec un taux de chômage des jeunes actifs de l'ordre de 23 % en 2009, la France est bien en deçà de la moyenne mondiale, établie à 13 % des 15-24 ans par un rapport du Bureau international du travail (BIT), publié en août 2010. Dans les pays développés, le taux est de 17,7 %, de 23,7 % en Afrique du Nord, de 23,4 % au Moyen-Orient, de 8,9 % en Asie de l'Est, de 10,3 % en Asie du Sud et de 11,9 % en Afrique subsaharienne.


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  • Retraites : le déficit plus élevé que prévu en 2020 contraint l’exécutif à amender sa copie  

    Le gouvernement révise à la hausse les déficits du système de retraites pour tenir compte des nouvelles prévisions économiques. Le transfert de cotisations de l’Unedic vers les caisses de retraite sera plus important que prévu. Il n’est plus question de mobiliser les excédents de l’Agirc-Arrco.

    A quelques jours de l’examen du projet de loi de réforme des retraites au Sénat, la conjoncture économique contraint le gouvernement à amender sa copie. Le ministère du Travail vient de transmettre au Parlement de nouvelles prévisions de déficit pour les années à venir, plus optimistes à court terme, plus noires pour la période 2014-2020. L’écart n’est pas énorme, mais il oblige tout de même l’exécutif à repenser une partie du financement de la réforme.Que s’est-il passé depuis le 16 juin, date à laquelle Eric Woerth, le ministre du Travail, a présenté le projet de loi ? Le scénario économique élaboré par le Conseil d’orientation des retraites a dû être revu. La croissance a été meilleure que prévu en 2009 et 2010, mais serait moins bonne en 2011 et après. L’impact sur les recettes des régimes de retraite est sensible. Conséquence, le déficit est inférieur aux attentes cette année, de près de 4 milliards d’euros. Tous régimes, il serait ainsi inférieur à 30 milliards d’euros en 2010 (voir graphique). L’écart par rapport aux prévisions précédentes est positif jusqu’en 2013.

    2,5 milliards à trouver

    A partir de 2014, en revanche, l’actualisation conduit à une détérioration des prévisions. En 2020, le déficit dépasserait 47 milliards, 2,3 milliards de plus qu’attendu. A cette somme, il faut ajouter le coût des concessions annoncées par l’Elysée au lendemain des manifestations du 7 septembre : 200 millions en 2020.Il faut donc trouver 2,5 milliards d’euros de recettes supplémentaires d’ici à la fin de la décennie pour garantir le retour à l’équilibre. Comment faire ? Le rendement du relèvement de l’âge de départ ne bouge pas : il rapporte toujours 20 milliards d’euros à cet horizon. Le gouvernement est donc contraint de recourir de façon plus importante que prévu à l’assurance-chômage.Dans le schéma présenté le 16 juin, il était programmé qu’une partie des cotisations Unedic soit transférée vers les régimes de retraite, à partir de 2015. Un « échange » rendu possible grâce au recul du chômage, qui permettra à l’Unedic de retrouver son équilibre financier, argumente le gouvernement. Dans le nouveau schéma, le transfert de cotisations est toujours escompté pour 2015, mais il est plus important. Il atteindrait 3,3 milliards d’euros en 2020, contre 1,4 milliard prévu auparavant.

    Des arguments pour l’opposition

    Politiquement, cette modification n’est pas neutre, car les syndicats et la gauche critiquent vivement ce transfert. Ce nouveau chiffrage leur donnera des arguments supplémentaires pour affirmer que la réforme des retraites a un coût élevé pour l’assurance-chômage. Au gouvernement, on souligne au contraire que ce transfert de cotisations reste très limité. Il ne concerne qu’un demi-point de cotisation Unedic, sur un total de 6,4 %. Et les sommes transférées ne représentent qu’une faible partie de la réforme (6 %), qui s’appuie surtout sur les mesures d’âge.Même avec ce transfert de cotisations, le déficit de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV) serait encore de 2,4 milliards d’euros en 2020 (mais il y aurait un équilibre tous régimes). Il n’est plus question, comme Eric Woerth l’avait laissé entendre, de transférer une partie des excédents des régimes complémentaires vers la CNAV. Ce qui devrait satisfaire les partenaires sociaux qui gèrent l’Agirc-Arrco. Seuls les autres régimes de base excédentaires, comme la Caisse des fonctionnaires territoriaux, pourront éventuellement contribuer à l’équilibre du régime général.

    Vincent Collen

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  • MM. Buffett et Gates prêchent la charité aux riches Chinois

     

    Leurs invités se sont faits discrets, mais la Chine tout entière en a parlé : le dîner, en fait un cocktail, organisé, mercredi 29 septembre, à Pékin par Bill Gates et Warren Buffett pour promouvoir la philanthropie, n'est pas passé inaperçu en République populaire, désormais deuxième pays au monde pour le nombre de milliardaires, derrière les Etats-Unis. L'événement a eu lieu à la résidence hôtelière de luxe Château-Lafite, dans la banlieue de Pékin, réplique du château français.

