• Face à la menace de déflation, les paris risqués de la Fed

    Pour éviter une baisse des prix aux Etats-Unis, la banque centrale prépare de nouvelles injections de liquidités

     

     

    Que faut-il craindre le plus de l'inflation ou de la déflation ? Les marchés n'en finissent pas de s'interroger, mais la Réserve fédérale américaine (Fed) semble, elle, avoir fait son choix : la vraie menace est aujourd'hui celle d'une baisse durable et généralisée des prix et des salaires. Un scénario catastrophe qui, s'il se concrétisait, provoquerait un repli de la consommation, des investissements, de la production industrielle, et hypothéquerait gravement la reprise.

    La banque centrale américaine se garde bien pour l'instant de mentionner ce risque explicitement. Mais lors de sa dernière réunion de politique monétaire, fin septembre, elle s'est inquiétée d'une croissance économique " trop lente " conjuguée à une inflation " trop faible ", comme le souligne le compte rendu de la rencontre, rendu public mardi 12 octobre.

    La reprise est anémique, et les destructions d'emplois se poursuivent (95 000 en septembre). Mais, aux prises avec un déficit abyssal, l'administration de Barack Obama semble incapable de se décider entre rigueur et relance. La Fed prend le relais en se tenant prête à agir vite et fort, comme elle pourrait le confirmer dès sa prochaine réunion, le 3 novembre.

    En publiant mardi les " minutes " de ses débats internes, elle prépare déjà les investisseurs à la reprise de ses achats massifs de bons du Trésor américains. Une politique d'injection de liquidités que les experts appellent " Quantitative Easing ", jugée dangereuse en termes d'inflation par les plus orthodoxes. La Fed, qui se satisfait habituellement d'une hausse des prix comprise entre 1,5 % et 2 %, réfléchit aussi à fixer temporairement un objectif plus explicite et plus élevé. En jouant sur les anticipations, elle espère encourager la consommation et l'investissement. Et éviter que s'enclenche un cycle destructeur d'emplois. " La stratégie n'est pas sans risques, mais elle doit permettre d'empêcher que la déflation s'installe. Une fois amorcée, il serait impossible de lutter contre ", explique Sylvain Broyer, chez Natixis.

    L'économie américaine n'en est pas là. Mais les prix à la consommation - hors ceux de l'alimentaire et de l'énergie, trop volatils - n'ont grimpé que de 0,9 % en août sur un an. Soit la progression la plus lente depuis quarante-quatre ans. La Fed redoute que cette désinflation ne dégénère. D'abord bénéfique pour le pouvoir d'achat, elle finirait par entraîner un repli de la consommation, les ménages préférant différer leurs dépenses dans l'attente des baisses de prix à venir.

    Déjà, les effets bénéfiques des stimuli budgétaires et des politiques monétaires accommodantes semblent en passe de s'estomper. La banque centrale s'alarme devant la hausse du taux d'épargne des agents privés : ménages et entreprises privilégient le désendettement à la dépense. Quant au crédit, il reste grippé.

    Les économistes n'observent pas de pression à la baisse sur les rémunérations. Mais le taux élevé de sans-emploi met les salariés en situation de faiblesse vis-à-vis de leur employeur. " Au moment où la relance s'épuise, ce qui reste aux Etats-Unis, c'est 10 % de chômage et 17 % de précarité ", fait remarquer M. Broyer.

    Outre-Atlantique, les plus pessimistes voient resurgir le spectre japonais de la " décennie perdue " : l'Amérique risque-t-elle de connaître le même sort que l'Archipel, qui a glissé dans une spirale déflationniste après l'explosion de la bulle immobilière et boursière, au début des années 1990, et se débat depuis avec une croissance atone ? L'exemple japonais a longtemps été le sujet d'étude favori du président de la Fed, Ben Bernanke. Spécialiste de la déflation, l'ancien professeur de Princeton estimait que le Japon s'était fait piéger en tardant trop à réagir. Pas question, donc, de répéter les mêmes erreurs.

