• L'agroalimentaire, source mondiale de trafics

    De plus en plus souvent commis par des mafias organisées, les délits se multiplient mais restent peu sanctionnés

     

     

    Provoquer une prise de conscience, sensibiliser les unités de police, améliorer les outils de détection pour mieux contrôler ce qui arrive dans l'assiette du consommateur : tels sont les principaux objectifs du séminaire européen relatif à la lutte contre les trafics agroalimentaires, qui se tient à Paris du mercredi 6 au vendredi 8 octobre.

    Ce trafic mondial, où se mêlent farines animales, contrefaçon d'aliments de luxe, commercialisation de mozzarella à la dioxine et de viande aviaire interdite, semble se développer à la faveur de deux éléments : la libre circulation des hommes et des marchandises et la crise économique qui frappe la planète.

    Organisée par l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaeps), cette rencontre est la première du genre. Elle rassemble les délégations des forces de police et de gendarmerie de vingt-deux Etats de l'Union européenne, les représentants de 14 pays tiers ainsi que ceux, pour la France, du monde industriel et des ministères et administrations concernées.

    L'enjeu est d'importance. On estime que le marché mondial de l'alimentation génère chaque année un chiffre d'affaires évalué à 4 milliards de dollars (2,9 milliards d'euros). Une poule aux oeufs d'or pour les trafiquants qui savent que cette activité lucrative et difficile à détecter reste le plus souvent dépourvue de sanctions.

    " Globalement, on constate trois types d'infractions ", détaille le colonel Thierry Bourret, chef de l'Oclaeps. " Les infractions d'opportunité : un chef d'entreprise s'aperçoit qu'il a "sur le dos" 40 tonnes de viande avariée parce que ses congélateurs sont tombés en panne, et il décide de remettre les congélateurs en marche. Les infractions découlant d'une stratégie d'entreprise : celle, par exemple, de négociants en médicaments vétérinaires destinés à des animaux de consommation, qui vont introduire sur le territoire européen des antibiotiques ou des anabolisants interdits. "

    Le dernier type d'infraction est, selon lui, encore plus inquiétant puisqu'il s'agit de la montée des délits liés à la criminalité organisée. Cette délinquance en col blanc aboutit à la circulation croissante de produits contrefaits. Souvent des produits de luxe (" L'Hexagone vend ainsi dans le monde nettement plus de champagne et de cognac qu'elle n'en produit officiellement ", selon Thierry Bourret). Mais aussi, et de plus en plus, des produits de base.

    " En France, la situation est encore sous contrôle, et notre système préventif et répressif marche assez bien ", assure le lieutenant-colonel Jean-Louis Monteil, chef du projet de lutte contre les trafics agroalimentaires à l'Oclaeps. Mais il en va différemment dans de nombreux pays, où les réglementations et les contrôles sont moins rigoureux.

    La lutte est d'autant plus ardue à organiser que ces trafics peuvent survenir à n'importe quel niveau de la chaîne alimentaire : la production agronomique (emploi de substances vétérinaires et phytosanitaires frelatées ou interdites) ; la transformation alimentaire (conditions de transport et de stockage non respectées, ajout de déchets à des produits nobles, contrefaçons) ; la distribution (commercialisation de produits périmés, violation d'embargos alimentaires). Ces produits illégaux pouvant provenir de l'ensemble de la planète, et se retrouver dans n'importe quel pays, chaque Etat va devoir surveiller avec une acuité croissante les articles qui entrent sur son territoire.

    Ou qui en sortent. " Dans les années 1990, des abats bovins impropres à la consommation humaine furent achetés par tonnes dans le Massif Central, puis exportés dans un pays où on les transformait en toute légalité en charcuterie, laquelle était revendue dans les pays de l'Est... L'affaire fut jugée, mais le vétérinaire qui avait découvert le trafic a été retrouvé noyé dans le port d'Anvers ", raconte le colonel Bourret.

