• Relance ou rigueur : le dilemme de Barack Obama

    Les mauvais chiffres du chômage nourrissent les critiques contre la stratégie économique de la Maison Blanche
    New York, Correspondant
     

    C'est une affaire qui résume tout le débat économique américain.

    Les aménagements d'un nouveau tunnel sous la rivière Hudson reliant l'Etat du New Jersey à la ville de New York ont commencé il y a peu. Ce devait être l'un des " grands travaux " de l'administration Obama qui allaient sortir le pays de l'ornière. Entre 1 et 1,5 million de newjerseyans viennent quotidiennement dans la Grosse Pomme, en général pour y travailler.

    Ils ont trois solutions, toutes compliquées. La route promet des embouteillages abominables aux heures de pointe. Le ferry n'est utile qu'à ceux, peu nombreux, qui vivent à proximité. Reste le train, le plus utilisé. Mais ils ont douze minutes de retard en moyenne dans chaque sens, plus d'une heure les mauvais jours. Le motif : il n'y a qu'un tunnel, disposant d'un nombre limité de voies. Les travaux préparatoires d'un second tunnel avaient enfin commencé. Mais jeudi 9 octobre, le gouverneur de cet Etat, Chris Christie, a décidé d'annuler sa participation.

    Peu avant, il avait reçu un rapport assurant que le coût global du chantier passerait de 8,7 milliards de dollars (6,2 milliards de dollars) initialement prévus à 11 milliards ou plus. La " discipline budgétaire " étant un mot d'ordre clé du parti républicain à moins d'un mois des élections législatives, le républicain M. Christie a accordé ses actes avec ses convictions.

    Peu importe que 6 000 emplois directs et 60 000 induits tombent à l'eau ; que le New Jersey ne participât qu'à moins du tiers du financement ; que ses partenaires, l'Etat fédéral, l'Etat et la ville de New York, aient souhaité poursuivre ce projet - le bénéfice de ce tunnel, ont-ils tous dit, sera incomparable pour les économies tant de New York que du New Jersey.

    Lui a dit : non. Priorité à la résorption des déficits publics : " Je ne plongerai pas mes contribuables dans une dépendance - fiscale - dont ils ne verront pas la fin. "

    Dans le New York Times l'économiste Paul Krugman s'étranglait d'indignation. " Voilà le symbole même du fait que l'Amérique a perdu la boule. En refusant de payer pour un investissement essentiel, des politiciens perpétuent le chômage et sacrifient le long terme. " Peu après, les chiffres de l'emploi américain en septembre tombaient. Mauvais, ils ont instantanément relancé le débat.

    Le taux du chômage est resté inchangé (9,6 %) mais les Etats-Unis ont détruit en septembre 95 000 emplois. Un recul dû à la suppression de 159 000 emplois publics (dont la moitié résultent des coupes claires des Etats dans leurs services publics).

    Le secteur privé a moins embauché qu'espéré. Et surtout, le chiffre du " sous-emploi réel ", qui ajoute aux chômeurs les personnes travaillant contre leur gré à temps partiel et ceux qui cessent de chercher un emploi, a bondi à 17,1 %, se rapprochant dangereusement de son plus haut historique (17,4 % en octobre 2009).

    Pour ajouter aux difficultés, sur les douze derniers mois, les chiffres mensuels de créations d'emplois avaient été " surestimés " en moyenne de 30 000 postes par mois. Pour rappel : les Etats-Unis, pour seulement préserver leur niveau d'emploi compte tenu de leur accroissement démographique, doivent créer mensuellement 100 000 emplois. De sorte que lorsqu'ils en perdent 95 000, ce sont en réalité 195 000 qui manquent à l'appel.

    Enfin, la crise de l'emploi américain est tendanciellement la plus longue et la plus intense que le pays ait connu depuis que la statistique existe. Diverses études annoncent un rebond du chômage au-dessus de 10 % très rapidement, et nombre d'économistes n'envisagent plus d'embellie de l'emploi avant fin 2011.

    La faute à qui ? A l'administration Obama, dont le plan de relance n'a ni desserré le crédit ni boosté l'investissement, et qui voit le chômage remonter au moment précis où les effets des fonds publics s'épuisent, clament ses adversaires.