    Mais les " faucons " de la Fed ne sont pas tous acquis à la méthode défendue par M. Bernanke. Certains redoutent qu'à trop vouloir jouer sur les anticipations, l'inflation puisse franchement déraper. D'autres dénoncent les effets déstabilisants d'une politique ultra-accommodante sur le marché des changes : depuis plusieurs semaines, le dollar ne cesse de baisser.

    De l'autre côté de l'Atlantique, la Banque centrale européenne (BCE) privilégie aussi une approche plus orthodoxe que la Fed. L'institution monétaire ne parle plus ouvertement de mettre fin rapidement à son dispositif de crise, mais elle exclut d'en faire davantage. Le patron de la Bundesbank allemande, Axel Weber, a d'ailleurs préconisé, mardi, que la BCE cesse ses achats d'obligations souveraines, un programme lancé au plus fort de la crise grecque.

    La zone euro est-elle donc à l'abri de toute menace de déflation ? " On peut être plus optimiste, notamment quand on voit les excellents chiffres en Allemagne ", juge Véronique Riches-Flores, chef de la recherche chez Société générale, à l'issue d'une conférence, mardi à Paris, intitulée " Sommes-nous tous japonais ? "

    Reste que la situation est très contrastée. Les pays les plus fragiles, tels l'Irlande, l'Espagne, le Portugal, englués entre crise de dette et chômage élevé, sont loin de connaître l'embellie allemande.

    " La hausse de l'euro n'aide pas, note aussi l'économiste Philippe Brossard. Et cela ne risque pas de s'améliorer avec les annonces de la Fed. " Jeudi, l'euro a d'ailleurs franchi le seuil de 1,41 dollar, pour la première fois depuis neuf mois.

    Marie de Vergès

    Google va calculer l'évolution des prix en temps réel


    SI LA QUESTION divise encore économistes et investisseurs, Google en est en revanche convaincu : selon le chef économiste du géant américain de l'Internet, Hal Varian, les prix ont suivi " une tendance très clairement déflationniste " depuis près d'un an aux Etats-Unis. Tout du moins pour les produits commercialisés en ligne.

    Cette conclusion, l'omniprésent moteur de recherche la tire de ses travaux en cours : l'élaboration, à partir des transactions réalisées sur Internet, d'un nouvel indice de l'inflation baptisé " Google Price Index ".

    L'atout d'un tel outil serait de pouvoir " prédire le présent ". En clair, d'offrir une mesure des prix en temps réel, constamment actualisée à partir des informations disponibles en ligne. Le très officiel indice des prix à la consommation américain (CPI) n'est, lui, publié qu'une fois par mois, avec plusieurs semaines de décalage sur la réalité qu'il décrit.

    Le Google Price Index va-t-il faire concurrence aux statisticiens traditionnels ? Sans doute pas. M. Varian a d'ailleurs précisé que cet " e-indice " n'était pas destiné à remplacer le CPI car l'échantillon des biens et des services vendus en ligne ne couvre pas tous les produits de consommation courante. Ainsi, les prix de l'immobilier comptent pour 40 % dans le CPI américain, mais représentent seulement 18 % du Google Price Index.

    Et si l'on observe une " bonne corrélation " avec les statistiques officielles pour les montres, les jouets et les appareils photo, il n'en va pas de même pour les chaussures ou les pièces détachées automobiles, peu commercialisées sur la Toile.

    Moulin à poivre

    Lors d'un colloque d'économistes à Denver, lundi 11 octobre, M. Varian a raconté que tout avait commencé à cause d'un moulin à poivre cassé. Voulant remplacer l'objet, le professeur émérite de l'université de Berkeley, employé chez Google depuis 2002, s'est trouvé confronté sur Internet à une interminable liste de prix. " A quoi pense-t-on alors en premier lorsque l'on est un économiste ? A construire un indice des prix ", a déclaré M. Varian. Le projet, toutefois, est encore loin d'être abouti, et Google n'a même pas décidé s'il rendrait publics les résultats définitifs.

    Ce n'est pas la première fois que le groupe présente la colossale base de données dont il dispose comme un outil capable d'améliorer les prévisions pour toute une série de phénomènes. Dans un article publié en 2009, M. Varian évoquait entre autres les ventes automobiles, les ventes de détail, le tourisme ou la courbe du chômage.