    Faute de recul, les données manquent pour dessiner avec précision les contours géographiques de ces " agro-mafias ". " Celles de l'Est semblent se spécialiser dans les produits vétérinaires contrefaits ou interdits, tandis que les Italiens s'orientent plutôt vers les produits de base frelatés, jambon ou fromage ", lâche prudemment le lieutenant-colonel Monteil. Mais les produits peuvent aussi provenir d'Amérique du Sud, d'Afrique (viande de brousse) et d'Asie. Malgré l'embargo établi en 2008, des produits chinois contenant de la mélamine sont régulièrement retrouvés sur le territoire national, comme dans tous les pays d'Europe.

    Responsables de crises sanitaires (vache folle, poulets à la dioxine, huiles frelatées, listériose), ces trafics ont aussi des conséquences économiques non négligeables. Notamment en pertes d'emplois, celles-ci résultant de l'effondrement de marchés, de la concurrence déloyale et de la contrefaçon de produits de qualité.

    Autant de raisons, estiment les forces de l'ordre, de promouvoir la coopération européenne. " On ne pourra gagner la guerre que si on travaille tous ensemble, en amont comme en aval ", affirme le colonel Bourret. Les conclusions du séminaire devraient, en principe, dessiner les pistes de cette collaboration future.

    Catherine Vincent

    • Les chiffres des infractions

      Alertes Le réseau d'alerte européen RASFF (Rapid Alert System for Feed and Food) a lancé 3 184 alertes en 2009, dont 157 initiées par la France, concernant des produits alimentaires non conformes du fait de contaminations microbiennes, chimiques, par mycotoxines ou métaux lourds.

      Douanes En 2008, 2 434 959 articles alimentaires contrefaits ont été saisis par les douanes européennes (dont 32 990 par les françaises), soit 26 % de plus qu'en 2007.

      Infractions En France métropolitaine, les unités de gendarmerie ont relevé 8 815 infractions relatives à l'agroalimentaire en 2009 (contre 7 615 en 2008).


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  • Fragile, la reprise mondiale marquera le pas en 2011

    Pour 2010, le FMI a réhaussé ses prévisions de croissance globale, seule l'économie américaine décélère.

     

    Vaille que vaille, l'économie monde est allée un peu mieux au fil de 2010, tirée par les économies émergentes. Le Fonds monétaire internationale (FMI) a relevé mercredi ses prévisions de croissance planétaire à 4,8 % pour 2010, un léger gain de 0,2 point par rapport à ses pronostics de juillet. Mais cette amélioration ne se prolongera pas en 2011, la croissance mondiale étant chiffrée à 4,2 %, intérieure de 0,1 point à l'hypothèse initiale, précise le rapport du FMI (Prévisions économiques mondiales). Plus frappant, la zone euro, qu'on donnait pour quasi atone cet été, voit son taux de croissance gagner 0,7 point à 1,7 %, ce qui la laisse malgré tout en queue de peloton des économies de l'OCDE. Pire, ce taux refluera à 1,5 % en 2011. Au sein de la zone euro, la France devra se contenter d'une croissance de 1,6 % en 2010 comme en 2011, et l'Espagne va essuyer une nouvelle contraction (??0,3%). Autre mauvaise nouvelle, les États-Unis voit leur croissance revue en baisse de 0,7 point pour 2010, à 2,6 % avant 2,3 % en 2011.

    La divergence entre pays du nord et économies émergentes et en voie de développement continue donc à s'amplifier. Le taux de croissance des émergents devrait s'établir en moyenne à un insolent 7,1 % cette année avant 6,4 % en 2011.

    Ajustement budgétaire

    Côté économies avancées, au premier semestre « le rebond des stocks puis des investissements fixes ont permis une spectaculaire hausse de la production manufacturière et du commerce mondial », explique le FMI qui rappelle aussi le rôle joué par les mesures de relance et les liquidités déversés par les Banques centrales. Mais « la faible confiance et l'affaiblissement des révenus des ménages et de leur patrimoine maintiennent la consommation à bas niveau dans beaucoup d'économies avancées », poursuit le Fond pour qui « le chômage élevé pose un défi social majeur » au nord.

