• « On applique des rustines pour préserver l'ancien monde »

    Le monde d'après. Chaque jour cet été nous interrogeons un grand témoin de l'actualité sur l'après-crise. Pour Paul Jorion, la crise est loin d'être terminée et la sortie de crise très incertaine, faute de mesures efficaces et énergiques. Le pouvoir politique a, selon lui, abdiqué face au monde de la finance.

    interview Paul Jorion sociologue et anthropologue

    Comment voyez-vous le monde de l'après-crise??

    La crise est loin d'être terminée, elle a à peine commencé en France et je ne vois pas comment aujourd'hui nous en sortir. Malgré le climat d'euphorie qui règne actuellement, la sortie de crise me paraît d'autant plus incertaine que les mesures prises par les États pour réformer la finance et relancer l'économie sont tout à fait inappropriées. Aux États-Unis, l'immense vague d'espérance suscitée par l'élection de Barack Obama s'est vite brisée sur les puissants lobbies de Wall Street. Il manque toujours quelques voix au Congrès pour adopter des textes encadrant mieux l'activité des banques. Ce n'est pas surprenant?: le Parti démocrate a toujours eu de nombreux soutiens dans le monde de la finance alors que le Parti républicain a traditionnellement l'appui des grands industriels, notamment du complexe militaro-industriel.

    Aucune leçon ne pourra donc être tirée de la crise??

    J'ai plutôt le sentiment que l'on applique des rustines pour tenter de remettre l'ancien système sur les rails. Il existe aux États-Unis un grand écart entre le discours et la réalité. C'est également le cas en Europe. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont eu le courage de dire que la crise était plus grave que l'on imagine. Mais je doute qu'ils aient les moyens de mener des actions efficaces, surtout dans une Europe aussi désunie. Le politique a totalement abdiqué. C'est le principal enseignement de la crise et la grande différence par rapport à la crise de 1929, où l'État a su imposer des réformes radicales, comme aux États-Unis, avec la stricte séparation des activités de banque d'investissement et de banque commerciale. Rien de tel aujourd'hui?: les politiques sont toujours convaincus des vertus autorégulatrices des marchés et ont délégué leur pouvoir aux banques centrales, alors même qu'elles sont sous influence de l'industrie financière. Pire, les politiques ont fait pression pour que les règles comptables soient modifiées, de telle sorte que personne n'est en mesure aujourd'hui de connaître exactement l'étendue réelle des pertes. C'est même renier l'un des principes du capitalisme, la transparence de l'information.

    Selon vous, une meilleure régulation de la finance aurait-elle permis d'éviter la crise??

    Sans aucun doute. L'État de Caroline du Nord a, par exemple, très vite réglementé les crédits subprimes et le maintien du Glass-Steagall Act aurait empêché que la crise des subprimes ne tarisse l'ensemble des crédits à l'économie. Aujourd'hui, il faudrait changer de paradigme, comme dans les années 1930, et cesser de se focaliser sur la liquidité des marchés. La priorité devrait être désormais donnée à la solvabilité des entreprises et des ménages. Il est tout à fait illusoire de croire que les dettes privées pourront être un jour remboursées. Par conséquent, il ne sert à rien de rééchelonner?: il faut remettre les compteurs à zéro. Ce qui suppose bien évidemment la nationalisation du secteur bancaire et la disparition de nombreuses banques. Autre priorité?: rééquilibrer la répartition entre profits et salaires de manière à ce que les ménages ne soient plus contraints de vivre perpétuellement à crédit. C'est tout le système d'endettement aux États-Unis, organisé autour de l'immobilier, qu'il faut par conséquent remettre en cause. Enfin, il faut prévenir toute nouvelle dynamique de bulle financière. Pour cela, il convient enfin de prendre en compte les méfaits de la spéculation qui prélève sur l'économie une dîme injustifiée. Des décisions simples peuvent être prises, comme interdire l'accès des marchés à terme aux opérateurs n'ayant pas le statut de négociant. Mais les mesures les plus efficaces sont souvent les plus difficiles à prendre du point de vue politique. On se contente alors de « verdir » l'économie pour préserver l'ancien monde. Cela n'est évidemment pas à la hauteur du drame qui se joue actuellement.

    Vous avez, dans l'un de vos livres, prédit la fin du capitalisme américain?

    Oui, et on peut même mettre une date sur son acte de décès?: le 18 mars 2009. La banque centrale américaine avait alors annoncé son intention de racheter des bons du Trésor américains sur des montants considérables. Autrement dit, les États-Unis ont décidé d'avaler leur propre dette, ce qui signe la fin du mythe du dollar sur lequel a prospéré le capitalisme made in Wall Street. Mais tout est fait pour dissimuler la portée de cette décision historique?!

    La relance de l'économie mondiale passe- t-elle par <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname>??