    M. de V.


    votre commentaire
  • Les Etats-Unis font marcher la planche à billets

     

    C'est un nouveau sigle un peu barbare auquel il va falloir s'habituer, comme on a déjà eu l'occasion de le faire, depuis le début de la crise avec les CDO ou les CDS : QE2. Plus seulement pour désigner le paquebot Queen-Elizabeth II, mais pour qualifier la deuxième vague de quantitative easing à laquelle la Réserve fédérale américaine (Fed) s'apprête à procéder, si l'on en croit le compte rendu de sa dernière réunion, publié mardi 12 octobre.

    Ledit QE2, assouplissement monétaire quantitatif, va consister pour la banque centrale des Etats-Unis à injecter des centaines de milliards de dollars dans le circuit financier américain, afin de tenter de relancer la machine économique, totalement grippée. Autrement dit, de façon encore plus simple, à faire fonctionner la planche à billets. Déjà, au plus fort de la crise, la Fed avait eu recours à ce procédé.

    Pour cela, la Réserve fédérale va acheter des obligations d'Etat, avec pour objectif de maintenir les taux d'intérêt à long terme à de très bas niveaux. Le déversement massif d'argent frais dans le système vise aussi à créer un peu d'inflation - ce qui n'est pas banal pour une banque centrale. Et à lutter contre les forces déflationnistes qui ont tendance à tirer vers le bas, tout ensemble, les prix, les revenus, la production, l'investissement et la consommation.

    Le président de la Fed, Ben Bernanke, n'est pas seulement un spécialiste de la Grande Dépression des années 1930. Il est aussi un expert du long épisode de déflation que le Japon a connu à la suite de l'éclatement de la bulle immobilière et boursière au début des années 1990. Il en avait tiré un surnom, " Helicopter Ben ", après avoir recommandé de larguer par hélicoptère des billets de banque pour sortir d'une telle spirale. C'est aujourd'hui sur le sol américain qu'il va déverser ses sacs de liasses.

    L'annonce de ces mesures monétaires extrêmes prouve la gravité de la crise aux Etats-Unis. Le chômage reste très élevé, à près de 10 %, l'immobilier ne se reprend pas, les Américains rechignent à consommer. Or le plan de relance économique de 814 milliards de dollars adopté il y a deux ans prend fin le 31 décembre. Si le Prix Nobel d'économie Paul Krugman est favorable à l'adoption d'un nouveau plan de 800 milliards de dollars, beaucoup d'économistes mettent en cause sa santé mentale, compte tenu de la situation délabrée des finances publiques américaines. Pour eux, le risque est que les Etats-Unis perdent leur note financière triple A, et que les emprunts du Trésor américain finissent par ressembler à des " obligations pourries ".

    Ne resterait donc que l'arme monétaire ? Elle est à double tranchant, comme l'arme budgétaire. D'abord parce que le virage pris par la Fed fait entrer la politique monétaire américaine dans des territoires inconnus, potentiellement périlleux. Ensuite parce que M. Bernanke va nourrir la bulle mondiale de liquidités qui elle-même accroît les distorsions de changes. Créer en masse du dollar, c'est prendre le risque de l'affaiblir considérablement et de faire du billet vert une sorte de peso argentin. Attention, grand danger.


    votre commentaire
  • Impôts, dépenses publiques : les nouvelles propositions chocs de la commission Attali 

     

    Réactivée en février pour« accroître le potentiel de croissance »,la commission remet aujourd’hui son rapport au chef de l’Etat. Présentées comme une « ambition pour dix ans », les 25 propositions de réformes visent d’abord à répondre aux « urgences » du désendettement et de l’emploi.

