• Sortir de la pauvreté grâce au microcrédit ? Pas sûr

    Solution simple et pratique pour démarrer une activité, ce mode de financement ne garantit pas un succès durable à ceux qui y ont recours.

    The Economist

     

    Le bangladais Muhammad Yunnus a reçu en 2006 le Prix Nobel de la paix pour ses travaux sur le microcrédit

    Le microcrédit semble miraculeux. Il consiste, dans les pays en développement, à accorder de petits prêts non garantis à des personnes pauvres auxquelles la plupart des banques ne s’intéressent pas. Et ces modestes emprunteurs remboursent presque toujours leur dette (ainsi que les intérêts plutôt élevés) en temps et en heure, ce qui semble indiquer qu’ils utilisent cet argent de manière productive. Les acteurs vantent son efficacité. Mohammad Yunus, fondateur de ladu secteur Grameen Bank au Bangladesh et père de la microfinance, estime ainsi que 5 % des clients de cette institution sortent de la pauvreté chaque année. Cependant, les études crédibles évaluant l’influence réelle du microcrédit sur la réduction de la pauvreté sont étonnamment peu nombreuses, soulignent les économistes.

    Cela n’aurait pas vraiment d’importance si tous les fonds ainsi utilisés étaient levés sur le marché. Dans le principe, si les investisseurs sont satisfaits de leurs gains, il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Mais, en dépit de l’intérêt grandissant du privé, un peu plus de la moitié des 11,7 milliards de dollars injectés dans la microfinance en 2008 ont été obtenus à des taux inférieurs à ceux du marché auprès d’organismes d’aide, de banques multi­­­­latérales et d’autres donateurs. Etant donné que cet argent, qui pourrait aller à d’autres projets, est orienté vers le microcrédit parce que celui-ci est censé lutter contre la pauvreté, il est important pour les donateurs de savoir si cet outil produit bien les effets escomptés. Mesurer son efficacité est toutefois compliqué. Il est difficile de savoir ce qui serait arrivé à une personne qui a contracté un microcrédit si elle s’était abstenue. Les premières études ont comparé ceux qui avaient emprunté à ceux qui ne l’avaient pas fait. Mais si les emprunteurs ont dès le départ un esprit d’entreprise plus développé que les autres, cette approche surestime probablement beaucoup l’influence du microcrédit. Il ne s’agit pas de chercher la petite bête pour le plaisir. Une étude portant sur 1 800 familles, dans le Bangladesh rural, a établi que 62 % des enfants des emprunteurs de <st1:personname productid="la Grameen Bank" w:st="on">la Grameen Bank</st1:personname> étaient scolarisés, contre 34 % des autres enfants. Cela prouve que le microcrédit favorise la scolarisation, ont conclu les partisans de ce système. Mais une mise en parallèle avec des personnes venant de milieux sociaux similaires, dans des villages qui n’avaient pas accès au microcrédit, a démontré que la différence s’expliquait autrement. Le profil des familles susceptibles d’envoyer leurs enfants à l’école était le même que celui des familles ayant souscrit un microcrédit.

    Toutefois, ce type de comparaison peut être biaisé car les prêteurs choisissent naturellement de travailler dans les endroits où leurs chances de réussite sont les plus grandes. Pour contourner ce problème d’autosélection, les chercheurs ont mis au point des protocoles spécifiques. Des membres du Poverty Action Lab (Laboratoire d’action contre la pauvreté) du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont ainsi collaboré avec une société de microfinance indienne. Ils ont choisi 52 bidonvilles au hasard à Hyderabad et leur ont donné accès au microcrédit, tout en refusant ce privilège à 52 autres bidonvilles, qui auraient tout aussi bien pu convenir et dans lesquels le prêteur se serait volontiers implanté. Les chercheurs ont alors pu observer précisément les effets du microcrédit sur une communauté entière. Dean Karlan, de l’université Yale, et Jonathan Zinman, du Darmouth College, ont mené une expérience similaire aux Philippines, cette fois au niveau de l’emprunteur individuel. Ils ont biaisé le logiciel d’évaluation des risques-clients d’un organisme de microfinance afin que seuls des candidats ayant des antécédents de crédit très limités soient acceptés comme clients. Ces derniers ont ensuite pu être comparés avec les personnes qui avaient demandé un crédit mais avaient essuyé un refus.

    De manière générale, aucune de ces deux enquêtes n’a permis de conclure que le microcrédit réduisait la pauvreté. Il n’y a eu aucun effet sur la consommation moyenne des ménages, du moins pendant la période des douze à dix-huit mois examinée. L’étude qui se déroulait aux Philippines a également évalué la probabilité de se trouver au-dessous du seuil de pauvreté, ainsi que la qualité de la nourriture consommée. Encore une fois, aucune influence n’a pu être démontrée. Le microcrédit n’est peut-être même pas le service financier le plus adapté à la majorité des pauvres. A Hyderabad, seul un prêt sur cinq a abouti à la création d’une affaire. Fournir à ces personnes des placements sûrs pour leurs (maigres) économies pourrait sans doute les aider davantage à long terme.

    Une porte d’accès au secteur bancaire classique

    Cela dit, le microcrédit a tout de même des effets perceptibles. En Inde, les emprunteurs des bidonvilles étaient plus susceptibles de réduire leur consommation de tabac et d’alcool au profit de biens durables (notamment des carrioles ou des casseroles, qui sont largement utilisées par les commerçants ou les propriétaires de petites gargotes). Si la consommation moyenne n’a pas décollé, c’est donc peut-être parce que de plus en plus d’emprunteurs ont consacré une partie de leurs revenus au lancement ou au développement de leur activité. Le microcrédit a clairement permis à beaucoup de gens de franchir les obstacles liés aux frais de démarrage. Les chercheurs du MIT ont ainsi découvert que, dans les bidonvilles où le microcrédit existait, il se créait au moins un tiers d’affaires en plus. Cela pourrait signifier que, même si aucun effet sur la pauvreté n’a été constaté au cours de la période étudiée, il pourrait en être autrement à plus long terme, au fur et à mesure que ces affaires prospèrent.

    Bien sûr, ces prêts minuscules ne sont pas suffisants pour permettre à ces activités de prendre de l’envergure. Mais le microcrédit présente un grand intérêt lorsqu’il permet à ses bénéficiaires de démontrer leur solvabilité. Leur réussite peut alors inciter les banques à leur prêter de plus grosses sommes, ce qui intensifie l’activité économique. En prenant volontiers un risque avec ces catégories d’entrepreneurs qui n’ont pas d’autre moyen pour se lancer, la microfinance contribue peut-être à réduire la pauvreté à long terme, même si ses effets immédiats sont négligeables.

    Illusions

    Le but de la micro­finance n’est pas de lutter contre la pauvreté, explique Jean-Michel Servet, professeur à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, dans un entretien au quotidien suisse Le Courrier. Contrairement aux idées reçues, le microcrédit ne sert pas à créer des emplois nouveaux, les emprunteurs ayant généralement déjà une activité informelle. De plus, “une grande partie du microcrédit s’adresse à des gens qui ne sont pas pauvres”. De leur côté, “les programmes de lutte contre la pauvreté concernent directement des actions en matière de santé et d’éducation”.


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  • Grèce, Irlande : nouvelles inquiétudes sur la   qualité de signature des Etats dans la zone euro 

    <st1:personname productid="la Grèce" w:st="on">La Grèce</st1:personname> et l’Irlande sont dans la ligne de mire. Leurs taux s’écartent de plus en plus de celui de l’Allemagne, témoignant d’un retour des inquiétudes liées à la qualité de signature des Etats.

    Les craintes concernant la qualité de signature des Etats « périphériques » de la zone euro refont surface. Après une brève accalmie, les mouvements observés la semaine dernière ont de nouveau animé les marchés hier. L’écart entre le taux à 10 ans de <st1:personname productid="la Grèce" w:st="on">la Grèce</st1:personname> et l’équivalent allemand, qui sert de référence pour le marché obligataire européen, s’est accru à près de 175 points de base. La prime de risque était de 140 points environ il y a dix jours. Le rendement du 10 ans grec flirte désormais avec le seuil de 5 %. Le différentiel entre le taux irlandais et le Bund était aussi en légère hausse hier en séance. Par ailleurs, les CDS (« credit default swaps ») de <st1:personname productid="la Grèce" w:st="on">la Grèce</st1:personname> et de l’Irlande se sont tendus, à 188 et 162 points de base respectivement. Les CDS donnent une indication du coût d’une assurance contre le risque de défaut d’une dette. Celui de l’Allemagne était en baisse.Le fort recul de l’aversion au risque depuis le mois de mars a provoqué un mouvement de  convergence entre les taux des Etats les mieux notés de la zone euro et ceux dits « périphériques », c’est-à-dire ceux que le marché juge les plus fragiles. De nombreuses stratégies d’investissement se sont d’ailleurs appuyées sur cette tendance. En début d’année, la hausse des primes de risque des Etats moins bien notés avait provoqué des réactions jusque dans la sphère politique. Le marché commençait à refléter un scénario extrême d’éclatement de la zone euro. Ces nouveaux signaux de divergence sont donc très surveillés.

    La note de <st1:personname productid="la Grèce" w:st="on">la Grèce</st1:personname> en question

    <st1:personname productid="la Grèce" w:st="on">La Grèce</st1:personname> concentre l’attention. Sa note a été dégradée par Fitch et placée sous surveillance par Moody’s au mois d’octobre, après que le nouveau gouvernement a fait savoir que le déficit pourrait atteindre 12,5 % du PIB cette année, plus du double de ce qui était initialement annoncé. Mais la prime de risque de l’Etat grec a surtout rebondi récemment sur les craintes d’une chute de la demande des banques domestiques pour les titres souverains, alors qu’elles ont augmenté leurs achats cette année.Outre la question de l’éligibilité des emprunts d’Etat grecs aux opérations de <st1:personname productid="la Banque" w:st="on">la Banque</st1:personname> centrale européenne en cas de nouvelle dégradation de la note grecque, les investisseurs s’interrogent sur l’effet du resserrement du robinet de la liquidité de <st1:personname productid="la BCE. Le" w:st="on">la BCE. Le</st1:personname> sujet du retrait progressif des programmes non conventionnels est évoqué de plus en plus fréquemment par les représentants de l’institut d’émission européen. La disparition des opérations de prêts à 1 an, après celle de décembre, est déjà quasi acquise. Or, si les banques ne se financent plus aussi facilement et ne disposent plus d’autant de ressources disponibles, elles pourraient avoir du mal à absorber le déluge de papiers d’Etat attendu en 2010.

    Hausse de la prime de risque

    D’après des estimations de BNP Paribas, <st1:personname productid="la Grèce" w:st="on">la Grèce</st1:personname> devrait encore lever 45 milliards d’euros l’an prochain, après 61 milliards cette année, et l’Irlande 25 milliards d’euros, après 34 milliards. Surtout, dans son ensemble, la zone euro devrait placer environ 1.000 milliards d’euros de titres de dette, soit plus que cette année. Cette configuration de diminution des liquidités et de hausse des émissions peut nuire particulièrement aux papiers dont les signatures sont les plus fragiles par rapport aux titres allemands ou français.« Etant donné que les Etats ont tendance à abonder le marché de la dette plus fortement au cours des premiers mois de l’année, la prudence est recommandée jusqu’au début 2010 »,prévient l’équipe de Barclays Capital, qui n’exclut pas que la prime de risque de <st1:personname productid="la Grèce" w:st="on">la Grèce</st1:personname> monte encore de 50 points de base.Hier, les taux grecs et irlandais remontaient, tandis que le reste du marché obligataire européen affichait une hausse modérée, suite à des statistiques contrastées. En fin de journée, le rendement du taux allemand à 10 ans se détendait de 2 points de base, à 3,24 %, et celui de l’OAT française à 10 ans de 4 points, à 3,50 %.

    Isabelle Couet

     

    Rapport de L'OCDE : Ecarts taux en Europe 


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  • Crise, krach, Moore  

     

    Documentaire

    CAPITALISM : A LOVE STORY de Michael Moore

    2 h 2.Flint, Michigan. Un père et son fils marchent le long d’un immense terrain dévasté. Le vieil homme a travaillé trente-trois ans« et demi »comme ouvrier dans cette usine de General Motors. Son fils, Michael Moore, documentariste, a reçu la palme d’or à Cannes en 2004 pour son brûlot anti-Bush, « Fahrenheit 9/11 ». Ce jour-là, GM a annoncé sa mise en faillite.« Mon meilleur souvenir, c’est que les gens qui travaillaient là étaient des gens bien,raconte l’ancien ouvrier.On ne méritait pas ça. On travaillait dur, mais on gagnait bien. Ça fait mal au cœur de voir ça. »Flash-back. Vingt ans plus tôt, le jeune Michael, caméra au poing, tente d’entrer dans le saint des saints de Detroit, l’immeuble tutélaire de GM, afin d’interviewer son président, Roger Smith. Il n’y parviendra pas, mais son documentaire « Roger and Me » fera le tour du monde et rendra son auteur, à la démarche balourde et à l’éternelle casquette vissée sur le crâne, célèbre. En 1989, au cours de son reportage, Moore avait néanmoins réussi à coincer le directeur des ressources humaines de General Motors, qui lui affirmait qu’il licencierait autant d’employés qu’il le faudrait à Detroit.« Y compris tous ? », avait demandé le reporter.« Pourquoi pas ? »répondait le DRH sans ciller. Vingt ans après, Michael Moore demande à rencontrer l’actuel PDG. Il est refoulé de la même manière que par le passé.

    Au bazooka

    Son nouveau brûlot, « Capitalism : a Love Story », est son meilleur film depuis « Roger and Me ». Comme à son habitude, Moore y va au bazooka. La thèse est simple, mais dans la lignée de Stiglitz ou de Krugman, elle n’est pas simpliste : au début des années 1980, Ronald Reagan, conseillé par les banques de Wall Street, Merrill Lynch en tête, a lancé une vaste opération de dérégulation planétaire, enrichissant les plus riches au détriment de la classe moyenne. Le miroir aux alouettes du « subprime » a achevé de ruiner les candidats à la propriété les plus fragiles. Voyez cet agent immobilier de Miami qui a fièrement baptisé son agence « Vautour Immo ». Il revend des maisons saisies. Il cède pour 350.000 dollars une maison achetée 800.000par ses anciens propriétaires.« Bienvenue à Miami crash »,lance-t-il fièrement avant de se justifier :« Tout le monde a envie de profiter du malheur des autres. Les vautours ne tuent pas, ils nettoient. La différence entre eux et moi : je ne me vomis pas dessus le matin. »

    Paysans morts

    Plus grave encore, l’argent roi a perturbé les comportements moraux des Américains. Moore en donne de nombreux exemples : ce juge qui avait investi dans un centre de redressement privé pour mineurs et multipliait les condamnations pour les faits les plus anodins, rallongeant les peines en cours de route pour faire du chiffre. Il avait appelé son yacht : « Le justicier des mers. » Moore dénonce aussi les sociétés, parmi les plus respectables des Etats-Unis, qui prennent des contrats d’assurance-décès sur leurs employés. A ceci près que c’est l’entreprise qui, à la mort du salarié, touche l’argent, laissant la famille dans le dénuement. On appelle ces contrats « dead peasants » (« paysans morts »). Ils sont tout à fait légaux.Il y a deux ans, le documentaire de Michael Moore aurait paru excessif ; aujourd’hui, après que l’économie mondiale a frisé le collapsus, il force à la réflexion. La hiérarchie catholique du Michigan, elle, a déjà choisi son camp :« Le capitalisme est contraire à la parole de Jésus. »Signé : Mgr Thomas Gumbleton, évêque de Detroit.

    T. G.

    Michael Moore signe là son meilleur film depuis « Roger and Me ».Paramount Pictures

     

    Le constat désabusé de Michael Moore, enfant trahi d'une société prospère 


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  • Lettre de Wall Street

    Le patron le plus bête du monde ?

     

                Thomas (Tom) Donohue est en passe de devenir l'un des hommes les plus haïs par les partisans du " changement " aux Etats-Unis. Cet apparatchik irlando-américain de 71 ans, qui a fait carrière dans des organismes patronaux, préside <st1:personname productid="la Chambre" w:st="on">la Chambre</st1:personname> de commerce des Etats-Unis. Il est le nouveau " Mister No ! " de l'Amérique, comme on appela en son temps Jesse Helms, l'inamovible sénateur ultraconservateur de Caroline du Nord. Avant de devenir chef autoproclamé du patronat américain - autoproclamé, car son organisme ressort plus du groupe de pression que du syndicat -, M. Donohue a présidé quatorze ans l'Association américaine des camionneurs. Un organisme qui se rendit célèbre, il y a plus d'un demi-siècle, par les affrontements sauvages qui l'opposèrent aux teamsters, les chauffeurs routiers, et à leur célèbre syndicat. Longtemps, les deux camps firent appel aux méthodes expéditives de clans mafieux, chacun pour tenter de s'imposer à l'autre. En 1975, le leader des teamsters, Jimmy Hoffa, a vraisemblablement fini dans un bac de ciment au fond de l'océan...

    On s'égare ? Pas vraiment. Entrepreneurs et syndicalistes américains ne s'affrontent plus qu'au cinéma, mais M. Donohue reste le digne héritier de ces inflexibles patrons qu'ont décrit Dos Passos et bien d'autres. L'homme est volontaire, hargneux même ; il est aussi convaincu, organisé et fonceur. En douze ans de présidence, il a transformé une vénérable association qui vivotait gentiment - elle vient de fêter ses 75 ans - en une machine à défendre " le droit des riches à s'enrichir plus encore sans entraves ", comme le décrit le bimestriel Mother Jones.

    On avait déjà évoqué, dans notre précédente " Lettre ", le rôle de cette Chambre américaine de commerce, mais sans présenter son patron. Depuis, le New York Times a consacré une pleine page à la publication de son portrait. Pour camper le personnage de Tom Donohue, le rédacteur commence par une anecdote : en 1990, quand il était président de l'Association des camionneurs, un de ses subordonnés avait soulevé la question de l'usage du jet privé mis à sa disposition. M. Donohue s'était tourné vers son chef de cabinet : de combien de places disposait son appareil ? Huit, avait répondu ce dernier. Alors, Donohue : " Demain matin, je veux que vous appeliez pour disposer d'un avion de 12 places. " Commentaire du quotidien : " Le sujet n'a plus jamais été évoqué. Et, à la chambre de commerce, M. Donohue dispose aussi d'un jet privé, en plus des 3 millions de dollars annuels. "

    Un homme de sa trempe mérite ses émoluments, estiment ses mandants. En un peu plus d'une décennie, il a doublé le nombre des entreprises adhérentes à la chambre (il en revendique 300 000) et quadruplé son budget. Il ne disposait que de deux lobbyistes à temps plein, ils sont désormais quatre-vingt-dix-huit, plus une centaine d'occasionnels. Les dépenses globales de lobbying sont passées de 20 millions à 90 millions de dollars en 2008. Avec les enjeux législatifs ouverts par l'élection de Barack Obama, ils auront explosé en 2009. Désormais, les représentants d'éminentes sociétés siègent à son board : d'AT&T, Xerox, Dow Chemical, FedEx, Pfizer... Ses obsessions sont partagées par nombre de ses ouailles. Non à la couverture-santé universelle, qui constituerait " un pistolet anticonstitutionnel et antiaméricain " pointé sur le coeur du pays, proclame un de ses adhérents. Non à la loi sur la lutte contre le réchauffement climatique, qualifiée d'attentat contre la " sécurité énergétique " des Etats-Unis, " un cauchemar " qui grèvera les bénéfices des entreprises. Non à la nouvelle politique fiscale, non à la régulation financière, non aux lois de protection des consommateurs.

    Mais M. Donohue indispose un nombre croissant d'entrepreneurs ou d'élus républicains qui aimeraient se départir de l'image archaïque qu'il donne des patrons américains. Ses adversaires lui reprochent d'être obstiné jusqu'à l'aveuglement par adhésion à une idéologie aujourd'hui battue en brèche. Ses propos outranciers et ses positions systématiquement hostiles à tout changement sur des questions sociétales à fortes implications économiques " marginalisent " la chambre et sont néfastes aux intérêts de long terme des entreprises, jugent-ils.

    D'ailleurs, certains membres à la contribution non négligeable ont fini par claquer la porte. Nike le premier, fin septembre. Et, depuis, Apple, Levi Strauss, mais aussi les sociétés de production d'énergie Exelon, Pacific Gaz & Electric et PNM Resources ou le gros papetier Mohawk, etc.

    Pis, des sections de sa propre organisation lui tournent le dos. Dernière en date : la chambre de commerce californienne. Le 15 novembre, elle a coupé les ponts avec la maison mère. M. Donohue " en est resté au XXe siècle. Nous devons jeter cette chambre de commerce à la poubelle ", a lancé Danny Kennedy, cofondateur d'une firme locale d'énergie solaire. " Ils ne me représentent pas ", avait déclaré peu avant Mark Jaffe, directeur de la chambre de commerce du Grand New York, évoquant une direction nationale " aux intérêts de paroisse ". M. Donohue qualifie ces défections de " négligeables ". Sur le journal en ligne Slate, l'ex-gouverneur démocrate de l'Etat de New York, Eliot Spitzer - qui, accusé de moeurs dissolues, dut abandonner son poste en mars 2008 et remonte aujourd'hui lentement à la surface médiatique - appelle à barrer la voie au président de " la chambre des horreurs ".

    Sylvain Cypel


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  •  

    Capitalism, a Love Story POURQUOI PAS

    Le constat désabusé de Michael Moore, enfant trahi d'une société prospère

    Un réquisitoire tardif contre les dérives du capitalisme à l'américaine

     

                Il faut prendre le titre du nouveau film de Michael Moore au pied de la lettre, en se souvenant des vers immortels de Fred Chichin et Catherine Ringer (les Rita Mitsouko) " les histoires d'amour finissent mal/en général ". Michael Moore s'est toujours mis en scène. Il y a vingt ans, on pouvait croire que le " moi " du film Roger et moi était là pour rendre service, pour guider le spectateur dans les méandres de la désindustrialisation. En fait, Michael Moore est de l'espèce des clowns qui se mettent en scène. Avec son sous-titre explicite This Time, It's Personal (" cette fois-ci, c'est personnel "), Capitalism, a Love Story assume cette dimension égocentrique.

    Voici donc l'autoportrait d'un enfant d'ouvrier américain, qui a grandi dans un monde où l'on changeait de voiture tous les ans, où l'on partait en vacances à New York, où, chaque année, papa gagnait un peu plus. Une belle séquence (car il s'en trouve dans ce collage) montre justement le père de Michael Moore devant un immense terrain vague où se tenait, il y a encore quelques années - au siècle dernier, dans un autre âge -, l'usine automobile pour laquelle il travaillait.

    Dès 1989, le réalisateur filmait le démantèlement de l'industrie automobile sur le territoire des Etats-Unis, raillant l'impuissance des syndicats, appelant à la révolte. Aujourd'hui, Michael Moore oscille entre la satisfaction masochiste du prophète de malheur à qui le temps a donné raison et la mélancolie de l'ex-petit garçon chassé d'un éden capitaliste qu'il a tant aimé.

    Cette veine autobiographique qui parcourt tout le film est souvent dissimulée par l'habituel bric-à-brac d'arguments qui constitue désormais la masse d'un long métrage de Michael Moore. Il faut dire que les derniers mois en ont produit assez pour réaliser des douzaines de versions de Capitalism, a Love Story, et Moore n'a rien perdu de son flair pour sélectionner les illustrations les plus saisissantes des dérives (ou de la vraie nature) d'un système.

    On découvrira donc, en début de film, les " polices de gueux morts " (dead peasant policies) que les grandes firmes américaines prennent sur la vie de leurs salariés, afin d'ajouter à leurs bénéfices commerciaux les revenus non imposables qu'apportent les décès prématurés de leurs collaborateurs. Ou la maison de correction privée du comté de Wilkes-Barre (Pennsylvanie), dont les gestionnaires rémunéraient les juges qui leur envoyaient de jeunes pensionnaires. Bien sûr, l'essentiel de l'argumentaire tourne autour du krach financier de l'automne 2008 et de ses causes. Or le phénomène a été couvert et analysé en profondeur, et Michael Moore arrive bien tard. Sur le front de l'investigation, la presse écrite a, cette fois, fait son travail, le metteur en scène ne peut ici prétendre combler un vide, comme il l'a fait au moment de Fahrenheit 9/11. Et sur le front comique, le présentateur Jon Stewart l'a de loin précédé.

    Si l'on s'est un peu intéressé aux événements financiers de ces derniers mois, la démonstration de Michael Moore n'apporte pas grand-chose de neuf. Mais on comprendra mieux au fil de séquences chantant les louanges de la fibre sociale de l'Eglise catholique, ou remontant de vieux films en super-8 tournés à l'époque de la grande prospérité, d'où vient cette figure singulière et attachante, que l'on sent aujourd'hui découragée. La dernière séquence montre un Moore en quinquagénaire fatigué, entourant le pâté de maisons de Wall Street d'un ruban jaune signalant le lieu du crime, suppliant les spectateurs de le rejoindre enfin dans son combat.

    Thomas Sotinel

    Film documentaire américain de Michael Moore. (2 h 06.)

    Ici lien vers une vidéo de Paul Jorion vantant ce Film :Le temps qu'il fait le 20 novembre 

    Je ne peux pas la copier car le serveur qui l’héberge y a adjoint des DRM.

    Cette vidéo me semble très importante car Jorion explique les différences « culturelles » entre <st1:personname productid="la France" w:st="on">la France</st1:personname> et les Etats-Unis, il met ainsi le doigt sur les « mauvaises interprétation » que nous faisons et les conclusions que nous en tirons.
    Mais il va aussi plus loin.

    Je ne vous cache pas l’opinion de Jorion est différente de celle de l’article ci-dessus.

    Pour se faire une opinion sur ce film intéressant de voir ce point de vue. Après a vous de juger.

    Cet article éclaire aussi le fonctionnement de nos médias.

    Vidéo A voir absolument ( <st1:metricconverter productid="15’" w:st="on">15’</st1:metricconverter>)


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