    L'initiative des deux hommes, désignés par le sobriquet " ba'bi " en Chine (de bafeite pour Buffett, et bi'er pour Bill), a suscité maints débats dans la presse chinoise, qui s'est penchée sur les obstacles à la philanthropie en Chine - comme les complications bureaucratiques auxquelles sont confrontées les fondations. Ou encore sur le rôle de la fiscalité aux Etats-Unis, et le poids de la religion. Elle a également touché une corde sensible, à un moment où les écarts criants de richesse sont un point récurrent de friction sociale.

    Elle aurait en tout cas embarrassé les nouveaux riches chinois : " Les invités ne vont pas savoir quoi faire. S'ils participent et font une donation, ils vont apparaître comme des lâches radins, à qui on a fait la morale. S'ils refusent, c'est encore pire ", avait commenté le China Youth Daily.

    Les deux Américains ont assuré qu'ils n'étaient là que pour " discuter de la manière dont les personnes les plus influentes d'une nation pouvaient contribuer au développement d'une culture de la philanthropie ". Seule une fraction des grandes fortunes chinoises y a participé, comme Wang Chuanfu, le patron du groupe automobile dans lequel a investi Warren Buffett, ou encore Zhang Xin, papesse du design bobo de Pékin. Chen Guangbiao, le patron d'une société de recyclage méconnue, est, lui, devenu une célébrité après avoir promis de faire don de toute sa fortune après sa mort.

    Un dîner alternatif organisé par des internautes dans un camion garé devant un palace sept étoiles a, lui aussi, défrayé la chronique mercredi soir. Au programme, un menu à 38 yuans (4 euros). La charité, ont-ils expliqué sur Internet, " ce n'est pas un show des riches et des stars " car, le plus souvent, " ce sont les pauvres qui aident les pauvres ". Quatre-vingts convives ont participé au repas. Les deux sièges réservés aux prosélytes américains sont restés vides...

    Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)


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  • L'Inde impose aux industriels d'être plus " verts "

    Les autorités bloquent des projets miniers ne tenant pas assez compte de l'environnement et des populations locales
    New Delhi Correspondance
     

     

    Au nom de la protection de l'environnement et des populations locales, la justice et le gouvernement indiens n'hésitent plus à bloquer, voire annuler, un nombre croissant de projets industriels. Le géant minier britannique Vedanta s'est ainsi vu ordonner par la Haute Cour de justice de Madras, mardi 28 septembre, la fermeture d'une fonderie de cuivre, au motif que celle-ci rejetait " dans l'air et dans l'eau des éléments toxiques aux effets dévastateurs ".

    Un mois auparavant, le ministère de l'environnement avait interdit au même groupe d'ouvrir une mine de bauxite sur des terres considérées comme sacrées par les tribus qui y habitent, les Dongria Kondh, dans l'est de l'Inde. Désormais, les seules retombées économiques ne suffisent plus pour que le gouvernement donne son feu vert à un projet minier ou industriel.

    Le cimentier français Lafarge vient d'en faire l'expérience à deux reprises. En février, la Cour suprême fédérale lui a ordonné de fermer provisoirement une mine de calcaire dans l'Etat du Meghalaya, et lui a réclamé des garanties supplémentaires sur la protection de l'environnement du site. Elle doit se prononcer sur sa réouverture dans les semaines à venir.

    Par ailleurs, en 2007, Lafarge avait signé un accord avec l'Etat de l'Himachal Pradesh, dans le nord de l'Inde, en vue d'ouvrir une mine de calcaire et une cimenterie sur les contreforts de l'Himalaya. En 2009, le ministère de l'environnement avait donné son feu vert. Mais le 13 septembre l'autorité d'appel en matière environnementale, la NEAA, s'est prononcée contre ce projet, susceptible selon elle de causer des dégâts " sociaux et environnementaux ".

    " En 2009, l'équipe du ministère de l'environnement ne s'est même pas rendue sur tous les lieux pour prendre sa décision ", s'étonne J. C. Kala, un des membres de la NEAA. La zone que convoite le cimentier français s'étend sur 430 hectares, dont 68 appartiennent à des villageois. Le projet prévoit d'y installer un tapis roulant géant de six kilomètres de long qui relierait la mine à une cimenterie d'une capacité de 3 millions de tonnes par an.

    Malgré les assurances données par Lafarge, J. C. Kala estime que " la poussière, le bruit, le passage de centaines de camions pour acheminer le charbon vers l'usine et d'en sortir le ciment auront des effets négatifs sur la biodiversité, particulièrement riche et fragile dans cette zone himalayenne, ainsi que sur un parc naturel qui se situe à cinq kilomètres de là ".

    De 60 à 82 familles devraient être déplacées par le projet. Les promesses non tenues par d'autres compagnies ne simplifient pas la tâche de Lafarge. " Ceux qui nous ont déplacés il y a cinq ans avaient promis argent et travail. On n'a toujours rien reçu. Comment faire confiance aux entreprises minières ? ", interroge Meera Sharma, une habitante du district de Karsog, concerné par le projet.

    " Nous leur proposerons soit de l'argent, soit une maison et des terres à un autre endroit. Mais rien n'est encore fixé. Les négociations prennent du temps ", admet Anurag Kak, responsable du projet chez Lafarge. L'installation de camps médicaux dans plusieurs villages des environs et la création de deux centres informatiques n'ont pas suffi à emporter l'adhésion de tous les habitants à un projet qui nécessitera 150 millions d'euros d'investissements.

    Nombreux sont ceux qui trouvent dans la forêt leurs moyens de subsistance, y cueillant des grenades qu'ils revendent sur les marchés locaux ou y faisant paître leurs troupeaux. Le cimentier leur a promis des emplois, mais surtout indirects : sur les 8 000 escomptés, 800 seulement seront créés dans la mine et la cimenterie.

    Construire une cimenterie et creuser une mine de calcaire géante sans porter atteinte à l'environnement et aux populations locales ? Lafarge, qui affirme ne pas vouloir abandonner son projet, n'est donc pas parvenu à convaincre le NEAA. Ce refus est révélateur de la prudence dont les autorités font désormais preuve, particulièrement dans le cas de projets minier.

    L'Inde est riche en ressources minières, dont la production nationale a quasiment doublé depuis 1993. Mais d'après les chiffres du Centre pour la science et l'environnement (CSE), basé à Delhi, plus de la moitié des cinquante districts qui enregistrent la plus forte production de minerais comptent aussi parmi les plus pauvres du pays en termes d'indicateurs sociaux.

    Dans un rapport consacré à la politique minière du pays et publié en 2006, le Commissariat au plan constatait que " la relation entre les compagnies minières et les populations locales porte l'héritage de la défiance et de la maltraitance ". Ces vingt dernières années, l'acquisition forcée de terres a suscité la colère, notamment parmi les populations tribales - souvent les plus affectées -, et alimenté la rébellion naxalite qui menace désormais la sécurité du pays. Pour remédier à l'absence de régulation dans le secteur minier, qui a donc eu un coût social élevé, une nouvelle loi d'exploitation minière devrait être présentée au Parlement cet hiver. Certains prônent le reversement de 26 % des revenus miniers aux populations locales affectées.

    Un meilleur partage des revenus entre compagnies minières et populations locales, mais aussi un meilleur équilibre entre protection de l'environnement et exploitation des ressources naturelles : tel semble être le nouveau credo de l'Inde en matière de développement. C'est ainsi au nom de la protection de l'environnement que Jairam Ramesh, le ministre indien de l'environnement, a bloqué la construction d'un nouvel aéroport à Bombay. Sous son mandat, les études d'impact environnemental, obligatoires pour chaque projet d'infrastructures, ne passent plus pour de simples formalités. Et plus de cent projets auraient été annulés ou reportés depuis juin 2009.

    Jairam Ramesh, qui a interdit la culture commerciale de l'aubergine génétiquement modifiée, mis sur pied les tribunaux " verts ", lutté contre les exploitations minières sauvages et illégales et lancé un plan de conservation de la biodiversité, est présenté dans les médias indiens comme un " ministre vert militant ". Il rêve même de mesurer la croissance économique à l'aide d'un autre indicateur que le produit national brut (PNB).

    " Idéalement, si on pouvait disposer d'un produit national brut et d'un produit vert brut, on aurait une meilleure idée des arbitrages en matière de croissance ", a déclaré le ministre de l'environnement, mardi 28 septembre. Depuis vingt-cinq ans qu'existe ce portefeuille ministériel, il n'avait jamais autant mis en avant.

    Julien Bouissou

    • Des tribunaux pour traiter de l'environnement

      L'Inde doit créer cinq tribunaux " verts ", le 18 octobre, afin d'accélérer le règlement de litiges en matière d'environnement. Plus de 5 600 litiges seront transférés vers ces nouvelles juridictions. Pour la première fois en ce qui concerne les litiges d'ordre environnemental, chaque citoyen aura la possibilité de saisir le tribunal. La loi sur la protection de la faune et de la flore, qui régit les parcs naturels, et la loi qui autorise les populations tribales à exploiter les ressources naturelles dans leurs forêts seront toutefois exclues de la juridiction des tribunaux verts.

      Le tribunal vert aura le même statut qu'une haute cour de justice. Il pourra fixer le montant des compensations, en cas de préjudices causés par la pollution d'un site, par exemple. Les plaignants auront la possibilité de faire appel des décisions auprès de la Cour suprême de justice. Les membres des tribunaux seront des juges et experts nommés directement par le ministre de l'environnement.


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