    Le rapport que remet aujourd’hui la commission présidée par Jacques Attali à Nicolas Sarkozy devrait nourrir les débats alors que débute lundi l’examen du budget 2011 à l’Assemblée nationale. Sur les quelque 25 propositions soumises au chef de l’Etat, environ la moitié porte sur la maîtrise des finances publiques. Trouver un consensus entre la quarantaine de membres de tous bords qui composent la commission n’a pas été simple. Elle avait eu moins de mal à s’entendre sur les 316 propositions de son premier rapport, remis en janvier 2008, mais qui évitait le thème clivant de la fiscalité.Réactivée en février pour« accroître le potentiel de croissance »,la commission Attali s’est, cette fois, assigné deux objectifs : répondre aux« urgences »que sont le désendettement et l’emploi et préparer deux« chantiers de long terme »que constituent l’éducation et la gestion des ressources rares. Le tout étant censé former« une stratégie à dix ans »à l’horizon de laquelle la France serait alors capable d’atteindre une croissance moyenne d’au moins 2,5 % par an.Pour cela, la priorité est d’abord de ramener le déficit public sous le seuil de 3 % de PIB en 2013, comme s’y est engagé le gouvernement. Si la croissance atteint en moyenne 2 % sur la période, la première proposition est d’accomplir un ajustement de 75 milliards d’euros sur trois ans, indique une version préliminaire du rapport consultée par « Les Echos ». Comment ? En jouant« exclusivement »sur la réduction des dépenses publiques (50 milliards d’euros) et en élargissant l’assiette des prélèvements« sans relèvement des taux »(25 milliards). En clair, la commission ne propose pas d’impôts nouveaux, mais veut éliminer en trois ans le quart des pertes de recettes au titre des niches fiscales et sociales.

    « Mesures exceptionnelles »

    Concernant le volet dépenses, ce sont les 10 milliards d’économies préconisées dans le cadre de« mesures exceptionnelles »qui risquent de faire le plus de bruit : d’ici à 2013, la commission suggère de geler le point d’indice pour les salaires des fonctionnaires (ce qui n’est prévu par le gouvernement que pour 2011) et de prolonger et élargir la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite aux collectivités locales et à la Sécurité sociale. Il faut en outre geler certaines prestations sociales et mettre sous conditions de ressources les allocations familiales, estime le rapport. A côté de ces mesures temporaires, 40 milliards d’économies sont attendus d’une« meilleure maîtrise des dépenses de chacun des acteurs publics ».L’accent est notamment mis sur les collectivités locales, pour qui est recommandée une baisse de 1 % des concours financiers de l’Etat en valeur, alors que le gouvernement a opté pour un gel sur trois ans.

    Economies sur la « Sécu »

    Autre cible : la Sécurité sociale, avec le déremboursement de médicaments et, surtout, la mise en place d’une participation financière des malades en affection de longue durée (cancers, diabète, etc.), aujourd’hui pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale quelles que soient leurs ressources. Le budget 2011 de la Sécurité sociale ne prévoit de réviser qu’à la marge le dispositif des « ALD », qui explique l’essentiel de l’accroissement des dépenses.« Les dépenses publiques doivent être ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin »,justifie la commission.Côté recettes, la commission partage la philosophie du gouvernement en décidant de jouer en priorité sur les niches fiscales et sociales. Mais elle veut aller beaucoup plus loin que lui puisque l’exécutif s’est engagé à réduire les niches de 11 milliards dans son budget 2011. Le rapport cible en priorité les niches« ayant des effets antiredistributifs ou favorisant les plus privilégiés ».La TVA à 5,5 % dans la restauration est notamment en ligne de mire.Alors que le gouvernement compte ouvrir l’an prochain le débat sur la fiscalité du patrimoine, le rapport prône un« réexamen »de la fiscalité sur les plus-values et les successions« pour des raisons d’équité ».Pour ces mêmes raisons, il demande que la« contribution des plus favorisés »aux hausses d’impôts (effort sur les niches, patrimoine)« ne soit pas annulée par le bouclier fiscal ».Alors que l’avenir de ce dernier s’inscrit désormais en pointillé, la commission reste prudente :« Certains voulaient supprimer l’ISF, d’autres le bouclier, on est resté au statut quo »,résume un membre.En dépit de la cure d’austérité proposée, la commission juge au final son plan de redressement des finances publiques« réaliste, équitable et équilibré ».

    Frédéric Schaeffer

    Une fiscalité « de croissance » qui passe par la TVA sociale  

    En contrepartie d’un allégement du coût du travail, le rapport préconise de taxer davantage le foncier, la consommation et l’environnement.

    « Nous avons devant nous dix ans de rigueur »,prévenait Jacques Attali dans une interview aux « Echos » cet été. Si la première étape est de stabiliser la dette à horizon 2013, en abaissant le déficit à 3 % de PIB, la commission estime ensuite nécessaire de la ramener à 60% d’ici à 2020.« Pas de croissance sans désendettement, pas de désendettement sans croissance,met en avant le rapport.Il faudra continuer tout au long de la décennie l’effort pour renforcer l’efficacité des services publics et la maîtrise budgétaire ». Passage en revue des principales propositions.

    POUR UNE FISCALITÉ« plus efficace »

    La commission prône une fiscalité« plus juste et plus efficace »alors que l’exécutif a annoncé une grande réforme l’an prochain. Le rapport plaide pour une fiscalité« de croissance », allégeant les prélèvements sur le travail. En contrepartie, elle préconise la hausse de la TVA (soit le schéma de « TVA sociale »). Cette proposition a récemment été remise en avant par le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé, suscitant aussitôt des critiques à droite. Le débat divise également la gauche. Autre préconisation pour compenser la baisse des prélèvements sur le travail : un renforcement de la fiscalité écologique avec l’instauration d’une taxe carbone,« si possible au niveau européen ».Un sujet actuellement enterré par le gouvernement. Une troisième proposition porte sur le patrimoine, avec l’idée de taxer« les rentes injustifiées », « telles celles dont bénéficient les propriétaires fonciers ».

    Une protection sociale modernisée

    La commission plaide pour une modernisation« en profondeur »de la protection sociale. L’idée est surtout de la recentrer sur ceux qui en ont le plus besoin : cela passe notamment par la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, un rôle plus grand confié aux complémentaires santé et l’instauration d’une assurance-dépendance complémentaire obligatoire. Pour améliorer« l’efficacité et l’équité du système de santé », le rapport avance également plusieurs pistes audacieuses, comme la fin du « numerus clausus » limitant le nombre de médecins et de pharmaciens, ou encore le fait de recentrer l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) sur les personnes les plus dépendantes.

    état-collectivités : clarifier les compétences

    Afin de procéder à un meilleur découpage des prérogatives publiques locales, la commission propose de supprimer la clause générale de compétence des collectivités locales. Une limitation draconienne de cette clause pour les départements et les régions est actuellement au cœur du projet de réforme des collectivités. Le rapport plaide également pour le remplacement des services administratifs par des agences autonomes. La mise en œuvre d’une« revue systématique et permanente »des politiques publiques (« plus ambitieuse »que l’actuelle RGPP) et des organismes publics tant au niveau local que national est préconisée.

    Renforcerla gouvernance européenne

    Pour organiser le désendettement des Etats, le rapport plaide pour une gouvernance européenne renforcée et propose l’émission d’obligations européennes finançant les dépenses d’avenir.

    f. S.

     


    votre commentaire
  • Droits de l'homme

    L’Europe se sent seule à l’ONU

     The New York Times New York


     


    Andrzej Krauze

    Les récentes élections de l'Allemagne et du Portugal au sein du Conseil de sécurité de l'ONU pourraient-elles enrayer le déclin de l'influence européenne dans le monde ? Rien n'est moins sûr, explique le New York Times.

    Après avoir passé des mois à courtiser les membres de l’Assemblée générale des Nations unies, l’Allemagne et le Portugal ont finalement été élus le 12 octobre au sein du Conseil de sécurité des Nations unies en tant que membres non permanents.

    Jubilant, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a déclaré que l’arrivée d’un grand pays européen au sein du Conseil  – où siègent le Royaume-Uni, la Chine, la France, la Russie et les Etats-Unis – devrait renforcer l’influence de l’Union européenne. Les droits de l’homme et la démocratie étant au cœur de la philosophie européenne, les diplomates européens sont convaincus que ces valeurs peuvent séduire et être exportées vers des démocraties émergentes au-delà des frontières de l’Europe. C’est ce qui s’est passé après la chute du mur de Berlin en 1989, la réunification pacifique des deux Allemagnes et la disparition du rideau de fer.