    Brossant ce tableau contrasté, le FMI reaffirme son très controversé credo budgétaire. Il exhorte « les pays disposant d'une marge de manoeuvre budgétaire à différer une partie de la consolidation fiscale qu'ils ont prévue. « L'ajustement budgétaire doit commencer en 2011 », affirme l'institution de Bretton Woods qui défend qu' « une consolidation fiscale dans les économies avancées dévie de la croissance à court terme ». Mercredi le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner ,a enfoncé le clou, estimant que « la plupart » des pays du G20 pouvaient encore prendre des mesures de relance. Laurent Chemineau


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  • Les dispositifs à supprimer : coûteux et à l'impact limité

    Trois mesures phares sont sur la sellette : la TVA à 5,5 % dans la restauration, le régime des heures supplémentaires et celui du bénéfice mondial consolidé.

    La TVA à 5,5 % dans l'hôtellerie-restauration. La « niche » est devenue la plus coûteuse, après la TVA à 5,5 % pour les travaux dans les logements, avec une facture prévue de 3,1 milliard d'euros en 2011 (selon le rapport annexé au projet de loi de finances 2011). Son objectif est de stimuler l'emploi, de lutter contre le travail illégal et de revaloriser les salaires dans le secteur. Selon le CPO, le dispositif n'a pas fait ses preuves : « Les effets sur l'emploi de cette baisse ciblée apparaissent plus incertains que ceux constatés dans le secteur de l'entretien et de l'amélioration du logement. La part du coût de la mesure accaparée par le comportement de marge des entreprises, qui limite son efficacité, est beaucoup plus importante [dans ce secteur] que dans le secteur du bâtiment et l'impact attendu en termes d'emplois créés est plus faible », estime le CPO, qui relève en outre que la baisse de la TVA « n'a pas fait baisser le poids des infractions au code du travail ». Le CPO préconise donc de supprimer purement et simplement ce taux de TVA à 5,5 % dans la restauration. A défaut, une « alternative souhaitable » serait de relever le taux réduit à 10 ou 12 % dans ce secteur. De même,le CPO estime qu'il pourrait être envisagé de créer un « taux intermédiaire » de TVA pour d'autre secteurs, le taux de TVA réduit à 5,5 % « étant sensiblement inférieur à la moyenne européenne des taux réduits (8,24 %) ».

    Le régime des heures supplémentaires issu de la loi Tepa. Evalué à 4,1 milliards d'euros en 2010, le coût de ce dispositif est élevé. S'appuyant sur les travaux du ministère du Travail, le CPO estime que « la mise en oeuvre de la loi Tepa n'a pas modifié profondément le lien, constaté dans l'industrie et les services marchands ces dix dernières années, entre les fluctuations cycliques de l'activité et celles du volume d'heures supplémentaires ». Le CPO préconise donc une remise en cause du régime des heures supplémentaires, proposant au choix trois options : supprimer le dispositif ; le cibler sur les revenus les plus modestes en supprimant l'exonération de l'impôt sur le revenu qui y est associée (celle-ci est jugée anti-redistributive et peu incitative ) ; enfin, réintégrer les heures supplémentaires dans le calcul de l'allégement général sur les bas salaires. Des mesures qui généreraient des économies de 4 milliards, 1,2 milliard ou 640 millions d'euros, selon l'option retenue.

    Le régime du bénéfice mondial consolidé. Institué en 1965 afin d'aider au développement de grands groupes mondiaux, ce régime ne concerne plus que cinq groupes en 2010. Des groupes internationaux, « pour lesquels l'avantage fiscal lié à ce régime apparaît modeste au regard des chiffres d'affaires consolidés des groupes concernés, de leurs résultats, du montant des dividendes à distribuer et des stocks options à attribuer », estime le CPO. S'il a diminué, le coût budgétaire de la mesure est évalué à 302 millions d'euros en 2010. Le CPO préconise donc de supprimer ce régime. S. T.


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    La Cour des comptes prône jusqu’à 30 milliards d’économies sur les niches des entreprises  

    Le Conseil des prélèvements obligatoires, instance rattachée à la Cour des comptes, a remis hier à la commission des Finances de l’Assemblée un rapport sur les niches fiscales et sociales dont bénéficient les entreprises. Les dispositifs dérogatoires sont évalués à plus de 172 milliards d’euros.

    Face à un Etat à la recherche de ressources pour assainir les finances publiques, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) apporte une contribution de poids. A l’occasion de la remise de son rapport, hier, à la commission des Finances de l’Assemblée nationale sur les niches fiscales et sociales bénéficiant aux entreprises, son président, Didier Migaud, a proposé une refonte qui permettrait à l’Etat de réaliser des« économies budgétaires »évaluées« entre 15 et 29 milliards d’euros ». Cette fourchette n’est toutefois pas inscrite noir sur blanc dans le rapport, car, relève Didier Migaud, une addition« serait par nature fausse »parce qu’elle« ne tiendrait pas compte des effets induits, dans une logique de bouclage macroéconomique ex post ».Même avec un gain à en attendre plus faible, le montant paraît très élevé au regard de l’ensemble des niches fiscales recensées par Bercy (65 milliards d’euros l’an prochain). L’explication est simple : le champ des dispositifs dérogatoires bénéficiant aux entreprises est beaucoup plus large que les seules dépenses fiscales. Au total, niches fiscales, sociales et« mesures particulières »relevant désormais du calcul normal de l’impôt totalisent cette année plus de 172 milliards d’euros (sans compter les mesures relevant des collectivités territoriales), estime l’instance rattachée à la Cour des comptes, qui critique au passage le flou des définitions de ces dispositifs (lire ci-dessous). Ces montants ne manqueront en tout cas pas d’agacer le patronat, qui dénonce à l’inverse régulièrement le poids des prélèvements fiscaux et sociaux français. Le gouvernement note dans les documents budgétaires publiés mardi que si le taux des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises est plus élevé en France qu’ailleurs (+ 5,5 points de PIB par rapport aux pays de l’UE à 15), l’essentiel s’explique par les prélèvements sociaux qui ont un caractère obligatoire en France, souvent facultatif ailleurs (même si, dans les faits, ils sont aussi prélevés).

    Réformer le système

    Sans débattre du niveau des prélèvements sur les entreprises, le CPO juge que les niches fiscales et sociales« ont connu un développement rapide et difficilement maîtrisable, ce qui nuit au nécessaire encadrement de la dépense publique ». Et si certaines d’entre elles« peuvent être utiles », elles souffrent, notamment à l’aune de comparaisons internationales, d’une série de maux justifiant des économies : les niches, pointe le rapport, sont souvent génératrices d’effet d’aubaine (plus-values à long terme sur la cession de titres de participation), voire d’optimisation (bénéfice mondial consolidé, intéressement, exonération des plus-values professionnelles), trop coûteuses au regard de leur efficacité (TVA restauration, régime mère-filles, déductibilité des intérêts d’emprunt, « ISF PME ») ou contradictoires avec d’autres priorités (exonérations de TIPP).Le CPO ne fait pas de ses préconisations« un ’menu fixe’ où il faudrait tout prendre », mais, tempère Didier Migaud,« une carte à consommer avec discernement et sur plusieurs repas ». Le gouvernement pourra d’ailleurs arguer que les projets de budget 2011 de l’Etat et de la Sécurité sociale ont anticipé certaines recommandations : c’est le cas pour l’annualisation du calcul des allégements de charges sur les bas salaires, le crédit d’impôt sur les dividendes, le forfait social sur l’intéressement (+ 2 points) ou la taxation des retraites chapeaux. La commission des Finances de l’Assemblée nationale, qui examinera le projet de budget 2011 la semaine prochaine, souhaite toutefois un effort supplémentaire (lire ci-dessus).Si le CPO n’est pas dupe des facultés d’adaptation des entreprises à de nouvelles règles fiscales, une réforme des niches permettrait, selon lui, de remédier, au moins partiellement, à l’un des travers d’une fiscalité française privilégiant des assiettes de taxation étroites avec des taux facialement élevés. A cet égard, il rend ce qui sera probablement l’une des conclusions de la Cour des comptes sur la comparaison des systèmes fiscaux français et allemand, commandé par Nicolas Sarkozy : l’Allemagne, souligne Didier Migaud, a déjà« conduit plusieurs réformes conjuguant baisse des taux et élargissement de la base imposable ».

    Véronique Le Billon

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  • Le plan de relance chinois est une bombe à retardement pour le secteur financier


    Pékin Correspondant
     

     

    La crise financière mondiale, fin 2008, a placé la Chine face à un défi inédit : largement dépendant de la demande extérieure, l'" atelier du monde " devait amortir le choc d'un effondrement possible des commandes des pays occidentaux. Doté de 4 000 milliards de yuans (444 milliards d'euros), le méga- plan de relance annoncé s'est réparti en 1 800 milliards de yuans de dépenses directes du gouvernement central, et 2 200 milliards de yuans de dépenses au niveau local.

    Des centaines de projets d'investissement autrefois gelés sont ressortis des placards : les localités avaient de nouveau carte blanche pour " faire du PIB ". D'importantes subventions ont été consenties aux industries exportatrices. Les consommateurs ont bénéficié de remises, et le marché automobile a, par exemple, explosé. L'ébauche d'un système de sécurité sociale généralisé a vu le jour, et la consommation, dont la part a certes reculé par rapport à l'investissement productif, a maintenu sa croissance des années précédentes.

    L'expansion accélérée du réseau de trains à grande vitesse, désormais le premier au monde, a projeté la Chine dans l'ère de l'hyper-mobilité. Longtemps en retard sur les zones côtières, certaines régions du centre ont accédé à un nouveau stade de développement, favorisé par les délocalisations d'usines vers l'intérieur.

    Mais cette frénésie d'investissements a provoqué des effets secondaires : principales bénéficiaires du plan de relance, les grandes sociétés d'Etat, dont les 129 premiers conglomérats du pays, ont profité de la manne d'argent public pour se diversifier dans le foncier. Elles ont taillé des croupières dans de nombreux secteurs aux sociétés émergentes du privé.

    Des bulles se sont formées, notamment dans l'immobilier, où l'offre de logements est devenue pléthorique. Les projets somptuaires et surdimensionnés se sont multipliés. " Chaque localité a cherché à concurrencer ses voisines, ce qui a entraîné une duplication des investissements. Le surplus de biens publics et d'infrastructures s'est accentué en Chine, alors que la pénurie générale de services publics est toujours là, constate l'économiste Wang Yongqing, de l'université Fudan, à Shanghaï. Tout cela parce que les marchés financiers, le marché foncier et le marché du travail sont tous d'économie mixte : ce ne sont pas les lois du marché qui les régulent, le gouvernement peut faire ce qu'il veut sans se préoccuper des règles qui, ailleurs, l'en empêcheraient. "

    En Chine, les collectivités locales ne disposent que d'une fraction des revenus fiscaux (essentiellement la TVA) et ne peuvent émettre d'obligations. Ce sont donc les banques qui ont supporté le plus gros du financement des investissements publics locaux, le plus souvent sur instruction des dirigeants locaux et sans évaluation de leur rentabilité.

    Au point qu'en 2009, les crédits bancaires ont doublé par rapport à 2008, pour s'établir à 9 500 milliards de yuans. Conscient de cet emballement, le gouvernement central a ordonné de limiter les encours de crédit de 2010 à 7 500 milliards de yuans. Mais les banques, a révélé en juillet l'agence Fitch, ont titrisé une partie de leurs prêts, revendus comme produits d'investissements. Selon Stephen Green, économiste de la banque Standard Chartered à Shanghaï, quelque 2 000 à 3 000 milliards de yuans auraient ainsi été retranchés artificiellement des bilans en 2010. Et les crédits réels alloués sur les huit premiers mois de l'année auraient déjà dépassé la limite imposée...

    Plus grave, une grande partie de ces prêts ont été alloués à des structures créées pour l'occasion, les " plates-formes de financement local " : les économistes chinois les assimilent à des caisses noires, et ont tiré la sonnette d'alarme sur l'absence ou la mauvaise qualité des collatéraux (actifs auxquels sont adossés les crédits) de nombre de ces futures " créances pourries ". Si la garantie publique locale est implicite (et in fine, celle du gouvernement central, qui dispose de réserves suffisantes), cette méga-relance à crédit est vue comme une bombe à retardement pour le secteur financier de la seconde économie mondiale.

    Brice Pedroletti


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