• ** Alors, elle vous plaît, cette reprise ? Pas mal, hein ?

    * Sauf pour ce qui est de l'emploi, évidemment.

    * Et des ventes au détail.

    * Et pour ce qui est des saisies... et des prix de l'immobilier. Et des revenus. Et des prix à la consommation. Et des profits des entreprises.

    * On dirait un travesti -- qui a tous les aspects d'une vraie femme, sauf l'essentiel.

    * Au moins les actions se portent bien. En termes de durée, le Dow Jones a déjà fait mieux que le rebond des années 30... puisqu'il en est à son sixième mois. En termes de cours, cependant, les actions sont à la traîne. Les valeurs américaines ont grimpé de 45% environ par rapport à leur plus bas de 6 547 sur le Dow. Selon ce critère, le niveau actuel de 9 398 points est un peu au-dessous de la hausse de 50% enregistrée cinq mois après le plancher de 1929.

    * En tout cas, les nouvelles étaient décevantes pour les économistes grand public la semaine dernière. On "remet son ouvrage sur le métier", déclarait le Wall Street Journal.

    * Les benêts fêtaient déjà la fin de la récession. Ils pensaient que le plan de relance fonctionnait, et que la récession touchait à sa fin.

    * Même la Fed semblait de cet avis. Un titre du Washington Post : "la Fed considère que la récession touche à sa fin".

    * Mais à la Chronique Agora, nous sommes d'un autre avis. Il suffit de regarder ce qui se passe...

    * "Même avec [les incitations financières à l'achat d'automobiles], les ventes au détail chutent", rapporte le New York Times. Les ventes au détail américaines devaient grimper en juillet. Elles ont baissé.

    * Dommage.

    * Les économistes pensaient aussi que les chiffres du chômage américain baisseraient. Sauf qu'ils ont grimpé en juillet. On en est à un total de 6,7 millions d'emplois perdus depuis que le ralentissement a commencé en décembre 2007.

    * Oh... et que voyons-nous là ? Les saisies ont atteint un nouveau sommet record en juillet... établissant leur troisième plus haut sur les cinq derniers mois.

    * C'est "une reprise que seul un statisticien apprécierait", titre encore le Washington Post.

    * On peut prouver à peu près n'importe quoi si l'on torture assez les chiffres. Mais si on cherche un emploi... si l'on a besoin de vendre sa maison... ou de refinancer son prêt hypothécaire... bonne chance !

    * Puisqu'on est en été... et que règnent la chaleur et la camaraderie... nous aimerions offrir un peu d'aide aux économistes susmentionnés : pssst... ce n'est pas une récession... c'est une dépression...

    ** Depuis 1945, l'économie américaine -- et une bonne partie du reste de l'économie mondiale -- repose sur les épaules des consommateurs américains. D'abord, ils ont dépensé l'argent qu'ils avaient gagné durant les années de guerre. Ensuite, ils ont dépensé l'argent qu'ils avaient gagné durant le grand boom des années 50 et 60. Ensuite, ils ont dépensé de l'argent qu'ils n'avaient pas du tout gagné. Ils ont emprunté à partir de leurs futurs revenus... faisant passer la dette américaine totale de 120% du PIB américain dans les années 70... à 370% du PIB en 2007.

    * Pendant les 15 dernières années de cette période, en particulier, chaque fois que le consommateur se montrait hésitant à continuer à dépenser, les autorités se précipitaient pour lui accorder plus de crédit. Et durant les cinq années finales -- la Bulle Epoque -- la dette américaine a doublé.

    * A présent, le consommateur s'entête. Il ne fera pas un pas de plus tant qu'il ne se sera pas débarrassé de son excès de dette.

    * Une fois encore, les autorités tentent de le stimuler. Le taux directeur de la Fed est pratiquement à zéro. Les autorités injectent de l'argent dans l'économie aussi rapidement qu'elles le peuvent. Mais quel bien cela fait-il ?

    * Même avec les dépenses et les stimulants... les taux d'intérêts ultra-bas... le consommateur n'est toujours pas prêt à rajouter de la dette. Bien entendu, c'est exactement ce qui s'est produit au Japon. Le secteur public a dépensé ; le secteur privé a épargné. Résultat net : une récession par intermittence qui a duré près de 20 ans.

    * C'est ce qu'on appelle une dépression : le moment où le modèle ne fonctionne plus. Franchement, comment l'économie américaine pourrait-elle se remettre ? C'est une économie nourrie par la consommation, si bien que le consommateur devrait dépenser plus d'argent -- sauf qu'il n'en gagne pas plus. Et il n'a aucune perspective d'en gagner plus -- pas avec un chômage à 10% et une économie américaine grippée. Le seul moyen pour qu'il dépense plus serait d'emprunter. Donc le seul moyen pour qu'une économie de consommation se développe serait d'y ajouter de la dette de consommation. CQFD. Est-ce possible ? Le ratio dette/PIB pourrait-il passer à 400%... 500%... jusqu'à la lune ?

    * Eh bien, nous ne sommes pas né d'hier. Nous vivons depuis assez longtemps pour savoir que tout ou presque est possible.

    * Nous apprenions la semaine dernière que le déficit fédéral américain se montait à 1 270 milliards de dollars en juillet. Nous ne pensions pas que c'était possible. Pourtant, malgré cet enfer de nouvelle dette, le bon du Trésor américain rapporte à peine 3,6%. Nous ne pensions pas que c'était possible non plus.

    * Tout peut donc arriver. Mais en général, les relances gouvernementales ne fonctionnent que quand elles ne sont pas nécessaires. C'est-à-dire qu'elles ne fonctionnent que quand elles vont dans la même direction que la tendance sous-jacente... et non dans le sens opposé. Tout comme on peut faire avancer plus rapidement un bateau en déployant ses voiles, on peut accélérer une expansion en offrant plus de crédit, plus facilement.

    * A présent, cependant, la tendance sous-jacente s'est inversée. Ce n'est plus une expansion de crédit ; c'est une contraction du crédit. Le consommateur en a assez de la dette. Il réduit ses dépenses et rembourse ses prêts. C'est ce que montrent les chiffres de juillet. C'est un changement de direction majeur qui mettra des années à s'accomplir. A présent, non seulement les relances sont inutiles -- puisqu'elles vont à l'encontre de la tendance majeure --, mais elles sont aussi contre-productives. Elles retardent et contrarient les ajustements nécessaires.

    * Mais attendez. Nous savons ce que vous pensez -- les programmes de relance marchent, parce qu'ils encouragent les consommateurs à acheter. Regardez les incitations financières pour les achats automobiles aux Etats-Unis. Parfois, la planification centrale marche, non ? Il suffit de voir les chiffres des ventes -- qui pourrait contredire une telle preuve ? Hélas, une économie centralisée est une chose perverse... où chaque statistique positive repose sur les corps des chiffres torturés. Enlevez l'"argent gratuit" des autorités, et il ne reste rien. Pas de véritable augmentation de la demande... juste un accroissement temporaire basé sur une relance temporaire et insoutenable.

    * Encourager les gens à trop acheter, c'est ce qui a causé le problème au départ. Les encourager maintenant à acheter plus encore n'est pas une solution ; ce n'est que la continuation de la même politique déficiente consistant à stimuler la demande de consommation... une politique qui est en place depuis des décennies.

    * A présent, le vent souffle dans l'autre direction. Le gouvernement n'apprécie peut-être pas... mais il ne peut rien faire pour l'empêcher.

    Bill Bonner co-fondateur de La Chronique Agora


    votre commentaire
  • Quatre principes pour en finir avec les crises financières

     par Frédéric Lordon ( extrait de « La crise de trop »)

    Alors que la crise présente n’est que la répétition formelle d’une scène caractéristique de la déréglementation financière déjà expérimentée maintes fois depuis deux décennies, il devrait être parfaitement clair pour tout le monde que, sitôt les pertes digérées – il faudra certes encore quelques trimestres –, banques et fonds n’auront pas d’autre préoccupation que d’identifier le nouveau compartiment de marché susceptible de livrer le surplus désiré de rentabilité financière. Et le cycle apuration des pertes-bulle-krach repartira pour un tour…

    Cet éternel retour est suffisamment pénible pour qu’on se décide à y mettre un terme. Il est cependant assez évident que les indigents moyens déployés jusqu’à présent, essentiellement constitués de menaces verbales sans suite ou de supplications à la transparence qui n’engagent à rien, ont peu de chance d’y suffire… Or la crise des subprimes est, ou aura été d’une gravité qui devrait dissuader de feindre l’action une fois de plus, et convaincre d’agir vraiment. C’est-à-dire radicalement.

    Cette action radicale devrait être gouvernée par quatre principes fondamentaux – il ne devrait pas être trop difficile de voir en quoi ils rompent avec les stratégies du fil de l’eau suivies jusqu’ici. Elle pourrait prendre la forme plus précise de neuf propositions ……………

    Quatre principes

    Principe 1  : Quand une bulle est formée, il est trop tard. Elle crèvera nécessairement, avec l’éventualité d’armer tous les mécanismes du risque systémique – c’est-à-dire de la prise d’otage des pouvoirs publics (banques centrales et Trésors) sommés de venir socialiser les pertes sous peine de risquer un collapsus majeur. Le schéma de re-réglementation de la finance doit donc poursuivre l’exigeant objectif stratégique d’empêcher la formation des bulles. On voit tout ce qui sépare ce schéma des pauvres tentatives en cours d’élaboration, notamment aux Etats-Unis – pourtant infiniment plus réactifs que les européens sur ces sujets ! – tentatives qui, de l’aveu même du Secrétaire au Trésor Paulson, n’ont ni la vocation ni la capacité d’éviter de nouveaux accidents financiers…

    Principe 2  : La finance est serve. Sa présence et son action ne sont tolérables qu’à concurrence des services qu’elle rend effectivement à l’économie productive. Et ceci spécialement si l’on prend en considération le potentiel de catastrophes que recèle toute dérive auto-centrée de l’activité financière. C’est pourquoi, compte-tenu du degré manifeste – et manifestement dangereux – d’autonomie pris par la finance contemporaine, la ramener à la subordination exigera sans doute de lui imposer de brutales, mais salutaires, régressions. Il faut y être prêt.

    Principe 3  : Le principe de level playing field retenu jusqu’ici par les institutions internationales de la régulation prudentielle (essentiellement les Accords de Bâle, I et II) est une impasse. Comme son nom l’indique, le level playing field vise à établir des normes communes pour réaliser un espace financier commun. On comprend bien, compte-tenu de ce dernier objectif, qu’il ne doive y avoir aucune « dénivellation » réglementaire sauf à induire des distorsions dans la concurrence des places, les places à basse intensité réglementaire jouissant d’un avantage compétitif évident. Mais comme toujours, l’objectif intermédiaire de normes prudentielles communes a conduit à des normes prudentielles minimales. Par un effet de plus petit dénominateur commun, le dogme du level playing field, c’est-à-dire du marché financier mondial unifié, ne peut mener ailleurs qu’au minimum minimorum de la régulation. L’incapacité des accords de Bâle à empêcher quelque crise que ce soit en est la tragique démonstration. Rétablir des zones financières à régulation adéquate, sans attendre que les plus intéressés à la déréglementation – Etats-Unis et Royaume-Uni – ne finissent par s’y rendre, exige donc de leur aménager des protections, c’est-à-dire de recloisonner le marché financier mondial.

    Principe 4  : L’Europe est une zone d’activité financière autosuffisante. Elle peut parfaitement adopter unilatéralement un degré supérieur de réglementation financière sans risquer, comme on s’empresse de le dire, la désertion des capitaux, ou sans que les capitaux extra-européens partis lui manquent. Au demeurant, les impératifs de diversification sectorielle et géographique rendent impossible aux investisseurs extra-européens de « faire l’impasse » sur le marché européen. Qui sait, peut-être même finiront-ils par être séduits par le degré supérieur de stabilité qui y règnera une fois la réglementation mise en place… Il est bien évident que par « Europe » il faut entendre ici les 27 moins le Royaume-Uni. Puisque le Royaume-Uni est manifestement décidé à ne revenir sur aucune des « libertés » de la finance de marché, il faut lui appliquer une stratégie adéquate de cantonnement et le considérer, en tout cas du point de vue de la reréglementation financière, comme de facto non-européen. Le Royaume-Uni ainsi mis à part, il résulte du principe précédent que la zone européenne de réglementation financière ne peut émerger qu’en cessant d’être ouverte à tous les vents de la finance, donc en envisageant certaines restrictions aux mouvements des capitaux. L’abrogation de l’article 56 (renuméroté 63) du Traité européen consolidé est donc un préalable à toute reréglementation financière sur une base européenne. Tel est l’objectif défendu par le mouvement « Stop Finance ».


    votre commentaire
  • Cela ne peut pas être un hasard que Angel Gurria s’adressent au « Grands » (pas au pays ou on a coutume de voir la mafia), non il s’adresse au monde. Oui il est conscient de la « voracité » des chefs d’entreprise.

    A mediter.


    6 commentaires
  •  

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Lordon a Marianne2 en mars 2009 1er épisode 


    votre commentaire
  •  

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La croissance Revient !!!!
    RTBF Paul Jorion 


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique