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Par emile11111 le 30 Octobre 2010 à 09:30
L'économie après la mondialisation heureuse
Le pilotage automatique a échoué ; reste à inventer le pilotage manuel
Le G20, ou les incertitudes de la régulationAlors que la France va présider le G20, le surendettement, les effets pervers du krach de 2008, et les risquessystémiques planent toujours sur l'économie mondiale et compromettent la sortie de crise
Comment expliquer la crise du système capitaliste et l'impossibilité présente des Etats ou du G20 à reprendre la situation en main ? Depuis 1980, la conjoncture internationale, à mesure qu'elle se globalise, semble devenir de plus en plus insaisissable. Pratiquement aucun économiste n'avait prévu la dépression de l'été 2008 ou n'est simplement en mesure de prédire la conjoncture à moins de trois mois.
Fin 2010, alors que la croissance demeure atone aux Etats-Unis et dans la zone euro, bien peu d'experts sont véritablement en capacité de dire ce qu'il conviendrait de faire pour relancer l'économie. Le nouveau concept de " rilance " - rigueur d'un côté pour rassurer les marchés, relance de l'autre pour soutenir l'activité - ajoute à la perplexité.
En fait, cette propagation rapide de la crise financière à la sphère économique n'est-elle pas due au processus de globalisation lui-même ? L'interdépendance recherchée et souhaitée entre la finance et l'ensemble de l'économie mondiale est aujourd'hui effective. En période de croissance forte, cette interdépendance est potentiellement porteuse de profits. Sans régulation, les inconvénients de ce modèle sont néanmoins nombreux : explosion des inégalités, consommation rapide des ressources naturelles, écart grandissant entre zones de production et zones de consommation aboutissant à une économie de flux.
Or, aujourd'hui, les marchés auxquels nous avons confié notre avenir ne semblent plus en capacité d'assurer un bien-être collectif. La mondialisation " heureuse " n'existe plus. Elle n'est plus au bénéfice de tous mais seulement de quelques-uns. Sait-on que le commerce intra-firme représente, selon les experts, de un tiers à la moitié du commerce mondial aboutissant à produire à bas coûts ce que l'on peut vendre avec des marges élevées dans les pays développés ? La globalisation favorise l'expansion de certaines zones économiques - les pays émergents - au détriment de l'activité dans les pays développés et, dans une large partie, du monde en développement.
Les grands opérateurs internationaux - firmes multinationales, spéculateurs et financiers - profitent de ce système, de cette distanciation entre zones de production et zones de consommation. Ils ont avantage à acheter à bas coûts dans les pays émergents et à vendre à prix élevés dans les pays développés. Une économie de flux s'est mise en place où chaque opérateur entend prélever sa dîme.
Mais alors, comment réagir dans une telle conjoncture ? Comment retrouver un équilibre dans la répartition des richesses produites ? Est-il possible de réguler à nouveau l'économie mondiale en la mettant au service du développement humain de tous ? Tout retour en arrière est-il définitivement impossible ? Face à la crise de l'été 2008, les Etats ont tenté courageusement d'intervenir - stabilisation de la crise par la dépense publique - et les G20 de Washington et de Londres ont proposé de fixer de nouvelles règles - liste noire des paradis fiscaux, gouvernance des marchés financiers, dotation supplémentaire pour le Fonds monétaire international et la Banque mondiale pour aider les pays en difficulté.
Toutefois, ces tentatives de reprise en main semblent avoir fait long feu. Les déficits des Etats se sont creusés et les marchés n'ont pas tardé à " doucher " cet interventionnisme jugé excessif et laxiste dont ils avaient été les premiers bénéficiaires. Via la dette souveraine qu'ils financent, les marchés imposent à nouveau la rigueur de peur de voir leurs créances souveraines se dévaloriser. Via le dogme intangible de la liberté pleine et entière du commerce international, ils bloquent toute velléité de régulation globale, immédiatement assimilée à du protectionnisme - la bête immonde - qui risquerait de limiter les flux. La main invisible doit rester insaisissable.
Pour redonner un minimum de perspective aux générations futures, il faudrait s'accorder sur la mise en place d'un autre système économique, social et écologique où l'homme reprenne en main les manettes de son avenir, où la puissance publique ait à nouveau le droit d'intervenir en matière économique face au diktat des opérateurs économiques. Il faudrait surtout que les Etats, un à un, ou pris collectivement dans le cadre du G20, aient le courage de fixer de nouvelles règles économiques en se donnant les moyens de les faire respecter. Il faudrait enfin que les zones de production se relocalisent en partie à proximité des bassins de populations afin que l'économie se mette à nouveau au service de la satisfaction des besoins locaux.
Le pilotage automatique de l'économie mondiale par les marchés n'est plus la solution, nous le savons. Il nous a conduits collectivement dans le mur. La loi des avantages comparatifs imaginée par l'économiste anglais David Ricardo (1772-1823) - tous les pays peuvent tirer avantage d'un commerce international ouvert - s'efface en faveur de la loi des avantages absolus qui privatise l'accumulation de richesses au profit des plus forts. Ne laissons pas de funestes augures nous faire croire qu'il conviendrait d'en faire encore un peu plus en matière de libéralisation. Cessons d'être dogmatiques et ayons le courage de regarder la réalité en face.
Les démocraties doivent à nouveau faire entendre leurs voix en se donnant les moyens de saisir effectivement la main invisible du marché qui nous gouverne actuellement. Telle devrait être, en 2011, l'ambition de la présidence française du G20.
Stéphane Madaule
Essayiste, maître de conférences à Sciences Po Paris
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Par emile11111 le 30 Octobre 2010 à 09:11La dérive des processus et produits financiers (3/5)LA CRISE N'EST PAS FINIE - 2007-2010: voici trois ans que notre économie est en crise. Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes étudie la période récente et nous livre son diagnostic: pour en sortir, il va falloir régler des problèmes structurels graves.
Pour bien comprendre les crises financières telles qu’elles ont pu se développer dans ces trois dernières années, tant celles des subprimes que des dettes souveraines, il faut en prendre le produit le plus emblématique, le plus discutable car il présente des aspects négatifs mais également positifs de cette période d’explosion de la finance. Il s’agit évidemment de la titrisation.
Comme le souligne de manière très convaincante Barry Eichengreen, il y aurait une sorte de nostalgie des temps passés au cours desquels les banques jouaient un simple rôle d’intermédiation en prêtant de manière tout à fait raisonnable à des ménages et à des entreprises, et cela dans le cadre de bilans parfaitement transparents et ajustés. Revenons donc au temps heureux où la titrisation n’existait pas, ou alors, autre version de la même approche, établissons une régulation forte et définitive qui nous ramène à la période bénie des années 1960. Et c’est sûrement là l’une des tentations les plus fortes qu’ont aujourd’hui les autorités financières américaines et européennes. En réalité, le problème est beaucoup plus complexe, car la titrisation a fait partie d’un mode de financement global de l’économie mondiale dont elle n’était qu’un élément parmi d’autres, et qui a par ailleurs joué sans nul doute également un rôle positif. En fait, la titrisation n’est en aucune manière un objet isolé. Elle fut le produit de la dérèglementation des marchés financiers, des nouvelles formes de régulation bancaire et d’un environnement de dématérialisation totale des flux de capitaux à l’échelle mondiale. Ceci donna ce résultat étonnant d’explosion des titrisations.
Car le mot clé fut celui de l’excès brutal, c’est-à-dire l’emballement d’un système incontrôlé et cela depuis peu, c’est-à-dire dans les cinq dernières années. Ce qui est bien connu, c’est l’incroyable extension du crédit aux Etats-Unis et donc l’explosion des fusions-acquisitions ou du private equity. L’un et l’autre sont des mécanismes qui ont leurs vertus pour peu que leur développement conserve un lien solide avec l’économie réelle.
Or, 2007 fut l’année de toutes les folies et chacun a en mémoire les immenses levées de fonds, notamment celles de Blackstone et autres KKR et les introductions en Bourse de leurs sociétés de gestion sans que la logique de ces mouvements n’apparaisse clairement. La sanction n’en est revenue que plus brutalement. Mais surtout cet excès systématique a trouvé son véritable point d’ancrage dans les dérives de la titrisation sous toutes ses formes. En réalité, dans les dernières années, la titrisation qui s'inscrivait dans une double logique d’optimisation des fonds propres et de la gestion actif/passif, aux mains des directions financières, des banques, passa subrepticement sous le contrôle des salles de marché avec pour objet essentiel de lancer des produits à fort effet de levier et très fort rendement espéré. Rappelons-le, la titrisation consiste à sortir des actifs du patrimoine d’une institution, en les cédant sous forme de valeurs mobilières. Un véhicule est créé auquel les actifs sont cédés. Ce véhicule émet les titres et perçoit les flux de trésorerie générés par les actifs sous-jacents et les reverse aux investisseurs (paiement des intérêts et remboursement des titres). Le schéma ci-dessous rappelle les étapes du mécanisme.
Source: LCF
Lorsque l’on décrit les opérations telles qu’elles furent mises en œuvre, on s’aperçoit que les banques sont très souvent intervenues à tous les niveaux des opérations notamment dans la création et le financement des SIV ou conduits et donc que l’écheveau est évidemment bien difficile à dénouer. Dans les faits, la titrisation qui consistait évidemment à vendre soit des crédits immobiliers des ménages aux Etats-Unis aux agences en charge du refinancement immobilier, les Freddie Mac et Fannie Mae, soit des crédits aux émetteurs d’ABS (Asset Backed Securities ) a pêché de deux manières. D’abord parce qu’on a exagéré le refinancement des dettes à long terme par des actifs, parfois à court terme, mais surtout on a créé des véhicules accueillant des actifs restructurés (ABS d’ABS), avec des palettes de risques très diversifiés et financés avec endettement à la clé. C’est là où se situe la principale dérive du système: rajouter un endettement qui a pour seul objectif d’améliorer le rendement. La logique même du rôle du banquier prêteur est transgressée. Risques sur risques n’a jamais conduit à un financement sain d’une économie mondiale en pleine ébullition.
Jean-Hervé Lorenzi
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Par emile11111 le 29 Octobre 2010 à 08:39Une crise déclenchée et entretenue par l’excès de liquidité (2/5)LA CRISE N'EST PAS FINIE - 2007-2010: voici trois ans que notre économie est en crise. Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes étudie la période récente et nous livre son diagnostic: pour en sortir, il va falloir régler des problèmes structurels graves.
Le mot important est «inutile». Il est impossible de comprendre l’origine de la crise bancaire, l’incroyable créativité en termes de produits financiers totalement désolidarisés de l’économie réelle si nous n’avons pas en perspective cette masse inconnue jusqu'alors, par son ampleur de liquidités auxquelles les banquiers ont trouvé des usages purement financiers. Rappelons des faits bien connus: l’accroissement des réserves de changes ces dernières années, principalement des pays exportateurs de pétrole ou de matières premières et des pays asiatiques, a été effectivement une première dans l'histoire économique mondiale. En effet, les réserves de changes, en un peu moins de cinq ans, ont pratiquement quintuplé. Ceci est à la fois l’illustration et l’origine de l'extraordinaire dynamique de l'économie mondiale, mais surtout de la non stérilisation de ces réserves.
Ces réserves furent essentiellement investies en dettes libellées en dollars américains, d’un montant supérieur à 2.450 milliards de dollars, comme ce fut le cas pour la Chine qui, à elle seule, totalise encore près du quart des réserves de changes mondiales. Les prix des matières premières et du pétrole n’auraient jamais crû ainsi s’ils n’avaient été l’objet de bulles, c’est-à-dire d’argent inutile, puisque nous ne retrouvons pas un niveau d’investissements réels correspondant à cette hausse de prix qui est donc bien, pour partie, spéculative. Bien entendu, de nombreux autres actifs furent de véritables points d’accumulation de bulles permettant ainsi le développement des techniques financières, somme toute assez banales, comme les titrisations. Mais ce qui fut moins banal, c'est que les titrisations, qui en elles-mêmes sont des techniques utiles, n’ont pas été développées pour alléger réellement les bilans des banques et générer des fonds propres permettant ainsi des formes de crédits plus utiles pour les économies. C’est même l’inverse qui s’est produit. Prenons l’exemple le plus incroyable: les banques ont créé, pour relancer les titrisations, des véhicules spécifiques, les SIV (Special Investment Vehicles). Et bien sur certains plans, les SIV furent liés à des titrisations exclusivement investies en CDS (Credit Default Swap) , c'est-à-dire des dérivés de crédit. Cela fut un exemple parfait d’un détournement de procédures.
Le basculement des économies dans la crise fut la conséquence du caractère insensé de cette création de liquidités. Trop de liquidités incontrôlées et largement inutiles entraînèrent à un moment déterminé une véritable panique bancaire, le gel des positions des uns et des autres, la cessation des transactions entre institutions financières prises individuellement, et, au final, une crise de liquidités. Sur ce plan-là, la crise financière actuelle est très originale puisque c’est la première fois que les primes de risques augmentent considérablement avant les défaillances des entreprises. Ceci est le reflet d’une restriction considérable de la liquidité sur les marchés du crédit bien plus qu’une dégradation importante des fondamentaux des entreprises. Ce n’est qu’après, vraisemblablement à la fin du printemps 2008, que les entreprises connurent un véritable choc sur leur trésorerie, puis leur capacité de financement et finalement, par effet systémique, sur leurs carnets de commandes. Ensuite, nous constatâmes une augmentation généralisée des primes de risques dans le secteur des entreprises. Le résultat est connu. Les Etats-Unis et la zone euro plongèrent dans la récession. On pourrait en tirer une conclusion d’évidence: il est désormais prioritaire de repenser complètement le circuit de financement de manière suffisamment efficace, largement non bancaire, pour éviter que cette récession ne se transforme complètement en crise. Pour résumer, la crainte générale est celle d’une transmission de ces difficultés de liquidités au crédit. Cette crainte n’est pas inventée. Il existe un caractère simultané de la baisse de la croissance, de la hausse des faillites et de celle des spreads. Le cycle cumulatif à la baisse est malheureusement en marche. On le remarque notamment dans l’économie américaine qui fut la première victime de l'excès de liquidités. Chacun le sait, l’économie américaine se développa artificiellement par un excès d’endettement de tous les acteurs économiques. Ceci concernait tous les agents: l’Etat fédéral, les ménages via les prêts hypothécaires et donc les banques, et enfin la titrisation des crédits aux ménages ou aux entreprises. Ce mécanisme permit d’auto-entretenir ce cycle d’endettement jusqu’à la crise des subprimes de l’été 2007.
Jean-Hervé Lorenzi
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Par emile11111 le 29 Octobre 2010 à 08:35
Réforme des retraites, les fausses évidences
Repousser l'âge légal de la retraite va-t-il permettre d'allonger la durée de la vie active ? En France, cette affirmation, qui semble aller de soi, pourrait bien être une fausse évidence. Pourtant elle est répétée à l'envi par tous les responsables du gouvernement pour justifier la réforme.
Dans notre pays, en effet, l'âge de liquidation de la retraite, dont il est uniquement question avec les reports prévus à 62 ans et 67 ans, est nettement déconnecté de l'âge effectif de sortie du marché du travail. L'âge médian de sortie du marché du travail stagne à 58 ans depuis 2003 (58,9 ans en 2010), alors que l'âge moyen de liquidation de la retraite a progressé sur la même période et se situe à 61,6 ans.
Ainsi 40 % des personnes qui font valoir leur droit à la retraite ne sont déjà plus en activité. Durant les deux ans et demi qui les séparent de l'entrée dans le système de retraite, elles sont prises en charge par l'Assurance-chômage ou des minima sociaux en attendant de pouvoir liquider leur retraite. On peut donc s'interroger sur les bénéfices financiers d'une réforme qui consiste à transférer pour partie les coûts du système de retraite vers d'autres dépenses sociales.
Ce constat remet en question l'assimilation qui est faite par le gouvernement entre âges légaux de la retraite et âge de sortie du marché du travail. Or, l'équilibre financier du système de retraite repose avant tout sur la capacité que la réforme envisagée aura de retarder l'âge effectif de sortie d'activité. Car allonger la vie active procure un double dividende en matière de financement des retraites puisque, simultanément, le nombre de cotisants actifs est majoré alors que diminue d'autant le nombre de pensionnés.
On est donc conduit à émettre des doutes sérieux sur la pertinence des paramètres retenus par le gouvernement. Quant aux finalités de la réforme, elles constituent une évidence assez largement partagée, tant dans le pays qu'au niveau européen. L'objectif adopté par le Conseil européen de Stockholm en 2001 d'atteindre au moins le minimum de 50 % de la tranche d'âge des 55-65 ans en emploi en 2010 n'avait pas d'autre visée que de préparer les pays membres au vieillissement de leurs populations tant au niveau de leur compétitivité que de l'équilibre des comptes sociaux.
Seniors, le retard français
Hélas, la réforme des retraites de 2003 ainsi que le Plan d'emploi senior de 2006 n'ont pas permis à la France d'accomplir des progrès significatifs en ce domaine : notre pays reste en queue de peloton. Le taux d'emploi des 55-64 ans stagne à 39 % en 2010, contre 48 % pour la moyenne de l'Europe. Depuis 1996, on enregistre une progression de seulement 30 % de ce taux contre + 64 % pour la Finlande et + 84 % aux Pays-Bas. Le taux d'emploi des 60-64 ans ne dépasse pas 17 %, contre 39 % pour la moyenne européenne.
Contrairement à ce qui est affirmé, le principal retard français ne réside donc pas dans des âges d'ouverture des droits à retraite, qui seraient les plus bas d'Europe. Ainsi la réforme des retraites adoptée en Finlande en 2005 a maintenu à 60 ans l'âge plancher d'ouverture des droits. La Suède l'a fixé à 61 ans, alors que 70 % des Suédois sont encore en activité entre 55 et 65 ans. Ces deux pays ont opté pour une retraite choisie à partir d'un âge plancher d'ouverture des droits et mis en oeuvre des mécanismes pour inciter à la prolongation d'activité de type " surcote ". Ils ont supprimé tout âge légal standard de la retraite.
Le retard français tient, en premier lieu, à un âge effectif de sortie du marché du travail extrêmement précoce et notablement inférieur à l'âge d'ouverture du droit à retraite. Cette réalité persistante apporte la preuve que les freins à l'emploi ne sont pas principalement d'ordre légal. Ils relèvent de politiques de formation, du travail et de l'emploi inadaptées au contexte du vieillissement de la main-d'oeuvre. Il serait donc urgent de permettre aux seniors de durer en emploi en rendant le travail soutenable, et de convaincre les entreprises que les seniors peuvent être autre chose qu'une variable d'ajustement de leur masse salariale.
Une autre réforme des retraites est possible et souhaitable qui ne demeurerait pas confinée aux paramètres d'âge d'ouverture des droits mais s'attacherait aussi à lever les freins à la prolongation de l'activité des seniors dans notre pays. La seule réforme efficiente est celle qui avance sur ses deux jambes : emploi et retraite.
La réforme adoptée en l'état pourrait bien déboucher, contrairement à ce qui est annoncé, à l'extension d'une période de précarité en fin de vie active, comparable à celle réservée aux jeunes en début de vie de active, au lieu d'aboutir à un allongement de la durée de la vie de travail.
Anne-Marie Guillemard
Sociologue,auteur des " Défis du vieillissement ", Armand Colin, 360 p., 33,40 euros
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Par emile11111 le 28 Octobre 2010 à 08:39
Le chemin vers une économie à faible émission de carbone
Jeffrey D. Sachs
NEW-YORK – La production d'énergie à partir de la combustion du pétrole, du gaz naturel ou du charbon s'accompagne de fortes émissions de dioxyde de carbone (CO2), le principal gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique d'origine humaine. C'est pourquoi la réussite de la lutte contre ce réchauffement dépend du passage à une production d'électricité à faible émission de CO2, en ayant recours à l'énergie solaire, nucléaire ou à celle du vent, ainsi qu'à des centrales électriques à charbon qui capturent et stockent les émissions de CO2.
Le problème politique est simple. Le charbon est moins cher et plus simple d'utilisation que les autres sources d'énergie. Il est bon marché parce qu'il est abondant. Il est plus facile à utiliser que le vent ou l'énergie solaire, car il permet de produire de l'électricité à tout moment, indépendamment des conditions climatiques.
Pour sauver la planète, nous devons encourager les producteurs d'énergie à se tourner vers des sources d'énergie à faible émission de carbone, même si le charbon est moins cher et plus facile à utiliser. Le moyen évident pour cela est de créer un impôt sur le charbon ou d'exiger des producteurs d'électricité qu'ils achètent une licence les autorisant à utiliser le charbon – le montant de l'impôt ou de la licence étant suffisamment élevé pour les inciter à adopter des sources d'énergie propres.
Supposons que le coût de l'électricité provenant d'une centrale à charbon classique soit de 6 cents par kilowatt-heure et celui provenant de l'énergie solaire de 16 cents. La taxe sur l'électricité provenant d'une centrale à charbon devrait donc être de 10 cents par kilowatt-heure. Dans ce cas, le prix payé par le consommateur serait le même, 16 cents par kilowatt-heure, quelle que soit l'origine de l'électricité. Les compagnies d'électricité passeraient donc à l'énergie solaire, avec cependant comme conséquence dans cet exemple de multiplier par plus de 2 le prix de l'électricité.
Craignant un retour de bâton de la part de l'opinion publique, les dirigeants politiques ne sont guère enclins à établir un impôt de ce genre. C'est ce qui bloque depuis des années l'avancée des USA vers une économie à faible émission de carbone. Néanmoins, plusieurs pays européens appliquent avec succès le concept de "feed-in tariff" qui représente une solution politiquement acceptable à long terme.
Dans ce cadre, plutôt que de taxer les sources d'énergie à forte émission de carbone, l'Etat subventionne les sources d'énergie à faible émission de carbone. Dans notre exemple, l'Etat verserait une subvention de 10 cents par kilowatt-heure à la centrale solaire, autrement dit, la différence entre le prix de 6 cents payé par le consommateur et le coût de production de 16 cents. Pour le consommateur, le prix est le même, par contre l'Etat doit financer d'une manière ou d'une autre la subvention.
Il existe encore une autre solution. Supposons que l'on crée un petit impôt sur les centrales à charbon pour financer les subventions en faveur de l'énergie solaire et que l'on augmente progressivement le prix de l'électricité parallèlement à l'expansion des centrales solaires. Le prix facturé aux consommateurs passerait progressivement de 6 cents par kilowatt-heure à 16 cents, le coût de production, sur une période qui pourrait être d'une quarantaine d'années (la durée de vie des centrales à charbon les plus récentes).
Supposons aussi qu'en 2010 toutes les centrales électriques soient à charbon et que le prix facturé au consommateur soit de 6 cents par kilowatt-heure et qu'en 2014 le dixième de la transition à l'énergie solaire prévue sur 40 ans ait été effectuée. Le prix facturé au consommateur aura donc augmenté de 10%, passant de 6 cents à 6,6 cents par kilowatt-heure, pratiquement 7 cents (dans l'attente de 16 cents au bout de 40 ans). La taxe sur le charbon sera alors de 1 cent par kilowatt-heure, ce qui permettra de financer la subvention de 9 cents par kilowatt-heure en faveur de l'énergie solaire. Cette subvention, plus les 7 cents payés par le consommateur couvrent les frais de production de 16 cents par kilowatt-heure. Autrement dit une petite taxe sur le charbon peut financer une subvention importante en faveur de l'énergie solaire.
Supposons pour continuer qu'en 2030 le passage à une économie à faible émission de carbone soit réalisé à 50% ; le kilowatt-heure serait alors vendu 11 cents, la valeur médiane entre 6 et 16 cents. La taxe sur le charbon serait alors de 5 cents par kilowatt-heure, de manière à couvrir la subvention en faveur de l'énergie solaire de 5 cents par kilowatt-heure (la différence entre le coût de production de 16 cents par kilowatt-heure et le prix de vente de 11 cents).
Supposons enfin qu'en 2050 le passage à une production d'électricité à faible émission de carbone soit entièrement réalisé. Le prix de vente du kilowatt-heure serait de 16 cents, le montant des frais de production de l'énergie solaire qui n'aurait plus besoin d'être subventionné.
Cette solution permet de n'augmenter que progressivement le prix de l'électricité, tout en poussant fortement au passage à l'énergie solaire. Et cela, sans incidence sur le budget de l'Etat, car dans ce cas de figure, l'énergie solaire est subventionnée par la taxe sur le charbon.
Dans la réalité le passage à l'électricité d'origine solaire sera plus facile que dans cet exemple. Elle coûte aujourd'hui 10 cents de plus par kilowatt-heure que celle provenant de centrales au charbon, mais en raison des progrès technologiques qui seront réalisés, elle sera beaucoup moins chère dans l'avenir. De ce fait, dans 10 ou 20 ans les subventions seront plus faibles que dans notre exemple.
Aux USA, en Australie et ailleurs, le débat sur l'énergie se focalise sur l'introduction d'un système assez lourd de plafonnement et d'échanges de droits d'émission de CO2. Dans ce système, tout utilisateur important de sources d'énergie fossile doit acheter un permis d'émission de CO2, permis pouvant être échangé sur un marché spécialisé. Cela revient à payer une taxe sur les émissions de CO2.
Malheureusement ce système est difficile à gérer et ne permet pas véritablement de prévoir l'évolution du prix des permis. L'Europe est déjà dotée d'un tel système, mais il est souvent rejeté ailleurs. Or l'Europe doit ses plus grands succès en matière d'énergie à faible émission de carbone à ses "feed-in tariffs" et à une taxe sur le carbone dans certains pays, plutôt qu'à son marché sur les droits d'émission.
Le moment est venu pour les USA, la Chine, l'Inde et les autres pays importants de dire comment ils vont passer d'une économie à forte émission de carbone à une économie à faible émission. Une petite taxe sur les émissions de carbone qui augmenterait progressivement et servirait à subventionner les énergies propres pourrait avoir le soutien de l'opinion publique aux USA et avoir un effet d'entraînement sur les autres grandes économies qui reposent sur le charbon, comme la Chine et l'Inde.
Face au réchauffement climatique d'origine humaine, il existe des solutions efficaces à long terme et politiquement acceptables. Le moment est venu de les adopter.
Jeffrey D. Sachs est professeur d'économie et directeur de l’Institut de la Terre à l'université de Columbia à New-York. Il est également conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU en ce qui concerne les Objectifs du millénaire pour le développement.
Copyright: Project Syndicate, 2010.
www.project-syndicate.org
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
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