    Le match va effectivement se jouer entre une Chine qui monte et une Amérique sur le déclin. Mais permettez à l'anthropologue que je suis de rappeler que la croissance chinoise sera stoppée par les limites du monde?! L'homme a jusqu'ici prospéré grâce à une approche colonisatrice de son environnement. Aujourd'hui, nous détruisons massivement nos ressources, nous polluons comme jamais, nous créons des outils, comme l'informatique ou la monnaie, que nous ne maîtrisons plus. Notre ingéniosité et notre agressivité nous ont permis de survivre, elles risquent désormais de nous perdre. Le moment est venu pour la solidarité. Pour nous préserver de l'extinction.

    Propos recueillis par Éric Benhamou

     

    Excédé par le débat sur les banques ( bonus, etc…) 


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  • leur regard sur les crises du siècle

    Felix Rohatyn : « La finance est devenue un danger public »  

    Pour ce diplomate et ancien banquier d’affaires, au cœur de la crise actuelle, on trouve le débat sur la nature du capitalisme que l’on veut promouvoir. C’est un sujet qui va rester central, tout comme la question de la redistribution des richesses nationales. Des changements de comportements sont déjà en cours.

     

    Avec le recul, comment Barack Obama a-t-il fait face à la crise financière si on le compare à Franklin Roosevelt dans les années 1930 ?

    Il y a des points communs dans la méthode. Barack Obama souhaite certainement être comparé à Roosevelt. Comme lui, il a eu une approche un peu empirique. Jusqu’à présent, cela a été plutôt bien perçu par l’opinion publique et les marchés financiers. Mais on commence à découvrir aujourd’hui les premiers tiraillements avec le Congrès. Il faut dire que son agenda est très ambitieux : réforme du système de santé, éducation, énergie… Il a un entourage d’une grande qualité, comme Franklin Roosevelt en son temps.Comme l’ancien secrétaire au Trésor de Roosevelt, Morgenthau, Paul Volcker n’hésitera pas à dénoncer la dérive des déficits. Le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, est aussi un homme très posé. Aujourd’hui, on a l’impression que tout risque d’encourager les déficits. Entre 1930 et 1937, on avait assisté à une série de catastrophes. Mais la crise était essentiellement spéculative. Aujourd’hui, on retrouve ce phénomène de spéculation financière folle, avec la titrisation et les CDS par exemple. Mais il y a aussi une grave crise industrielle. C’est pourquoi Barack Obama pourrait rencontrer des difficultés au sein de son propre parti et pas seulement sur le front de la réforme de la santé.

    Comment gérer la sortie de crise au bon moment si l’on compare avec la Grande Dépression ?

    Avec un chômage à 25 %, la situation qu’avait connue Roosevelt était beaucoup plus grave que celle qu’on connaît aujourd’hui. Mais il savait parler au pays en termes très optimistes, même en l’absence de résultats immédiats. Barack Obama est beaucoup plus prudent, plus conservateur pourrait-on dire. Il est moins keynésien que Roosevelt. Les investissements dans les infrastructures ont été relégués au second plan face aux priorités données à la santé et à l’éducation. Il n’y a pas de grand projet de rénovation des infrastructures publiques. Pour ma part, j’aurais tendance à être plus audacieux et plus keynésien.

    Barack Obama aime aussi rappeler que Ronald Reagan a changé la trajectoire des Etats-Unis, davantage que Bill Clinton. Cela vous a-t-il surpris ?

    Pas tellement. Il est vrai que Ronald Reagan a donné un nouvel élan au pays, même si sa politique économique a eu un impact désastreux. Il est incontestable que Reagan a eu une énorme influence sur l’histoire des Etats-Unis. C’est l’homme qui a changé la direction de la politique étrangère américaine. Il est allé à Moscou pour rencontrer Gorbatchev. Il n’est pas très étonnant que Barack Obama se réfère parfois à Reagan. C’est un homme remarquablement intelligent et sa conviction est qu’il faut chercher des solutions non partisanes. Or, depuis les années 1960, il y a une difficulté croissante à aborder les problèmes à travers une approche bipartisane. Lorsque la ville de New York était au bord de la faillite dans les années 1970, nous avons réussi à surmonter la situation grâce à un accord entre démocrates et républicains. Mais le dialogue est devenu très difficile depuis plusieurs années.

    Quel est votre pronostic sur la sortie de crise ? Pensez-vous que le plan de création de 3,5 millions d’emplois de l’administration Obama est réaliste ?

    On va passer par des moments très difficiles. Je pense que le chômage va encore augmenter sensiblement. Il va falloir décider jusqu’à quel point on peut relancer l’économie tout en évitant d’alimenter l’inflation. Le plan de création de 3,5 millions d’emplois de Barack Obama me semble un objectif réalisable mais il n’est pas sûr qu’il suffise. Le risque est de mettre les freins trop tôt de peur de créer de l’inflation. A un moment donné, il faudra aussi avoir une politique d’investissements dans ce pays.

    Cette crise peut-elle vraiment redessiner le secteur financier et réduire le poids du secteur de la finance dans l’économie américaine ?

    Force est de reconnaître que la finance est devenue une sorte de danger public. On essaie de trouver des formules d’encadrement. Mais, jusqu’à présent, le nouveau plan de régulation financière de l’administration Obama a déçu les attentes. Beaucoup d’observateurs considèrent qu’il n’est pas assez dur par rapport à la manière dont on a traité l’industrie automobile dans ce pays. Sans doute, Barack Obama ne veut-il pas bouleverser les mécanismes de l’économie de marché. A cet égard, Franklin Roosevelt avait sans doute plus de poids et de confiance en soi sur le terrain économique. A sa décharge, Barack Obama est confronté à un éventail de défis tellement large qu’il ne pourra pas sans doute tout traiter en même temps.

    En tant qu’ancien banquier d’affaires, pensez-vous que l’on se soit focalisé à tort sur le débat sur les rémunérations des banquiers ?

    Non. Je crois que le débat sur les bonus est un vrai débat. Il touche à la question cruciale de la redistribution des richesses nationales. Il porte sur la nature du capitalisme que l’on veut promouvoir. C’est un sujet qui va rester central. Mais l’administration et le Congrès essaieront de ne pas aller trop loin. Car, au bout du compte, je crains que l’on n’ose pas imposer des solutions trop dirigistes en ce domaine. Je crois qu’une forme de pragmatisme va prévaloir sur ce sujet. Si vous prenez le niveau des rémunérations moyen des chefs d’entreprise, il a considérablement augmenté depuis une dizaine d’années. Le capitalisme qu’on a pratiqué ces dernières années est aujourd’hui très mal vu. Nous n’éviterons pas les hausses d’impôts pour les hauts revenus.

    Pensez-vous que les Etats-Unis peuvent encore éviter la « décennie perdue », qu’a connue le Japon dans les années 1980 ?

    On ne peut rien prédire. Nous vivons dans un monde où tout est interconnecté. Les relations internationales sont bouleversées. Aujourd’hui, la Russie et la Chine jouent un rôle beaucoup plus important et plus subtil à certains égards qu’elles ne jouaient il y a dix ans. Cela a des effets très importants. Quand le vice-président de la Chine suggère que l’on crée une nouvelle monnaie de réserve, il faut prendre cela au sérieux.

    Le fait que les Etats-Unis aient été à l’épicentre de la crise va-t-il modifier les relations de l’Amérique avec les puissances émergentes ?

    A mon avis, il va falloir créer des structures multilatérales à très grande échelle pour faire face aux nouveaux défis. Le Fonds monétaire international devrait jouer un rôle central avec la Banque mondiale. Mais il faudra faire évoluer ses principes de gouvernance.

    Cette crise peut-elle profondément modifier les comportements de la classe moyenne américaine en termes de crédit et de consommation ?

    Il y a déjà des changements de comportements en cours. Il y a une modération du recours au crédit. En matière de consommation d’essence, il va falloir encourager très fortement le recours aux carburants propres avec une politique de taxation adéquate. Mais cela va être très difficile. Car les Américains vivent dans leurs voitures. En tout cas, le patron de Fiat, Sergio Marchionne, a certainement fait une très bonne affaire avec la reprise de Chrysler.

    Le retour de l’interventionnisme public dans l’économie peut-il être accepté par les milieux d’affaires américains ?

    C’est inéluctable. En ce moment, il y a probablement une vingtaine ou une trentaine de villes américaines confrontées à de gros problèmes financiers, dont une bonne partie vont risquer la faillite. Prenez par exemple Philadelphie, Detroit, Boston, Indianapolis ou Chicago… Ce qui nous était arrivé à New York dans les années 1970 se reproduit aujourd’hui dans certaines villes. On peut couper dans les budgets, mais jusqu’à un certain point. On ne peut pas se passer d’un retour à l’interventionnisme public. Force est de constater que le gouvernement fédéral a déjà acheté des banques, deux constructeurs automobiles, et refinancé une partie des actifs immobiliers : c’est déjà une révolution dans l’histoire économique américaine. On a déjà réalisé l’impensable avec la nationalisation de General Motors. Cela effraie sans doute beaucoup de monde. Mais il faut le faire. Nombre de ces réformes que Barack Obama veut faire bénéficient d’ailleurs d’un large soutien populaire.

    De quelles chances dispose Obama pour faire passer sa réforme de la santé par rapport à Bill Clinton en 1993 ? Est-ce le test clef de l’automne pour la nouvelle administration ?

    En 1993, il y avait eu une réaction extraordinairement négative de l’industrie pharmaceutique et du secteur des assurances qui ont tout fait pour bloquer la réforme. Mais aujourd’hui, l’opinion publique se sent très concernée par la montée du chômage et la perte de leur couverture sociale. Nul doute que la réforme du système de couverture sociale sera certainement un test majeur pour l’administration Obama. Mais ce ne sera pas le seul. Sur le terrain international, l’avenir de l’Iran et la question de la Corée du Nord seront aussi des questions déterminantes. Ce sont deux dossiers à haut risque si l’on considère que ces deux pays veulent se doter de l’arme nucléaire.

      PROPOS RECUEILLIS PAR
    PIERRE DE GASQUET (À NEW YORK)
    Excédé par le débat sur les banques ( bonus, etc…) 

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  • Nicolas Sarkozy et les banques: une complicité bien rodée

    • ·  Pour comprendre la réunion de l'après-midi, ce mardi 25 août, entre les banquiers et le président de <st1:personname productid="la République" w:st="on">la République</st1:personname>, peut-être fallait-il être une petite souris et assister le matin à la réunion du
     

    Séance de rentrée pour le chef de l'Etat depuis son malaise de juillet, ministres et secrétaires d'Etat au grand complet, mines hâlées, petites phrases toutes prêtes à la sortie pour témoigner de leur ardeur à se remettre au travail, un barouf comme jamais dans la cour de l'Elysée au moment de remonter dans les berlines.

    Et de quoi leur a parlé le chef de l'Etat? De la contribution climat énergie qui figurera pourtant dans le projet de loi de finances 2010? Pas un mot. De la grippe A qui s'approche avec l'hiver et mobilisera une cellule ministérielle de crise avec Brice Hortefeux et Roselyne Bachelot ce jeudi? Non. Du plan de relance dont Patrick Devedjian s'apprêtait en ouverture de ce conseil à communiquer les résultats à ses collègues (seront rendus publics ce mercredi les 18,2 milliards d'euros engagés au total dans 700 projets pilotés par l'Etat, 8 milliards de plus qu'en juin, 320.000 véhicules ayant bénéficié de la prime à la casse, 400.000 emplois du fonds de soutien...)? Que nenni.

     

    Après les encouragements d'usage, Nicolas Sarkozy a appuyé sur deux points dans son propos liminaire, deux rencontres inscrites à son calendrier, celle avec les banquiers l'après-midi du mardi et celle du G20 prévue à Pittsburgh aux Etats-Unis pour la fin septembre. Réussir la réunion avec les banquiers français pour continuer d'entretenir cette image de champion mondial de la régulation auprès de ses collègues chefs d'Etat étrangers. Convaincre que l'on se multiplie à l'échelle internationale pour masquer la conduite des affaires dans son propre pays. Tel était l'objectif de cette rentrée. Et telle fut réalisée la séquence. De la belle ouvrage.

     

    On se souvient des discours de Toulon, de Saint-Quentin, ou celui devant l'Organisation internationale du travail en juin Nicolas Sarkozy en pourfendeur des dérives du capitalisme financier, ici pour en appeler à la moralisation, la disparition des paradis fiscaux; là, pour exiger l'interdiction (sic) «du système de rémunération de ceux qu'on appelle des traders, ces jeunes gens qui jouaient à la spéculation et dont les rémunérations étaient indexées sur la prime de risque». On garde en mémoire la menace de quitter le G20 de Londres au cas où les autres chefs d'Etat n'iraient pas assez loin dans la remise à plat du système et les innombrables tentatives pour faire accroire que sans <st1:personname productid="la France" w:st="on">la France</st1:personname> la rencontre n'aurait pas eu lieu.

     

    Or que s'est-il passé depuis avril dernier? Rien ou presque. Des mots, des intentions, des leurres. Les Anglais et les Allemands ont décidé pour le 1er janvier 2010 de limiter les pratiques les plus décriées, notamment en indexant les bonus des traders sur les performances à moyen terme et non plus sur l'année. Les Etats-Unis contrôlent (très mollement) les rémunérations des seuls cent premiers salaires des entreprises aidées par l'argent public, mais sans plus. Et quoi encore? La plupart des pays – à commencer par <st1:personname productid="la Chine" w:st="on">la Chine</st1:personname> – n'ont pas bougé une oreille, quelques paradis fiscaux ont déclaré vouloir collaborer. Des broutilles. Y compris en France où l'on a bien vu avec les 5,1 milliards d'argent public acceptés et le milliard d'euros provisionné par BNP-Paribas pour rémunérer ses bons génies de l'argent bien gagné que ce qui prévalait avant l'explosion du système continue. Et peut-être en pire: c'est «le triomphe des coupables» pour reprendre l'expression de Jacques Attali. Avec le concours des Etats, les banques ont privatisé leurs profits et mutualisé leurs pertes.

     

    «Nicolas Sarkozy nous a parlé de son rendez-vous avec les représentants des banques de cet après-midi et il a insisté sur l'importance du G20. Je peux vous dire que sa détermination est totale», a raconté Luc Chatel, le nouveau ministre de l'éducation et porte-parole à l'issue du conseil des ministres. «Pittsburgh est un rendez-vous très important et Nicolas Sarkozy considère que <st1:personname productid="la France" w:st="on">la France</st1:personname> a un message à y porter. Il a dit aux ministres qu'il veut faire bouger les Européens et entraîner les autres vers une réponse globale.»

     

    Mais pour aller chercher la paille dans l'œil de ses voisins, c'est bien connu, convient-il d'extraire la poutre que l'on a dans le sien. Du coup, les banquiers ont été convoqués ce mardi par le chef de l'Etat pour y être montrés du doigt et grondés. Sept fois que les représentants du monde bancaire gravissent les marches du perron cette année! Sept fois qu'ils les redescendent. Et il ne sortira rien de plus de la rencontre, un énième communiqué, de nouvelles phrases creuses, sans conséquence. En réalité, rien ne change.

      Un jeu de dupes au service de la place de Paris

    «Désormais, le trader devra attendre trois ans pour toucher l'intégralité du bonus et si dans les deux années qui suivent son activité perd de l'argent, il ne touchera pas son bonus. Pas de bonus sans malus, ce n'est pas à tous les coups on gagne», a dit le Président au sortir de sa rencontre. Forte parole. Ou encore: «Avant la réunion d'aujourd'hui, on versait des bonus, les traders prenaient les bonus, l'année suivante, leur activité perdait de l'argent, c'est le contribuable qui payait.»

     

    Les bonus tels qu'ils sont distribués sont immoraux et nocifs, le nombre de gens sérieux d'accord sur ce point ne cesse de s'agrandir (à lire dans Les Echos de ce mardi l'interview de Félix Rohatyn pilier de la banque Lazard à New York, «<st1:personname productid="La Finance" w:st="on">La Finance</st1:personname> est un danger public»).

     

    Le hic vient que, de la même manière que le socialisme dans un seul pays était une vue de l'esprit, le code de bonne conduite dans un seul pays est un but aussi illusoire que les épis de blé de trois kilos chacun pronostiqués jadis par le camarade Jdanov par l'effet de la biologie soviétique.

     

    A commencer par Nicolas Sarkozy qui rêve de faire de son fief de <st1:personname productid="La Défense" w:st="on">La Défense</st1:personname> un haut lieu de la finance mondiale, personne ne veut que la place de Paris décide seule de faire un nouveau pas vers un encadrement des règles de gestion et de transparence. Y a-t-il une seule grande entreprise française qui ait cessé de faire usage des comptes off-shore proposés par les grandes banques? Non. L'Etat a-t-il décidé de porter le fer contre les sommes faramineuses qui alimentent la spéculation? La fiscalité est-elle venue corriger les inégalités créées par les différentes bulles et les crises qui se succèdent? A-t-il pesé sur les conseils d'administration des établissements qu'il a renfloués? Pas davantage.

    Chacun attend de voir ce que le voisin fait ou, plutôt, ne fait pas. Au passage, et sans parler du rôle prépondérant des banquiers dans l'environnement de Nicolas Sarkozy, le système bancaire français totalise à lui tout seul près de 820.000 emplois, autant dire que les patrons de ce secteur ont quelques solides arguments pour réclamer un traitement comparable à ce qui existe ailleurs.

    La réunion de ce mardi après-midi a donc été un théâtre d'ombres. La réalité n'a pas d'importance, c'est l'image sur la toile qui compte et que seule le spectateur discerne. Et le spectacle est bien rodé. Pour que rien ne change, les patrons banquiers accèdent à la demande présidentielle. Nicolas Sarkozy a besoin d'une victoire, ils concèderont qu'une partie de la rémunération des traders sera versée en différé. Ils savent mieux que quiconque que les bonus ne sont qu'un épiphénomène – choquant certes pour l'opinion – mais totalement marginal de la machinerie. Mieux vaut être un bouc émissaire dans son pays qu'un handicapé sur le marché mondial. Et pour le reste, ils feront le gros dos. Notamment sur l'autre scandale de cette affaire, les restrictions sur le crédit et le refus des banques françaises de participer à la relance.

     

    Car qu'ont-ils fait des milliards prêtés, donnés, gagés et des promesses de contreparties? Au total, selon les experts, les encours de crédit progresseront autour de 2% en 2009. On est très loin des attentes de janvier. Les établissements se défendent en arguant que les crédits aux ménages ont progressé de 4,4% de juin 2008 à juin 2009, de 2,4% pour les crédits aux entreprises sur la même période et plaident non coupables concernant l'effondrement (-16,6%) du crédit à la consommation. Et à Bercy, comme à l'Elysée, on est prêt à entendre cette défense pour peu que le pouvoir puisse étaler son volontarisme et sa détermination. Là encore, les banques se feront une douce violence en acceptant que l'Elysée mette la pression sur l'allégement des garanties des prêts et l'allongement des durées de remboursement.

     

    Mais qui peut croire que l'économie réelle s'en trouvera dopée et revigorée de façon substantielle?

      Toujours la com et la posture

     

    Qu'importe. C'est que la stature internationale et ce discours keynéso-gauchisant qui tient lieu de viatique au président depuis la faillite de Lehman Brother's en septembre 2008 sont une dimension fondamentale de tout l'équilibre sarkozyen.

     

    D'abord, elle fait diversion («Sarkozy est-il de gauche», interrogeait finement Le Point de cette semaine). De surcroît, en plaçant la barre très haut à l'adresse des autres chefs d'Etat, Nicolas Sarkozy passe dans son propre pays pour un incompris, injustement ignoré par les autres dirigeants quasiment accusés d'être coresponsables de nos malheurs nationaux et internationaux. Cette surrenchère fait sourire partout dans le monde mais qui le sait sous nos clochers?

     

    Enfin et surtout parce que cette communication autour des banquiers permet d'atténuer la grossièreté de la situation en cette rentrée. D'un côté des traders et des banques d'investissement qui se goinfrent, un CAC40 qui retrouve des couleurs. Et de l'autre, un chômage qui explose. Le contraste est saisissant et sans le discours vengeur sur l'injustice des temps et les dérives de la finance, ledit équilibre serait impossible. En bête politique, le Président sait qu'il marche sur des œufs. La réforme de la taxe professionnelle et l'instauration d'une contribution énergie climat qui s'annoncent dès le projet de loi de finances 2010 n'arrangent pas le tableau des prochains mois et ce n'est pas la perspective d'un grand emprunt (Alain Juppé et Michel Rocard se lancent dans leur travail commun ce mercredi) qui modifiera la donne. Si grâce à la crise, les banques ont privatisé leurs profits et mutualisé leurs pertes, au final c'est le contribuable qui paye.

     

    Et paiera toujours plus. L'état des finances publiques en France ne laisse aucun doute sur la question. Les rodomontades sur la scène internationale, la sélection des banquiers en cibles mouvantes d'une thérapie collective contre les fauteurs de troubles ont cette vertu: elles distraient.


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  • Hyperfinance, s'attaquer aux racines pas aux symboles par Eric Le Boucher
    publié par SLate

    Les débats français ont ceci d'énervant qu'ils sont d'autant plus bruyants qu'ils sont vains.

    Agitations, remue-ménage, réunions,  indiscrétions genre «vous allez voir ce que vous allez voir !», « <st1:personname productid="la France" w:st="on">la France</st1:personname> va montrer la voie !»... Et puis... pschittt. Le système de paiement différé des bonus en trois tiers sur trois ans, décidé à l'Elysée, a déjà été instauré dans beaucoup de banques et le « malus » annoncé par le président de <st1:personname productid="la République" w:st="on">la République</st1:personname> est une bonne idée... qui reste à concrétiser. Les débats français ont ceci d'énervant qu'ils sont d'autant plus bruyants qu'ils sont vains. L'affaire des bonus des traders est de ceux-là.

    Le pouvoir s'agite beaucoup pour la galerie parce qu'il sait, depuis le départ, qu'il ne peut rien faire en ces matières sans s'inscrire dans le cadre international sinon pénaliser «la place de Paris». Nicolas Sarkozy a reçu les dirigeants des grandes banques pour la septième fois en moins d'un an, toujours pour les menacer et les tancer, mais sans jamais les sanctionner. Devant l'opinion qui aimerait voir couler des coupables le sang promis, le jeu de la désillusion va finir par être dangereux.

    Pourquoi s'en prendre aux traders? Parce que BNP Paribas a mis de côté un milliard d'euros pour leurs bonus 2009 et qu'est passée dans l'opinion l'idée (fausse) que l'aide de l'Etat va passer directement dans l'achat des Ferrari des jeunes gens des salles de marché. L'opinion «ne comprend pas» et développe «un sentiment très fort d'injustice», a expliqué Eric Woerth, ministre du budget. Le peuple veut des têtes, on lui en montre mais sans lui donner. Nicolas Sarkozy s'en sort par une nouvelle promesse de «sanctionner les comportements irresponsables», sans précision.

    Depuis le début de la crise, le rapport opinion-pouvoir-banques est délicat partout. Les banques sont responsables de la crise, les gouvernements devraient les punir. Mais comme l'économie a besoin d'elles, tout est fait pour ne pas les mettre à mal. En France, en sus, le débat est paradoxal et vicié. Le faux-semblant commence avec ces fameuses aides de 5 milliards versées aux banques françaises. La déconfiture de Lehman Brothers a mis toutes les banques sur le flanc mais «la place de Paris» explique que, prudente, elle ne s'est pas chargée de produits toxiques, bref qu'elle va bien. Beaucoup en doutent mais Bercy confirme: Dexia et Natixis sont des exceptions.

    Commence le chapitre 2. Car les autres gouvernements (les Américains mais surtout les Britanniques) aident leurs banques sans compter jusqu'à les remettre très à flot, avec des meilleurs fonds propres (ratio de capital). Du coup, les investisseurs préfèrent les grosses anglaises et les actions des banques françaises s'écroulent. Penaudes, BNP Paribas et ses consœurs reviennent vers l'Etat pour dire: on va bien mais aidez nous quand même (à redresser notre ratio de capital). Message compliqué à «vendre» à l'opinion. De surcroit, le gouvernement dit OK mais exige en échange que les banques ne ralentissent pas leurs crédits, les augmentent même de 4%.

    Voilà comment la «place» française s'est mise dans l'impasse. Pour l'opinion :1) les banques ont reçu de l'argent «pour les sauver», c'est faux ; 2) elles ne remplissent pas leurs obligations de 4% de crédits supplémentaires, mais c'est parce qu'il y a moins de demande (immobilier ou investissement) avec la crise.

    Chapitre 3: la reprise pointe son nez, dès le printemps. Les banques respirent puis, se remettent à faire de bonnes affaires. De très bonnes. Comment? Parce que les banques centrales leur accordent de l'argent à taux zéro et qu'elles reprêtent beaucoup plus cher. Parce qu'elles se font rémunérer par d'énormes commissions  les montages de levée de capitaux pour leurs clientes entreprises. Parce que les marchés financiers repartent comme en 14. Bref, les profits sont de retour, les banques américaines et britanniques remboursent leurs Etats pour se libérer des contraintes, les Françaises restent, elles, collées avec leurs aides publiques. Mais toutes versent des bonus royaux, conformément aux contrats passés, à leurs salariés traders. Les opinions ne voient qu'une chose: les banques coupables de la crise financière se tirent d'affaire et leurs traders s'offrent de nouvelles Ferrari.

    Personnellement je suis content qu'il y ait des jeunes gens riches qui puissent s'acheter des Ferrari, de beaux appartements et tout ce qui va avec. Ca fait marcher le commerce du luxe, un secteur où l'Europe et <st1:personname productid="la France" w:st="on">la France</st1:personname> se sont spécialisées. Les bonus font des emplois. En outre, aggravant mon cas, je ne trouve pas que leurs millions soient si injustifiés. Sur les marchés financiers, les traders font gagner des milliards à leur banque, il est normal que, salariés, ils en touchent une fraction en retour. Faudrait-il que tout aille aux dirigeants et à l'actionnaire? Non, le métier de trader est soumis à très forte concurrence, la sélection y est sanglante, les employeurs offrent des ponts d'or aux meilleurs pour les attirer et les retenir. Tant mieux pour eux.

    Encore faudrait-il qu'entre le trader et le contribuable, ce ne soit pas le jeu «pile je gagne, face tu perds». En cas de risque excessif et de pertes, il est juste que la banque soit pénalisée, son actionnaire en premier mais aussi ses traders. Nicolas Sarkozy a raison: on doit discuter de la forme des rémunérations. Il est anormal que les bonus soient «garantis», il ne s'agit alors pas d'une forme «variable» du salaire, celle que l'on veut promouvoir pour «motiver les troupes». Les bonus poussent à prendre des risques excessifs? Il faut les indexer sur les résultats des banques sur trois ans. On doit aussi exiger plus de transparence.  Mais faut-il aller plus loin et limiter ces bonus «honteux» (Barack Obama) ?

    Il faut revenir au cœur du «scandale»: les milliards de profits réalisés par les banques. Le royaume de l'hyper-finance, dont nous ne sortons visiblement pas, est caractérisé par des ROE (Return on Equity) de 15-20% dans les firmes industrielles mais de 25-30% dans les banques et de 40% voire plus dans leurs activités de marché (André Orléan, De l'euphorie à la panique  penser la crise financière). Pourquoi de telles sur-rentabilités? Voilà la bonne question. Les profits des établissements financiers représentaient 10% du total des profits des entreprises française en 1980, cette part est passée à 41% en 2007 alors que le secteur financier ne représente que 5% de l'emploi salarié et 16% de la valeur ajoutée. Pourquoi cette hyper-trophie? Voilà la bonne question.

    Hier, cette bulle financière était vue comme positive: la banque liquéfie l'économie mondiale, elle ne nuit pas au contraire, elle est à l'origine de la croissance forte. Aujourd'hui, le regard s'est inversé. Les banques sont qualifiées de  «dangers publics» par Felix Rohathyn (ex-Lazard) parce qu'elles prennent des risques insensés, mettent la planète dans le mur et que les conséquences sont toujours payées par le contribuable.

    A peine la reprise amorcée, les banques en reviennent par nature à leurs pratiques d'avant-crise dont les bonus ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Peut-on l'éviter? Comment l'éviter?

    L'hypercapitalisme a une pointe avancée: l'hyperfinance. L'hyperfinance a elle-même une pointe avancée: les rémunérations des dirigeants et des traders. S'attaquer à la pointe de la pointe pourrait suffire à émousser tout le reste. Stratégie cynique: empêcher les banques de s'offrir les meilleures intelligences disponibles, les priver de mathématiciens innovateurs de subprimes, va finir par les ramener à «la banque de pap». Au passage, les ingénieurs retourneront utilement dans l'industrie. C'est la sortie de l'hyperfinance par le sabotage.  Mais qui en veut? Cette stratégie se heurte concrètement à la question de la compétition internationale: sans coopération, personne n'ira dans cette direction. La concurrence «entre places» fait que chaque pays minore les exigences qu'il impose à son système financier. «Tirez les premiers Messieurs les Français !», nous Britanniques récolteront les meilleurs.

    Les bonus sont donc plutôt une arme symbolique qu'on brandit devant les opinions qu'une pièce stratégique qu'on utilise vraiment. Mais que faire d'autre? Borner les risques: tel est l'objectif des discussions en cours dans le cadre du G20.  Tout un arsenal est prévu: exigence de fonds propres, macro-surveillance, agences de notation, règles comptables...

    Mais l'état du dossier est décevant car le débat n'est pas tranché au fond sur l'utilité de l'hyperfinance. La  reprise donne du poids à ceux qui veulent revenir comme avant, très majoritaires dans le monde anglo-saxon. L'idéal, chacun en convient, serait de faire le tri des innovations, de ne garder que celles qui sont utiles à l'économie et taxer ou interdire celles qui ne servent qu'à hypertrophier le système bancaire. Mais qui est capable de mettre en place ce micro-management de l'innovation? D'où le sentiment qu'en dehors des belles déclarations et des convocations des banquiers dans les palais politiques, le monde de la banque ne changera que marginalement.

    Eric Le Boucher
    Excédé par le débat sur les banques ( bonus, etc…) 


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  • Altius, Fortius, Bonus, Malus

     par  Jacques Attali

       

    Les bonus, prime distribuée en fonction des résultats  d’un salarié,  constitue une forme très ancienne  d’incitation au  travail,  utilisées dans beaucoup de métiers ; sa  forme la plus commune fut   la rémunération au rendement,   si longtemps la règle dans  le monde ouvrier. Ils sont  aujourd’hui   surtout connus pour   etre utilisés comme complément de rémunération de  ceux qui pratiquent les deux métiers les mieux payés du monde, ceux de la finance et ceux de la distraction.  Et l’expérience démontre qu’ils ne constituent pas une  façon idéale de rémunérer les gens.  

     D’abord,   ils sont   souvent octroyés sans relation réelle avec la performance de l’intéressé : ainsi, le bonus du banquier dépend de sa capacité à réussir des coups, plus que du  nombre  de clients durables qu’il acquiert pour sa banque ;  et celui du sportif dépend de sa capacité à  attirer de la publicité plus que de  la valeur de ses exploits  : ainsi le bonus  des sprinters, même Usain Bolt  , est-il  très inferieur à celui des golfeurs ou des footballeurs .

    Ensuite parce que  le   bonus peut biaiser la performance : un camionneur  espérant des bonus ferait  courir des risques à tous ceux qu’il croisera sur les routes ;  un trader cherchera à prendre le maximum de risques, surtout s’il sait que sa banque est trop importante pour qu'on la laisser   tomber  en faillite. Un sportif  cherchera à ajuster ses performances en fonction de ses primes ; ainsi,  Sergei Bubka, qui  recevait une prime de la fédération soviétique d’athlétisme chaque fois qu’il battait le record du monde, ne le battait  que  d’un  centimètre à chaque  sortie,  pendant plus de  dix ans, de 1983 à 1994.

    Enfin parce que le bonus ne peut etre attribué qu’à des gens dont les métiers ne sont pas essentiels à la vie sociale. En effet, on ne peut imaginer   que les  médecins soient rémunérés en fonction du  succès de leurs traitements ni que les professeurs  soient rémunérés selon les résultats aux examens de  leurs  élèves.  Autrement dit,   un bonus n’est acceptable que si la société peut tolérer que celui qui peut le recevoir ne soit pas toujours à son meilleur,   c'est-à-dire si  son métier n’est pas socialement  vital.   Ce qui est le cas d’un sportif ou d’un banquier. Pas d’un médecin ou d’un professeur.  Pire même, un médecin ou un professeur qui ne ferait pas parfaitement son travail est redevable d’un malus, sous forme d’une    amende ou même d’une interdiction d’exercer.  Alors que dans le cas d’un banquier le bonus est pour lui, alors que,  s’il fait des pertes, le malus est pour le contribuable.  

    La différenciation des revenus selon les compétences est évidemment  nécessaire, mais elle ne doit pas inciter à prendre des risques inutiles. Il faut donc  d’abord reconnaitre que  percevoir un  bonus revient à  admettre que son métier est assez peu important pour que la société puisse tolérer qu’il ne soit pas exercé parfaitement.  Il faut ensuite en interdire l’usage lorsqu’ils peuvent biaiser le comportement des bénéficiaires   de façon nuisible à la collectivité ; c’est le cas du trader ou du chauffeur d’autobus, qui seraient  ainsi poussés à prendre des risques excessifs. Il faut enfin accepter que celui qui en est alors privé parte à la concurrence : une  banque, (comme son pays d’origine)  a  même tout à gagner à laisser partir  ceux  qui l’ont entrainée dans le délire des dérivés de dérivés de dérivés.   

     

    C'est le minimum que nous puissions faire.


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