    Lorsque la plupart des pays post-communistes de l'Est de l’Europe ont rejoint l’Union européenne en 2004, le pouvoir d’émulation de l’Europe en termes de respect des droits de l’homme, de démocratie et d’économie de marché, semblait avéré. Les pays voisins s’étaient alignés pour rejoindre le bloc européen et plusieurs pays d’Afrique et d’Amérique latine essayaient de se rapprocher de Bruxelles. Mais à l’heure où se produisent de profonds bouleversements des équilibres mondiaux sous l’influence de la Chine, le pouvoir de l’Europe recule et vite.

    La défaite cuisante de l'UE au sein de l'ONU

    "Les espoirs de l’Europe, qui voulait promouvoir les droits de l’homme et la démocratie dans le monde, pourraient être balayés par le changement des équilibres mondiaux", déclare Anthony Dworkin, spécialiste du droit international auprès du Conseil européen des affaires étrangères. Les Nations unies, où l’UE a essuyé d’embarrassants revers, est le meilleur témoin de ce recul. Le mois dernier, l’UE n’a pas réussi à changer de statut à l’Assemblée générale des Nations unies où elle n’est admise qu’au titre d’observateur. Un changement de statut lui aurait permis de faire des propositions, de diffuser des documents et de s’adresser devant l’assemblée.

    Au grand désarroi de Catherine Ashton, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, certains alliés proches de l’Europe – l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande – se sont abstenus lors de cette décision. La faute à un manque de consultation et de stratégie, expliquent les diplomates. "Cette défaite cuisante était plus qu’une humiliation pour l’UE", déclare Paul Luif, spécialiste de l’Europe à l’Institut autrichien des Affaires internationales de Vienne. "Cela témoigne d’un manque de soutien croissant pour une Europe qui semble de moins en moins efficace aux Nations unies".

    Seuls 42% des membres de l'ONU suivent l'UE sur les droits de l'homme

    Prenez l’exemple des droits de l’homme, où les positions européennes suscitent de moins en moins d’enthousiasme. D’après une étude menée par Richard Gowan et Franziska Brantner pour le compte du Conseil européen des affaires étrangères, en 2010, parmi les 192 membres de l’Assemblée générale des Nations unies, 127 se sont opposés aux positions européennes sur les droits de l’homme contre 117 l’année dernière.

    En outre, seule la moitié des démocraties hors UE ont généralement soutenu ses propositions. A la fin des années 90, l’UE était suivie à 70% par les autres pays membres sur les questions des droits de l’homme. Cette année, ce chiffre est tombé à 42%, proche des 40% des Etats-Unis. La Chine et la Russie ont elles obtenu 69% de votes convergents. Les démocraties comme le Brésil, l’Inde ou l’Afrique du Sud, qui avaient coutume de s’aligner sur les positions européennes en matière de droits de l’homme et d’Etat de droit, préfèrent désormais s’abstenir ou voter contre ses résolutions.

    Un déclin lié à l'influence économique de la Chine

    Le déclin de l’Europe est en partie lié à l’influence économique grandissante de la Chine, en tant que donateur et bailleur de fonds. De la Biélorussie à l’Iran, en passant par l’Afrique et l’Amérique latine, la Chine fait crédit, conclut des contrats, construit des routes, des aéroports et des écoles tout en exploitant les ressources naturelles de ces pays.
    Et elle prête sans condition. "La Chine n’impose pas de conditions à ses prêts, contrairement à l’Europe qui dicte souvent ses termes de manière incohérente", explique Paul Luif. Et de fait, la méthode chinoise semble mettre directement en péril la domination de l’Europe en matière d’aide au développement et d’accords commerciaux.

    Mais il y a d’autres raisons au déclin de l’Europe. La crise financière mondiale a bien plus sévèrement affecté les Etats-Unis et l’Europe que les pays émergents comme le Brésil, la Chine ou l’Inde. "Cette crise discrédite une Europe qui affirme la supériorité de son modèle politique et économique", explique Dworkin.

    Le soutien de l'Europe en Irak et Afghanistan a terni sa réputation

    Bien qu’inégal, le soutien de l’Europe aux opérations militaires en Irak et en Afghanistan va à l’encontre de sa réputation de défenseur des droits de l’homme et de la démocratie.
    L’incapacité de l’UE à parler d’une seule voix sur les questions des droits de l’homme et de l’Etat de droit, n’arrange rien. Tandis que certains gouvernements européens dénonçaient les pratiques américaines de transfert, de détention illégale de prisonniers et de torture, certains, comme la Pologne, collaboraient avec les Etats-Unis.

    Les Européens sont également divisés sur la question du Moyen-Orient. Ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur l’ouverture d’une enquête indépendante sur l’épisode du Mavi Marmara, en mai dernier. Neuf personnes avaient été tuées lors de l’intervention d’un commando israélien visant à empêcher un bateau turc d’approcher des côtes de la bande de Gaza.

    Même lorsque les gouvernements européens s’accordent sur des sanctions, ainsi qu’ils l’ont fait contre l’Ouzbékistan après la mort en mai 2005 de centaines de manifestants à Andijan, ils ne parviennent pas à  les faire appliquer si leurs intérêts nationaux sont en jeu.

    A l’heure où l’Union souffre d’une telle désorganisation et d’une baisse de son influence, la présence de l’Allemagne au sein du Conseil de sécurité de l’ONU pourra-t-elle vraiment faire une différence ? C’est le défi que devra relever Berlin.


    votre commentaire
  • Les ménages américains vont devoir réduire leur train de vie


     

    Il est bien possible que le niveau de vie des Américains soit la principale victime de la crise. Car, jusqu'ici, durant dix ans, les classes moyennes ont compensé la stagnation de leur revenu en empruntant toujours davantage.

    Le droit à voir son train de vie progresser tout au long de son existence n'est pas inscrit dans la Constitution américaine, mais pour la majorité des Américains, c'est tout comme. Voilà pourquoi peu de ménages ont réduit leurs dépenses alors que le revenu moyen n'a pas crû durant dix ans. Chez les foyers actifs, le revenu annuel médian est passé de 60 700 dollars en 2000 à 55 800 dollars en 2009. Et la plupart d'entre eux ont comblé la différence à grandes rasades de crédits apparemment bon marché.

    Si une bonne partie de ces emprunts ont été remboursés depuis la crise financière ou passés par pertes et profits à l'occasion de la défaillance de nombreux débiteurs, la dette des ménages représente encore 123 % de leur revenu annuel disponible : un niveau très élevé, car même à la folle époque des années 1980, le pourcentage n'avait pas dépassé 85 %.

    Faire baisser ce chiffre ne sera pas un mince exploit. Au rythme où les Américains épargnent en ce moment - près de 6 % de leur revenu disponible -, il faudra quatre ans pour ramener la dette des ménages au niveau de 100 % de leur revenu annuel disponible. Et on sera alors encore loin d'avoir reconstitué la perte de patrimoine net de 10 700 milliards de dollars constatée depuis 2007.

    Dans ces conditions, on voit mal comment les Américains pourraient éviter de se serrer la ceinture au cours des dix prochaines années. La progression des salaires risque fort de jouer aussi peu que pendant les dix dernières. Il semble qu'en se faisant plus féroce la concurrence internationale ait rompu la corrélation familière entre gains de productivité et augmentation des salaires. Et l'ampleur du chômage n'arrange rien.

    Stigmate social

    Cette fois, la plupart des Américains ne pourront pas, ou ne voudront pas, avoir recours à ce même expédient du crédit pour se procurer l'argent qui leur manque. Des patrimoines immobiliers moins importants ont amputé leur capacité de garantie pour un emprunt. La mise en faillite n'est pas non plus une bonne solution, parce qu'elle empêche par la suite tout accès au crédit.

    Reste l'option de l'inflation. Les Etats-Unis comptant bien plus de débiteurs que d'épargnants, lâcher les prix serait peut-être la façon la plus acceptable politiquement de s'attaquer à la valeur réelle de la dette. Evidemment, même dans ce cas de figure, la situation des classes moyennes resterait très dépendante de l'évolution des salaires. Le train de vie des Américains ne devrait donc pas échapper à la stagnation, voire à la régression.

    Christopher Swann

    (Traduction de Christine Lahuec)

    Plus de commentaires sur l'actualité économique et financière.

    Sur Breakingviews.com


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique