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  • Pays émergents et tsunami de capitaux

    Nouriel Roubini


     

    NEW-YORK – Depuis des décennies les flux de capitaux en direction des pays émergents suivent un mouvement de yoyo. L'année dernière il y a encore eu un phénomène de ce genre avec l'arrivée massive de capitaux, de titres et d'investissements à revenu fixe sur les marchés émergents supposés avoir de bons fondamentaux macroéconomiques, financiers et politiques.

    Ce véritable tsunami tient à des facteurs cycliques à court terme (les différentiels de taux d'intérêt et un flot de liquidité à la recherche d'actifs à haut rendement, en raison de taux d'intérêt quasiment nuls et de la poursuite des mesures de relâchement monétaire qui réduisent les opportunités dans les pays avancées aux économies atrophiées). Mais des facteurs séculaires interviennent aussi : le différentiel de croissance à long terme entre pays émergents et pays avancés, la tendance croissante des investisseurs à étendre leur activité à de nouveaux marchés et l'attente de l'appréciation à long terme des devises des pays émergents (en terme nominal et en terme réel).

    Au vu de ces éléments, la question clé qui se pose aux pays émergents est de savoir comment faire face à ce flux de capitaux qui va inéluctablement pousser à la hausse leur devise et menacer leurs exportations qui sont le moteur de leur croissance.

    La première solution est de ne rien faire et de laisser leur monnaie s'apprécier. C'est peut-être un bon choix si l'arrivée des capitaux et la pression à la hausse sur leur devise tiennent à des facteurs fondamentaux (un excédent des comptes courants, une devise sous-évaluée, un différentiel de croissance important et persistant).

    Mais, l'arrivée de capitaux tient souvent à des facteurs à court terme, une exubérance irrationnelle ou un engouement passager, qui peuvent conduire à une surévaluation de la monnaie, à la mise en difficulté des nouveaux secteurs qui se lancent dans l'exportation et des secteurs d'importation non-concurrentiels, ainsi qu'à une perte de compétitivité. En conséquence le déficit des comptes courants peut se creuser dangereusement et limiter la croissance.

    Ce problème est exacerbé du fait que le premier exportateur mondial, la Chine, intervient agressivement pour limiter toute appréciation du renminbi. Si elle ne change pas de politique, les autres pays émergents vont sans doute s'aligner sur elle pour ne pas perdre en compétitivité.

    Laisser une devise s'apprécier a un coût, aussi la deuxième solution consiste à intervenir sur le taux de change en vendant des réserves. Cela permet de contenir la pression à la hausse du taux de change, mais nourrit la bête, car cette intervention attise encore la surchauffe des marchés. Il en résulte inflation et hausse excessive du crédit, susceptibles d'entraîner de dangereuses bulles des actifs.

    La troisième solution consiste également à intervenir sur le taux de change, mais en neutralisant son impact sur la base monétaire - ce que l'on appelle une intervention stérilisée. Cela évite l'inflation et l'augmentation du crédit, mais du fait qu'elle maintient le différentiel des taux d'intérêt à un niveau élevé, cette politique entretient le flux de capitaux des pays avancés à taux d'intérêt faible vers les pays émergents à taux d'intérêt élevé, ce qui contribue au problème qu'elle était supposée régler.

    La quatrième solution consiste à contrôler les capitaux entrants (ou à déréglementer leur sortie).  Si on laisse de coté la question de savoir si ce type de contrôle peut être contourné, l'expérience montre que le contrôle de l'entrée des capitaux spéculatifs n'a guère d'incidence sur le flux de capitaux. Aussi, il ne permet pas de réduire la pression cyclique à la hausse à court terme sur la monnaie.

    La cinquième solution est de réduire le déficit budgétaire pour pousser à la baisse les taux d'intérêt d'un niveau élevé qui attirent les capitaux. Mais du fait de l'amélioration de la balance extérieure et de la baisse du risque souverain, une politique budgétaire assainie risque d'attirer les capitaux.

    Une sixième solution – notamment quand un pays a réalisé une intervention partiellement stérilisée pour empêcher une appréciation excessive de sa monnaie – consiste à réduire le risque d'une bulle du crédit ou des actifs en imposant un contrôle prudentiel du système financier. Il s'agit d'éviter une croissance excessive du crédit que provoquerait sans cela une intervention sur le taux de change. Néanmoins, le contrôle direct de la croissance du crédit, s'il est nécessaire, est souvent imparfait et guère contraignant.

    La dernière solution consiste en une intervention stérilisée permanente et à grande échelle  - ou encore, ce qui est revient au même, au recours à des fonds souverains ou à d'autres mécanismes de stabilisation budgétaire – de manière à accumuler les actifs étrangers nécessaires pour compenser les effets de l'entrée à long terme de capitaux sur la valeur de la monnaie. L'avantage de cette solution est d'agir sur les facteurs à long terme qui jouent un rôle important dans l'arrivée des capitaux, au moment où les investisseurs des pays avancés réalisent qu'ils ne sont pas en bonne position en terme d'actifs sur les marchés émergents et qu'ils réduisent leur portefeuille de valeurs domestiques.

    En général une intervention stérilisée échoue : si les actifs des pays avancés et émergents sont interchangeables, les flux de capitaux entrants se maintiennent aussi longtemps que les différentiels de taux d'intérêt persistent. Mais la demande pour les actifs des pays émergents n'est pas sans limite et ne peut remplacer celle concernant les actifs des pays avancés – même à différentiel de taux d'intérêt donné – car les risques de liquidité et de crédit liés à ces actifs ne sont pas les mêmes.

    Autrement dit, à moment donné une intervention stérilisée persistante sur le marché des changes à hauteur de plusieurs points de pourcentage du PIB devrait permettre de répondre à la demande supplémentaire pour des actifs des pays émergents et arrêter l'arrivée de capitaux, même si le différentiel de taux d'intérêt persiste. Comme la stérilisation suscite l'émission d'actifs domestiques, les investisseurs au niveau international peuvent diversifier leur portefeuille sans que cela ne provoque une appréciation excessive de la monnaie, avec tous les inconvénients que cela entraîne pour les pays émergents.

    Certes, il ne faut pas empêcher systématiquement l'appréciation de la monnaie. Quand c'est justifié par les fondamentaux économiques, il est préférable de laisser le taux de change monter progressivement. Mais si l'appréciation d'une monnaie est due à un flux de capitaux qui résultent de la volonté de diversification des investisseurs des pays avancés, les pays émergents peuvent et doivent y résister.

    Nouriel Roubini est professeur d'économie à l'université de New-York (Stern School of Business, NYU) et président de Roubini Global Economics. Cet article résume une étude intitulée How Should Emerging Markets Manage Capital Inflows and Currency Appreciation ( http://www.roubini.com/analysis/137656.php).

    Copyright: Project Syndicate, 2010.
    www.project-syndicate.org

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  • IL SERAIT VAIN DE VOULOIR GOUVERNER UN EMPIRE SUR LEQUEL LE SOLEIL NE SE COUCHE JAMAIS !


    Voilà qu’avec le sommet du G20 va être célébrée la grand-messe de la mondialisation à l’occasion de laquelle devraient être consacrées les lois d’une bonne gouvernance mondiale !

    La mondialisation est devenue un champ de bataille sur lequel s’affrontent tenants et opposants, affligés tous qu’ils sont dans ce domaine – comme dans beaucoup d’autres- du syndrome du thermostat.
    Ils manipulent en effet cet instrument complexe de la mondialisation de la même façon que beaucoup d’entre-nous manipulent le thermostat en n’en reconnaissant que les positions extrêmes.

    Les inconditionnels de la mondialisation clament : « Tout et tout de suite ! », « Rien et jamais ! » s’insurgent les opposants.
    Les premiers n’ont jamais clairement défini ce qu’ils entendent par cette mondialisation à laquelle s’opposent les seconds.

    Il faut bien reconnaître que les premiers entendent que la mondialisation ne soit qu’un processus d’ouverture des économies nationales sur un marché planétaire. L’Homme étant sans importance, le processus doit être instantané quelles qu’en soit les conséquences sociales.

    Les seconds s’opposent à la mondialisation dans la mesure où elle n’est pas, avant toute autre chose, cet objectif vers lequel devrait tendre l’humanité d’assurer l’épanouissement de l’Homme par la communication et l’échange entre individus dans le respect des différentes cultures.

    L’ineffable concept de développement dit durable est l’outil, parfait utilisé par les premiers pour parvenir à leurs fins, ses composantes sont dans l’ordre des priorités : l’Économie, l’Environnement et le Social

    Ne serait-il pas plus raisonnable, ce développement étant qualifié d’autoporteur, que sa seule composante soit le Social, de façon à atteindre le parfait épanouissement de l’Homme, l’Économie n’étant que l’outil pour y parvenir, mis en ½uvre dans le respect de l’Environnement ?

    Mais ne serait-ce pas la soif de pouvoir de maints de nos gouvernants qui, au travers de cette mondialisation effrénée, leur fait rechercher les secrets d’une gouvernance mondiale qui ne saurait porter que sur l’Économie ?
    N’oublient-ils pas le malheureux dans leur conception uniquement matérialiste de la gouvernance, qu’il sera éternellement vain de vouloir gouverner un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ?

    Joseph Staline se prélasse à Sotchi au lever du soleil. Il est un peu surpris, mais pas trop quand même, que l’astre du jour s’adresse humblement à lui.
    « Oh grand Staline sais-tu à quel point je t’admire ? Tu es un homme merveilleux, un grand chef, un petit père adorable pour le peuple qui t’aime tant. Permets que ma modeste lumière éclaire ton merveilleux empire je te promets de ne pas te porter ombrage. ».
    « Mais oui camarade soleil, toutefois ne t’attarde pas trop dans certains recoins où il n’y a rien d’intéressant pour toi, d’ailleurs je te ferai surveiller. ».

    Le soir est venu Staline avide de compliments et de flatteries revient se prélasser sur la plage.
    Le soleil ne dit rien, il l’interpelle donc : « Dis donc camarade soleil t’aurait-on coupé la langue que tu ne dis plus rien, ou as-tu oublié de me faire louanges et compliments que je mérite tant ? » « Que non ! mais maintenant mon petit bonhomme je suis passé à l’Ouest ! ».


    Bergerac le 5 novembre 2010

    Jean-Pierre Canot


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  • Politique monétaire : il faut un compromis

    Raghuram Rajan


     

    CHICAGO – A travers la planète chacun essaye d'amortir les conséquences de la Grande dépression, tout en sachant que la croissance mondiale va sans doute rester limitée dans l'après-crise. Les pays émergents essayent de se libérer de la demande des pays industriels et ces derniers se débattent pour rééquilibrer leurs comptes, tant au niveau de l'Etat que des ménages. Il est clair dans ce contexte que dans la demande mondiale future viendra des milliards de consommateurs africains, chinois et indiens. Mais il faudra encore du temps pour en arriver là, car les biens produits à travers le monde pour les pays industriels ne peuvent être exportés tels quels vers les consommateurs des pays émergeants, notamment vers les plus pauvres d'entre eux.

    Dans ces pays, hormis les quelques dizaines de millions de nouveaux consommateurs dont les revenus se rapprochent de ceux des classes moyennes des pays industrialisés, des milliards de personnes ont des revenus bien plus faibles que ceux de la population des pays industrialisés et vivent dans des conditions qui ne sont pas comparables. Leurs besoins sont différents et jusqu'à il y a peu les industriels les ignoraient. Mais les temps changent. De plus en plus ils s'intéressent à la masse de gens qui, s'ils ne constituent pas la base de la pyramide des revenus, n'en sont pas loin.

    Ainsi une entreprise indienne, Godrej,  a inventé un nouveau modèle de réfrigérateur destiné aux villageois à faible revenu. En Inde, en raison de la chaleur, si elle n'est pas réfrigérée la nourriture se dégrade rapidement, ce qui contraint les femmes à cuisiner plusieurs fois par jour. Réfrigérer la nourriture qui n'est pas consommée limiterait le gaspillage et réduirait le temps qu'elles passent à faire la cuisine. Malheureusement, même quand il y a l'électricité, elle ne fonctionne que par intermittence, ce qui fait que les réfrigérateurs classiques à compresseur ne sont guère utilisables.

    Or si l'objectif n'est pas d'obtenir de la glace mais simplement de conserver la nourriture il suffit de la réfrigérer à une température de quelques degrés au-dessus de 0°C. Pour cela les ingénieurs de Godrej ont conçu un réfrigérateur qui fonctionne non pas avec un compresseur mais avec un ventilateur moins dispendieux en énergie, qui peut être alimenté par une batterie, ce qui évite le recours à un réseau électrique capricieux.

    Les entreprises des pays industriels commencent à réaliser que ce genre de produit de conception économique peut susciter une énorme demande parmi les consommateurs des pays émergents. Par exemple pour les pays en développement, General Electric limite les fonctions des appareillages médicaux destinés aux petits hôpitaux ruraux isolés à ce qui est strictement nécessaire, ce qui les rend accessibles, sans compromettre leur qualité.

    Au cours de la prochaine décennie, l'augmentation de la demande pour ce type de produit dans les pays en développement compensera en partie la faiblesse de la croissance dans les pays industrialisés. Mais ce processus ne peut être accéléré. Malheureusement, du fait du chômage élevé qui affecte les pays industriels, leurs dirigeants sont prêts à faire n'importe quoi pour doper la croissance. La politique agressive qu'ils poursuivent pourrait menacer ce rééquilibrage.

    Examinons les mesures de relâchement de la politique monétaire (l'assouplissement quantitatif) de la Réserve fédérale américaine. De toute évidence son objectif est d'augmenter le prix des obligations dans l'espoir que des taux d'intérêt à long terme plus faibles stimuleront l'investissement privé et pousseront à la hausse le prix des actifs, ce qui accroîtra la valeur du patrimoine des ménages et les incitera à dépenser davantage. Enfin, en affichant sa volonté d'imprimer de la monnaie, elle espère susciter l'attente d'une inflation, quasi inexistante aujourd'hui.

    Même si les marchés anticipent maintenant des mesures quelque peu inflationnistes, les entreprises américaines n'investissent guère et les ménages, même aisés, évitent de replonger dans une frénésie de consommation.

    Néanmoins la Fed a réussi à distiller une attente d'inflation aux USA. Sa politique d'achat d'obligations limitant les taux d'intérêt, les investisseurs considèrent qu'il n'est pas rentable de détenir des actifs en dollars, ce qui est sans doute l'une des raisons de la dépréciation de la devise américaine.

    Les pays émergents sont inquiets, car ils craignent que la politique monétaire ultra-aggressive de la Fed n'ait que peu d'effet sur la demande intérieure aux USA et qu'elle oriente la demande vers les producteurs américains, à la manière dont l'aurait fait une intervention directe sur le taux de change. Autrement dit, le relâchement de la politique monétaire semble aussi efficace pour déprécier le dollar que sa vente sur le marché des devises.

    Sachant qu'il faudra du temps avant que la demande intérieure ne reprenne, les pays émergents ne veulent pas prendre le risque d'une chute de leurs exportations vers les USA en laissant leur devise s'apprécier trop rapidement par rapport au dollar. Pour cela ils interviennent sur leur taux de change et contrôlent les flux de capitaux. Aussi la demande dans les pays émergents devrait être limitée. Mais un excès de liquidité pourrait apparaître sur les marchés financiers et immobiliers mondiaux et une nouvelle bulle des actifs pourrait se former, ce qui freinerait ou même torpillerait la croissance.

    Dans cette guerre larvée des devises, qui va céder le premier ? Les USA (et les autres pays industrialisés) peuvent prétendre qu'en raison de leur niveau de chômage, il est normal qu'ils adoptent une politique de soutien à la croissance, même si c'est au prix de celle des pays émergents. Ces derniers peuvent rétorquer que les ménages américains les plus modestes vivent mieux que la plupart des ménages des pays émergents.

    Plutôt que de se disputer pour savoir qui a raison, pays industrialisés et pays émergents devraient chercher un compromis. Les USA devraient adopter une politique monétaire moins agressive et donner la priorité à la résolution des problèmes structuraux de leur propre économie, tandis que les pays émergents devraient accepter une appréciation substantielle de leurs devises, ce qui stimulerait la demande sur leur marché intérieur. Espérons que les dirigeants du G20 fassent preuve de bon sens et parviennent à ce genre de compromis.

    Raghuram Rajan est professeur de Finance à la Booth School of Business de l'université de Chicago. Il a écrit un ouvrage intitulé Fault Lines: How Hidden Fractures Still Threaten the World Economy, primé récemment comme livre de l'année dans le domaine des affaires par le Financial Times et Goldman Sachs.

    Copyright: Project Syndicate, 2010.
    www.project-syndicate.org
    Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

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  • Cinq impératifs pour le G20

    Jamie F. Metzl and Zachary Karabell

     


     


    NEW YORK – Les économies de la planète sont de plus en plus interdépendantes mais le nationalisme économique, le protectionnisme, et les comportements opportunistes menacent les liens de confiance et de coopération exigés par une économie réellement globalisée.

    Pour éviter une autre récession, ou pire encore, les dirigeants des vingt nations les plus riches doivent agir avec fermeté lors de leur prochain sommet semi-annuel à Séoul pour définir un ordre du jour élargi qui contribuera à encourager une croissance globale plus équilibrée, plus équitable et plus durable – et garantir la stricte application de ce dispositif.

    Cinq principes devraient guider leur réflexion. Premièrement, même si les différences dans les échanges commerciaux et les politiques économiques doivent être traitées, il faut fermement s’opposer aux intérêts personnels à courte vue. Les excédents excessifs de certains pays et les dettes excessives d’autres, alimentés par des monnaies sous évaluées et la débandade des dépenses publiques, doivent respectivement être jugulés. Les pays doivent s’engager à ne pas interrompre pour des raisons politiques les exportations de ressources naturelles clés, et à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour maintenir et encourager les marchés libres sur la base des principes de réciprocité et de viabilité à long terme.

    Pour ce faire, l’ensemble des acteurs majeurs doivent rester fidèles au principe du libre échange dans le cadre d’un système global juste et équitable, et ils doivent formuler cet engagement de manière respectueuse, ferme et répétée à leurs concitoyens. Les Etats-Unis et la Chine surtout, en tant que les deux plus importantes puissances commerciales mondiales, doivent combattre leurs inclinaisons respectives à élever d’invisibles barrières ou à prendre des mesures de représailles inappropriées à seule fin de calmer l’opinion publique de leurs pays. Toutes les économies devront gérer les bouleversements intérieurs qui peuvent accompagner la libéralisation des marchés.

    Deuxièmement, des efforts nettement plus conséquents doivent être entrepris pour faire avancer les accords commerciaux multilatéraux, particulièrement pour clôturer le cycle de négociations commerciales de Doha. Même si la prolifération d’accords commerciaux bilatéraux partout dans le monde constitue un développement positif, ces accords ne peuvent se faire au dépend d’accords plus globaux, exponentiellement plus bénéfiques pour relancer la croissance globale.

    Troisièmement, dans le contexte d’une économie globale de plus en plus interdépendante, les politiques monétaires et budgétaires des différents pays doivent être bien mieux coordonnées. Le G20 doit s’atteler à un effort bien plus important d’harmonisation des politiques économiques et budgétaires de tous les pays sur tous les continents pour catalyser la croissance globale. Les barrières inutiles contre les flux de capitaux et les investissements directs transnationaux devront être progressivement éliminées au fur et à mesure que les économies se renforceront.

    De la même manière, il faut aussi agir beaucoup plus rapidement vers une appréciation des monnaies impulsées par les marchés partout dans le monde – et pour résoudre le problème d’endettement de nombreux pays développés. Le G20 pourrait aussi jouer un rôle plus important pour développer les compétences des régulateurs dans un environnement globalement interconnecté, et devrait développer un cadre règlementaire accepté par tous et adapté à des marchés financiers évolutifs.

    Quatrièmement, il faut absolument agir pour débloquer l’extraordinaire potentiel humain et économique des 1,4 milliards de personnes vivant dans l’extrême pauvreté et dénués d’opportunités valables. Neuf millions d’enfants meurent chaque année avant leur cinquième anniversaire ; 69 millions d’enfants en âge d’être scolarisés ne le sont pas ; 884 millions de personnes n’ont aucun accès à l’eau potable ; et 2,6 milliards de personnes n’ont pas accès aux installations sanitaires de base.

    Instruire et donner les moyens aux pauvres et aux groupes défavorisés partout dans le monde, y compris aux femmes, n’est pas seulement un impératif moral, c’est aussi l’un des meilleurs investissements pour une croissance durable à long terme que les dirigeants de ce monde peuvent effectuer. Les pays du G20 doivent prendre l’initiative pour que cela arrive.

    Enfin, l’innovation doit être encouragée en tant que générateur de croissance à long terme. Cela suppose d’encourager des investissements plus efficaces dans l’éducation et dans la recherche et le développement, de renforcer la protection intellectuelle, et d’encourager des efforts de collaboration internationale supplémentaires pour permettre de répondre aux défis posés dans les domaines de l’énergie, la protection environnementale, la santé, entre autres.

    La déclaration de principe du 23 octobre des ministres de l’économie du G20 va plutôt dans le bon sens sur un certain nombre de ces questions. Mais les mots des ministres sonneront creux si, tout comme certaines déclarations similaires émises lors de précédents G20 à Londres et Toronto, les états membres ne les traduisent pas en actes.

    Dans la mesure où l’Amérique est moins à même de jouer son rôle de leader dans la gestion de l’économie mondiale, la responsabilité en incombe d’une certaine manière aujourd’hui au G20, avec les Etats-Unis et la Chine au devant de la scène, pour définir un cap de collaboration et de coordination, dans les mots et dans les actes, à même de guider la croissance économique du 21ème siècle.

    Si les dirigeants du G20 n’acceptent pas d’assumer cette responsabilité, et choisissent plutôt la voie du nationalisme économique, l’avenir pourrait devenir bien sombre.

    Jamie Metzl, ancien membre du Conseil de Sécurité Nationale du président Bill Clinton, est vice-président exécutif de la Asia Society.

    Zachary Karabell est le président de RiverTwice Research. Ils ont tous deux été respectivement coordinateur et directeur du projet Asia Society Task Force on Global Economic Rebalancing. (Groupe de travail de la Société Asia sur le rééquilibrage de l’économie globale, ndt)

    Copyright: Project Syndicate, 2010.
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    Traduit de l’anglais par Frédérique Destribats

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