    L'économiste James Bullard, qui préside la division de Saint Louis de la Réserve fédérale américaine (Fed) a insisté vendredi : pas besoin de prendre de nouvelles mesures pour stimuler l'économie, " le plus raisonnable " serait d'attendre et voir. Vendredi encore, Alan Greenspan, l'ex-président de la Fed, a jugé les déficits publics " effrayants ". Il a estimé une politique d'austérité désormais " nécessaire (...) Il faut commencer à faire des coupes ! ", a-t-il lancé

    La faute à Barack Obama, répond aussi la gauche démocrate. Mais ses tenants reprochent l'inverse au président : d'avoir trop limité les " stimuli " publics destinés à remettre les salariés au travail. Bref, par manque d'audace, d'avoir fait perdre espoir aux Américains. Eux prônent un nouveau plan de relance ambitieux. Tout plutôt que voir poindre la rigueur et le risque de déflation.

    Le 5 octobre, le financier George Soros et l'économiste Joe Stiglitz intervenaient à l'université Columbia dans un séminaire consacré aux " nouvelles formes du capitalisme ". Le premier s'en est pris à la " religion de la réduction de la dette ". La " discipline budgétaire " est le meilleur moyen de mener l'économie à un affaissement durable, a-t-il jugé. Si l'on n'emprunte pas pour lancer de grands chantiers lorsque les taux d'intérêts sont à un plus bas niveau historique, alors quand s'endette-t-on pour investir sur le long terme ?, s'interrogeait le second.

    Fataliste, David Plouffe, le " Monsieur élections " de Barack Obama, a eu ces mots, vendredi : " La situation économique étant ce qu'elle est, la seule question est : allons-nous dans la bonne direction ? "

    Au moment où il prononçait ces fortes paroles, le gouverneur du New Jersey, devant le tollé soulevé par sa décision, annonçait qu'il allait réétudier le dossier du tunnel et se prononcer définitivement dans quinze jours. Ses ouailles l'ont élu parce qu'il leur a promis de ne jamais augmenter les impôts. Mais elles ne veulent pas non plus qu'il les prive de trains qui arriveraient à l'heure.

    Sylvain Cypel


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  • Liu Xiaobo, Wen Jiabao : deux visages de la Chine

     

    On ne connaît du Prix Nobel de la paix 2010, Liu Xiaobo, qu'un visage d'intellectuel au sourire timide, fixé par quelques photos, toujours les mêmes, reproduites à l'infini dans le monde entier. C'est le visage d'un autre Chinois, le premier ministre Wen Jiabao, qui s'étale sur la couverture de Time Magazine, la semaine même où est annoncée la courageuse décision du comité Nobel d'Oslo : ce visage-là affiche une confiance, une assurance tranquille que l'on n'avait pas vue depuis longtemps chez un dirigeant chinois.

    Dans un entretien publié par le magazine américain et diffusé sur CNN, M. Wen professe sa foi dans " la liberté d'expression, indispensable dans tous les pays ". Il évoque la nécessité des " réformes politiques " et explique que l'un de ses idéaux politiques est " que chacun puisse mener une vie heureuse et digne " - propos qui n'ont pas été repris par les medias chinois.

    Pourtant, la vie de Liu Xiaobo, condamné en décembre 2009 à onze ans de prison pour avoir participé et fait circuler un texte en faveur de la démocratisation en Chine, la Charte 08, n'est ni digne ni heureuse. A moins d'un miracle, il ne pourra pas aller chercher son prix à Oslo. Le gouvernement chinois a qualifié d'" obscénité " le choix du comité Nobel et convoqué l'ambassadeur de Norvège à Pékin pour exprimer sa colère.

    Dès l'annonce du prix, vendredi 8 octobre, les censeurs de l'Internet sont entrés en action pour bloquer tout mouvement de solidarité avec Liu Xiaobo sur la Toile.

    Le pouvoir redoutait ce choix. Il avait même dépêché à Oslo, en septembre, la vice-ministre des affaires étrangères, Fu Yin, pour mettre en garde les Norvégiens contre une détérioration des relations bilatérales si le comité Nobel distinguait Liu Xiaobo. Non seulement le comité Nobel n'a eu cure de ces intimidations, mais la formulation choisie pour expliquer sa décision est remarquablement claire : oui, la Chine a accompli des progrès économiques sans précédent ; oui, " le champ de la participation politique s'est également étendu ". Pour autant, " le nouveau statut de la Chine doit entraîner pour elle des responsabilités accrues ".

    Car la Chine, qui aspire au respect international, ne peut pas indéfiniment jouer sur tous les tableaux. On n'accède pas durablement au statut de superpuissance avec des méthodes d'Etat-voyou. Le modèle d'un capitalisme autocratique ignorant l'Etat de droit est, à terme, une illusion. Autre Prix Nobel de la paix, le Tchèque Vaclav Havel, courageux promoteur de la Charte 77, a soutenu le choix de Liu Xiaobo.

    Mais, contrairement à la Tchécoslovaquie des années 1980, la société chinoise de 2010 bouge et contraint chaque jour un peu plus le pouvoir à lui ménager un espace. Un débat sur les " valeurs universelles " s'est ouvert dans les milieux intellectuels.Plutôt que d'agir sous la pression, les dirigeants chinois s'honoreraient à prendre l'initiative en mettant en oeuvre les généreux propos de Wen Jiabao.

    En commençant par libérer Liu Xiaobo.


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  • L'Europe face à une pétition contre les OGM signée par plus d'un million de personnes

    La Commission devra indiquer d'ici à fin 2010 les suites qu'elle entend donner à cette " initiative européenne ", innovation du traité de Lisbonne
    Bruxelles Bureau européen
     

    C'est une pétition qui promet d'alimenter le débat européen sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). Plus d'un million de personnes ont signé un appel pour inviter la Commission européenne à geler l'introduction des OGM. L'opération, dévoilée mercredi 6 octobre par Greenpeace et le mouvement militant Avaaz, cherche à tirer parti d'une des innovations du traité de Lisbonne : l'initiative citoyenne. Ce dispositif prévoit qu'un million au moins d'Européens, résidant dans un nombre significatif d'Etats membres, peut, par voie de pétition, inviter la Commission à faire une proposition législative dans un de ses domaines de compétence.

    Avec l'aide d'Internet, les deux ONG ont recouru à cette forme inédite de démocratie participative, consacrant le rôle de la société civile. Première du genre, leur pétition appelle donc José Manuel Barroso, le président de la Commission, à " décréter un moratoire sur l'introduction des plantes génétiquement modifiées en Europe ". Elle vise aussi " à mettre en place un organisme éthique et scientifique indépendant chargé de mener à bien la recherche sur l'impact des OGM et déterminer leur régulation ". Deux sujets à l'origine de multiples polémiques.

    L'exécutif européen cherche en effet depuis début 2010 à débloquer le processus de mise sur le marché des OGM, paralysé de longue date par les divergences entre les Etats. Il a proposé en juillet de laisser les gouvernements interdire ou non sur leur territoire la culture des plantes autorisées au niveau européen. Une initiative qui suscite un tollé, en particulier en France, où l'on craint une fragmentation du marché intérieur.

    D'ici à la fin de l'année, la Commission espère par ailleurs procéder au renouvellement de l'autorisation décennale d'une des deux semences autorisées à la culture sur le Vieux Continent, le Mon 810, du groupe américain Monsanto. Des Etats ont néanmoins des doutes sur l'expertise et l'indépendance de l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA), dont les avis scientifiques sont censés fonder les décisions européennes. L'eurodéputé écologiste José Bové a dénoncé le " conflit d'intérêts " de la présidente du conseil d'administration de l'EFSA, par ailleurs associée à un regroupement d'industriels de l'agroalimentaire.

    Consultative, la pétition ne peut déboucher sur un référendum contraignant. La Commission aura quatre mois pour donner suite, ou pas, à la démarche. Elle n'a pour le moment pas l'intention de modifier sa stratégie. " Les procédures ne changent pas ", observe Frédéric Vincent, porte-parole du commissaire chargé des OGM, John Dalli. " La commission ne peut ignorer " un million de signataires, rétorque le directeur de Greenpeace Europe, Jorgo Riss. M. Barroso peut jouer la montre, en faisant valoir que le règlement qui encadre l'initiative citoyenne est toujours en négociation entre le Parlement européen et les Etats. La première initiative citoyenne ne sera donc pas recevable avant la fin de l'année.

    Philippe Ricard


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  • Les mauvais chiffres de l'emploi propulsent Wall Street à un plus haut de cinq mois

     


     

    L'anticipation de nouvelles mesures de soutien de l'économie par la Réserve fédérale a permis aux places américaines de progresser ce vendredi.

    Les mauvais chiffres du marché de l'emploi ont paradoxalement permis à Wall Street de terminer la séance à son plus haut niveau depuis début mai. Le Dow Jones est ainsi repassé au-dessus de la barre des 11.000 points, au-dessus de laquelle il n'avait plus clôturé depuis le 3 mai. Cette réaction s'explique d'une part par les spéculations des marchés sur la mise en place de nouvelles mesures de la Réserve fédérale pour soutenir l’économie américaine. D'autre part, le secteur privé à certes créé moins de postes qu'attendus, mais les premières indications fournies mercredi par le cabinet ADP avaient fait craindre pire.

    A la clôture, le Dow Jones gagne ainsi 0,53% à 11.006 points, le S&P 500 prend 0,61% à 1.165 points et le Nasdaq progresse de 0,77% à 2.402 points.

    Sur le front des statistiques, l'économie américaine a encore détruit 95.000 postes de plus qu'elle en est créés en septembre. Les économistes espéraient une stabilisation (autant d'emplois créés que détruits). Sur les quatre derniers mois, ce sont plus de 400.000 emplois qui ont été supprimés. Comme lors des trois mois précédents, cette contre-performance s'explique par l'incapacité du secteur privé de compenser les destructions de postes du secteur public. Le privé, toujours surveillé de très près, n'a créé que 64.000 emplois, contre 74.000 attendus par les économistes. Mais les mauvais chiffres publiés mercredi par le cabinet ADP avaient fait craindre bien pire.

    Le département du Travail a par ailleurs révisé le nombre de postes détruits en août à 57.000 contre un chiffre de 54.000 annoncé initialement, de même que celui de juillet à 66.000 contre 54.000 précédemment. Malgré tout, le taux de chômage est resté stable en septembre, à 9,6% de la population active. Notamment parce que cette dernière a tendance à décroitre, de plus en plus de chômeurs découragés renonçant à chercher un emploi. Les analystes estimaient qu'il remonterait à 9,7%.

    Du côté des valeurs, Alcoa s'envole de 5,66% à 12,89 dollars. Le premier producteur américain d'aluminium, la première société du Dow Jones à publier ses performances trimestrielles, a dégagé un bénéfice net de 61 millions de dollars au troisième trimestre. Cela représente une baisse de 21% sur un an. Cependant, les marchés avaient anticipé un repli plus important. Hors exceptionnels, le bénéfice par action ressort en effet à 9 cents, pour un consensus fixé à 6 cents. Le chiffre d'affaires d'Alcoa a progressé de 15% sur la période, s'élevant à 5,29 milliards de dollars. Les analystes ne tablaient que sur des ventes de 4,95 milliards de dollars.

    Toujours au chapitre des résultats, Micron Technology a fait état d'un bénéfice net de 342 millions de dollars au titre du quatrième trimestre de son exercice décalé. Cela représente 32 cents par titre, là où les opérateurs escomptaient 38 cents. En outre, le chiffre d'affaires du fabricant de mémoires informatiques est également inférieur aux attentes, à 2,5 milliards de dollars. Le consensus s'élevait à 2,65 milliards. Pourtant, le titre grimpe de 6,75% à 7,59 dollars.

    Genzyme s'adjuge 0,54% à 72,75 dollars après avoir annoncé jeudi soir qu'elle rejetait l'offre de rachat émise par Sanofi-Aventis. Selon la société de biotechnologies, spécialisée dans le traitement des maladies rares, le laboratoire français aurait proposé jusqu'à 80 dollars par action pour l'acquérir. Une information immédiatement démentie par Sanofi, qui n'a officiellement offert que 69 dollars par titre. Genzyme étudie de son côté d'autres options, n'excluant pas d'approcher d'autres sociétés.

    Enfin, Amazon recule de 1,46% à 155,55 dollars. Le numéro un mondial du commerce en ligne prévoirait d'offrir sa propre plateforme d'applications sur smartphone, affirme le Wall Street Journal. Cette dernière ne fonctionnerait que sur les appareils équipés d'Android et entrerait donc en confrontation directe avec l'Android Market de Google. Amazon proposerait un taux de reversement aux développeurs d'applications quasiment identique à celui de ses concurrents, le Wall Street Journal mentionnant le chiffre de 70% du prix de vente.

     

    Drôle de Monde.


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  • La Sicile, trou noir à subventions

     La Stampa Turin


    De l'argent bien dépensé : le stade de polo et d'athlétisme de Giarre, toujours en construction après 25 ans. (DR)

     

    Selon le bilan d’utilisation des fonds européens récemment publié, la Sicile a dépensé jusqu’au dernier centime les milliards reçus. Cette manne n’a pas servi à récupérer le retard de l’île, mais à alimenter le clientélisme.

    Pas capable d’utiliser les subventions européennes, la Sicile ? Pas du tout, réplique, pointilleuse, l’administration régionale aux inspecteurs de l’UE venus de Strasbourg. Et pas des clopinettes ! Car, pour les héritiers spirituels du magnifique et prodigue Frédéric II de Souabe, dont le palais orné d'or et de velours est aujourd’hui le siège du Parlement de l’île, les choses se font en grand ou ne se font pas. Ainsi, des 8,5 milliards d’euros versés par l’Union Européenne entre 2000 et 2007 pour combler les retards de développement, il n’est rien resté, pas même les miettes, tient-on à préciser à la Région.

    Dommage que dans le rapport qui clôt l’époque de l’Agenda 2000, la pluie de subventions estampillée Bruxelles qui a arrosé l’île entre 2000 et 2006, l’administration admet que cet argent n’a servi à rien. Les 700 millions dépensés pour améliorer la distribution d’eau ? En 2000, l’eau n’arrivait qu’au compte-gouttes dans 33% des foyers. Aujourd’hui ce sont 38,7% qui manquent d’eau.
     
    Les incitations à faire venir les touristes hors saison ? Elles ont coûté 400 millions d’euros, de quoi se payer une ligne aérienne. Et eux, ces ingrats, au lieu de venir en nombre, ont diminué chaque année : ils représentaient 1,2% du total des visiteurs en 2000,  1,1% en 2007. Quant aux  300 millions investis en maxi et macro projets sur les énergies renouvelables, il est vrai que la moindre butte a aujourd’hui son éolienne, mais la production en Sicile ne dépasse pas 5% des besoins en électricité contre 9,1% en moyenne dans le sud de l’Italie. 

    300 millions d'euros pour trier 6% des déchets

    Et ainsi de suite, avec ces 230 millions d’euros - une montagne ! - dépensés pour améliorer les chemins de fer, et qui ont accouché d’une souris : huit kilomètres de ligne rénovés, et tant pis si les Siciliens doivent prévoir quatre heures et demie pour parcourir les 400 km qui séparent Palerme de Messine, sur une voie unique, sans compter les arrêts imprévus.
     
    De perles en perles, on apprend ainsi que 300 millions d’euros destinés à la gestion intégrée des déchets ont été jetés par les fenêtres alors que des montagnes d’ordures assiègent les villes. Les financements pour construire 260 déchetteries et 64 décharges et centres de tri et de traitement des ordures n’ont pas réussi à faire franchir à la Sicile le seuil de 6% des déchets triés, alors qu’elle s’était fixée un objectif de 35%.

    Ecrit noir sur blanc, le paradoxe saute aux yeux. Pourtant, les Siciliens ne devraient pas s’inquiéter, habitués qu’ils sont à ne plus s’étonner de rien, voire à considérer que derrière les nobles intentions, les acronymes ronflants, le mythe de l’Europe il y ait toujours, ou presque, le même film. Aujourd’hui, certes, le roi est nu, mais s’il s’était déjà déshabillé tout au long de ces sept années de subventions, émiettées sur 43 000 projets ; distribuées au rythme des clientèles et des dérogations ; accordées dans les antichambres feutrées des présidents de commission. 

    Une nouvelle classe de "pêcheurs aux subventions" a surgi

    Elles ont même été utilisées pour payer  29 000 gardes forestiers ou des milliers de recenseurs du patrimoine ; dépensées pour des projets de "marketing territorial" et autres "promotion de l’image". Inutile de préciser que pas même une pierre de ces grands chantiers - front de mer, autoroutes, ports de plaisance  - qui ont transformé le visage de certains pays comme l’Espagne et le Portugal, n’a été posée. Exception faite pour les musées et monuments de l’île, qui ont été rénovés.

    Ce colossal gâteau a mis l’eau à la bouche a des centaines de sociétés, entreprises et autres centres crées et développés uniquement pour monter des projets à partir de fonds européens. Ils se démènent entre mesures, directives, et projets divers, manipulant des sigles ésotériques comme FED, FEDER, FEAGA ou IFOP et puisant dans les programmes Equal, Urban, Leader ou Interreg. Une nouvelle classe de cols blancs a ainsi surgi, choyée par des entreprises et des organismes publics pour leur précieux talent : la pêche miraculeuse aux subventions dans le vaste océan de l'Agenda 2000.

    Ce gigantesque amortisseur social a vu le jour en 1994 avec le précédent programme européen et il s’active à présent sur la nouvelle manne, les 6,6 milliards du programme 2007-2013, qui a changé de nom (le sigle est maintenant PO, pour Plan opérationnel) mais pas de substance. Et puis, il y a les 4 milliards des FAS, les financements pour le développement que le gouverneur de la Région, Raffaele Lombardo, a promis à la Sicile - sans que le chef du gouvernement Silvio Berlusconi ne lui ait jusqu’à maintenant accordé le moindre euro. Ce sera la dernière pluie d’or, car ensuite l’Europe déplacera le barycentre des aides sur les pays de l’Est, les derniers arrivés dans l’Union.


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