• Un portrait inédit des immigrés et de leurs descendants

    Etudes, insertion professionnelle, opinions politiques... : la " France de la diversité " à la loupe

     

     

    C'est un portrait fouillé de la population immigrée vivant en France qu'a rendu public, mardi 19 octobre, l'Institut national d'études démographiques (INED). Cette photographie est le résultat d'une enquête menée avec l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sur un échantillon de 21 000 personnes âgées de 18 à 50 ans résidant sur l'ensemble du territoire métropolitain. Une partie de cette étude avait déjà été publiée au mois de mars mais ne concernait que le ressenti discriminatoire. Les travaux dévoilés mardi constituent le coeur de l'enquête, la première de cette ampleur réalisée en France depuis les années 1990.

    Intitulé " Trajectoires et origines " (TeO) et réalisé de septembre 2008 à février 2009, ce texte s'intéresse aux parcours d'intégration des immigrés et de leurs descendants en fonction de leurs origines géographiques. En principe, les statistiques ethniques sont interdites en France, mais l'étude a bénéficié d'un accord exceptionnel de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

    Au rang des sujets explorés, figure le niveau scolaire des nouveaux arrivants. D'après les auteurs de l'étude, il n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Quelque 76 % des immigrés arrivés en France avant 1974 en étant âgés de plus de 17 ans, sont " pas ou peu diplômés ". Au sein de la même tranche d'âge, ils ne sont plus que 40 %, lorsqu'on s'intéresse à ceux arrivés après 1998.

    Leur niveau de qualification varie en fonction du mode d'entrée de l'immigré sur le territoire. Parmi ceux qui sont arrivés pour un regroupement familial, 40 % n'ont " aucun diplôme ". Contre 33 % pour ceux qui sont venus dans le cadre d'une demande d'asile. D'après les auteurs de l'étude, les femmes sont en général plus diplômées que les hommes.

    Les parcours scolaires des descendants d'immigrés sont comparés avec ceux de la " population majoritaire ", soit, pour l'essentiel, les personnes nées en France de parents français. Leur sortie d'école sans diplôme reste plus fréquente - 13 % en moyenne contre 8 % - que dans la population majoritaire. Elle est même particulièrement forte chez les garçons et filles dont au moins un parent est originaire de Turquie (27 %), et chez les garçons issus de familles d'Afrique guinéenne ou centrale (24 %).

    Les chercheurs relativisent toutefois ces résultats scolaires en les mettant en lien avec la catégorie socioprofessionnelle des parents. Ainsi, 65 % des descendants d'immigrés appartiennent à des familles " ouvrières ", contre 41 % dans la population majoritaire.

    L'étude s'attache par ailleurs à démontrer que ces jeunes, quand ils décrochent un travail, occupent plus souvent que leur père des emplois d'ouvriers qualifiés (43 % d'entre eux) ou des professions intermédiaires (20 %), ce qui prouve une certaine ascension sociale.

    Les descendants d'immigrés originaires d'Asie du Sud-Est se démarquent. Leurs parcours d'intégration sont beaucoup plus marqués. A l'issue du collège, 61 % d'entre eux sont orientés dans des filières générales, contre 44 % seulement de la population majoritaire. En termes d'emplois, ils sont ensuite 32 % à occuper des postes de cadres.

    Sur le marché du travail, l'enquête révèle que les immigrés masculins et leurs descendants gagnent en moyenne un salaire horaire inférieur de plus de 10 % à celui des Français d'origine. Mais le taux de chômage des descendants dépasse, lui, celui des primo-arrivants.

    La situation est inversée pour les femmes, qui ont le même salaire horaire que la population majoritaire et même un taux de chômage inférieur. A l'exception toutefois des femmes turques, dont l'intégration est la plus chaotique de l'échantillon.

    L'enquête donne aussi à voir de nombreux détails mal connus de la vie des immigrés en France. On y apprend que ceux d'Algérie et d'Afrique sahélienne se mettent en couple plus tardivement que la population majoritaire, notamment à cause des difficultés d'insertion sur le marché du travail. Mais les immigrés dans leur ensemble se marient nettement plus que le reste de la population majoritaire qui, elle, préfère le concubinage.

    L'étude s'est aussi penchée sur les lieux de vie de ces populations. Si 56 % des immigrés d'Afrique subsaharienne et d'Algérie vivent dans des logements HLM, seuls 40 % des Marocains et des Turcs y demeurent. Une donnée à mettre en parallèle avec les 63 % des habitants de ce type de logement.

    Politiquement, la " France de la diversité " penche enfin " clairement à gauche ", selon les chercheurs. Seuls 10 % d'entre eux avouent pencher pour la droite. Un distinguo qui s'estompe avec le temps. Au fil des ans, les Espagnols, les Italiens et les Asiatiques finissent par voter comme les Français de souche. Mais pour les autres courants migratoires, particulièrement subsahariens, algériens et turcs, les descendants votent jusqu'à trois fois plus à gauche que les primo-arrivants.

    Elise Vincent


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  • Un conflit intergénérationnel ?

     

    Solidarité ou animosité ? Deux sociologues et un historien évaluent la nature du lien entre les générations qui s'exprime à travers le mouvement social. Anne Muxel, directrice de recherche au CNRS

    " Cette mobilisation de la jeunesse est, à mon sens, davantage l'expression d'une solidarité que d'un conflit entre les générations. Les jeunes, qui savent les difficultés qui les attendent à l'entrée du marché du travail, prennent conscience que d'autres se présenteront à la sortie. Ils se rendent compte que ce sera, pour eux, difficile tout le temps. C'est cette angoisse qui s'exprime. Et cela n'implique pas forcément de l'animosité envers les générations précédentes. Les uns et les autres se rendent compte qu'ils partagent une même inquiétude vis-à-vis de la précarité, ce mot qui apparaît sur toutes les banderoles. Ce que les jeunes crient dans les rues, c'est : "Les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère. De cette société-là, on n'en veut pas."

    Cela étant dit, il ne faut pas perdre de vue que c'est la jeunesse scolarisée qui s'exprime, pas celle qui a déjà un emploi. Or, élèves et étudiants sont toujours plus à gauche que les jeunes travailleurs, et ils se mobilisent aussi davantage. "

    Louis Chauvel, sociologue, professeur à Sciences Po

    " Le mouvement actuel ne montre pas de conflit de générations entre jeunes et seniors, entre enfants et parents. D'une part, ce qui s'exprime n'est pas tant un soutien à la retraite à 60 ans ni une solidarité par rapport à la génération de leurs parents qu'une très forte hostilité contre le gouvernement.

    Si conflit de génération il y a, il n'est pas du tout conscient pour l'heure. On assiste plutôt encore à une solidarité entre générations : les parents aident leurs enfants, les hébergent, leur donnent leur vieille voiture. La situation de conflit entre générations est encore latente, mais son explosion sera violente quand les jeunes comprendront qu'ils défendent - notamment avec la retraite à 60 ans - des intérêts qui ne sont pas les leurs, et quand ils découvriront une réalité qui n'est pas celle qu'ils imaginent ni celle qu'on leur donne à croire. Si on maintient la retraite à 60 ans, il y aura autant de salariés que de retraités en 2025 !

    La situation est prérévolutionnaire : il y a une dette énorme qui bloque tout, des promesses intenables, un conflit au sein des élites, à l'Assemblée, au Sénat, à l'Elysée... A l'horizon de 2012, les majorités risquent d'être très peu stables. "

    Jean-François Sirinelli, directeur du Centre d'histoire de Sciences Po

    " Les slogans de ces jeunes gens sont, le plus souvent, à faible teneur idéologique. A la différence de ceux des forces politiques et syndicales, ils ne permettent pas, de ce fait, d'en faire une exégèse significative. A ce stade, surgit un paradoxe : pourquoi cette apparente cause commune avec les adultes, alors même que la réalité objective devrait au contraire, en bonne logique politique, déboucher sur une analyse au moins divergente, et même antagoniste, de la réforme des retraites ? Probablement, les solidarités intrafamiliales et l'antisarkozysme ambiant expliquent-ils ce paradoxe apparent.

    Mais les faits démographiques sont têtus : plus qu'aux jeunes gens, lycéens ou étudiants, c'est aux jeunes salariés autour de la trentaine, voire de la quarantaine, qu'il conviendrait de poser la question du conflit de générations. Les tensions avec la génération des baby-boomers y sont déjà à l'état latent, et les solidarités du combat politique et syndical ne les cacheront plus très longtemps.

    A regarder de plus près les slogans des lycéens et des étudiants, il apparaît que des ferments de conflit de générations sont déjà à l'oeuvre : un senior prolongé dans son activité est une entrave à l'entrée d'un jeune sur le marché du travail, y proclame-t-on. A court terme, une telle affirmation peut souder le senior qui ne souhaite pas être prolongé et le jeune en attente d'un emploi. A moyen et long terme, il faut y lire au contraire une thématique presque chimiquement pure de conflit de générations. "

    Propos recueillis par Aurélie Collas, Marc Dupuis et Benoît Floc'h


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  • L'allongement de la durée du travail pénalisera-t-il les jeunes ?

     

    C'est un couple de vieux militants. Ils n'ont pas raté une manifestation depuis la rentrée, et ils portent une pancarte proclamant : " Pépé-Mémé au boulot, les jeunes au chomdu. On n'en veut pas ! " L'idée que l'emploi des seniors fait le chômage des jeunes, qu'il faudrait pousser dehors quinquagénaires et sexagénaires pour qu'ils laissent la place aux jeunes, est solidement ancrée chez nombre de celles et de ceux qui se mobilisent contre la réforme des retraites.

     

    Aides à l'emploi des jeunes et préretraites L'histoire sociale des quarante dernières années en France infirme pourtant cette pseudo-évidence. Depuis 1975, tous les gouvernements ont eu à traiter le problème. La liste est longue des formules imaginées pour faciliter l'insertion des jeunes : travaux d'utilité collective (TUC), créés par la gauche en 1984 ; contrat d'insertion professionnelle (CIP) d'Edouard Balladur, rebaptisé Smic-jeunes et enterré en 1994 sous la pression de la rue ; contrat première embauche (CPE) de Dominique de Villepin, qui connut le même sort.

    C'est aussi au milieu des années 1970 qu'apparaissent les préretraites. A partir de 1974, la sidérurgie connaît de sérieuses difficultés. Pour répondre à la crise, l'Etat, les entreprises sidérurgiques et les syndicats bâtissent les fameuses Conventions générales de protection sociale (CGPS) dans la sidérurgie. Les préretraites sont nées. Elles bénéficieront à des centaines de milliers de personnes, et s'étendront à d'autres secteurs. Au point de devenir, pendant plus de vingt ans, un mode de gestion de l'emploi. Sans que cela se traduise par une amélioration significative de l'emploi des jeunes.

    Ce que suggère notre histoire sociale récente, la macroéconomie le confirme. " Parmi les trente-trois pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ceux qui ont le taux d'emploi des seniors le plus élevé sont aussi ceux où le taux d'emploi des moins de 25 ans est le meilleur ", observe Patrick Artus, directeur de la recherche chez Natixis. La France, elle, est mauvaise sur les deux tableaux. En Allemagne, entre 2003 et 2008, le taux d'emploi des moins de 25 ans a augmenté de 3 points à 70 % et celui des plus de 55 ans de 7 points à 75 %. En France, le taux d'emploi des jeunes et celui des seniors sont restés désespérément stables.

    " Penser que l'emploi des jeunes va de pair avec la mise à la retraite des seniors procède d'une vision malthusienne de l'économie ", analyse Denis Ferrand, de COE-Rexecode. " Plutôt que d'accroître la quantité de travail, on pense qu'il faut la partager. C'était le pari des 35 heures. Mais ses effets sur l'emploi tiennent probablement beaucoup plus aux baisses de charges qui y étaient associées ", ajoute-t-il.

    Contre-performances françaises Pierre Cahuc, professeur à l'Ecole polytechnique, explique de deux manières les contre-performances françaises. " Quand on pousse les seniors hors du marché du travail, il faut payer leurs retraites ou leurs préretraites. Cela accroît la pression fiscale et renchérit le coût du travail. C'est cet enchaînement qui n'est pas favorable à l'emploi des jeunes, très sensible au coût du travail. "

    D'autres explications peuvent être avancées. " Quand les seniors travaillent, leurs revenus s'accroissent. Ils soutiennent la demande intérieure, donc l'emploi, note M. Artus. Et les pays qui vont bien, parce que leur croissance est tirée par l'export ou parce qu'ils ont su monter en gamme pour résister à la concurrence, sont aussi ceux qui créent le plus d'emplois pour tous. "

    " Chaises musicales " Ce qui est vrai au niveau macroéconomique toutefois, ne l'est pas toujours au niveau micro. Dans une PME, par exemple, l'emploi d'un jeune peut passer par le départ d'un salarié âgé. " A court terme, nuance Eric Heyer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques, et en période de ralentissement, il y a bien un lien entre l'emploi des seniors et l'emploi des jeunes. Ne serait-ce que parce que ces derniers sont confrontés à un effet de file d'attente et de chaises musicales. A moyen et long terme, en revanche, la seule solution, c'est de créer des emplois. "

    Pour cet économiste, la priorité donnée au redressement des finances publiques va peser sur la croissance, et probablement " la maintenir en France autour de 1,5 % jusqu'en 2016 ". " A ce niveau-là, on ne crée pas d'emplois. Et si, parallèlement, on maintient les seniors dans l'emploi jusqu'à 62 ans, on voit bien que la situation va devenir plus compliquée pour les jeunes. " Or, elle est déjà loin d'être facile : le chômage des jeunes s'est envolé avec la crise. Il touche plus de 640 000 personnes. Parmi elles, près de 100 000 sont des chômeurs de longue durée. Quant au taux d'emploi des moins de 25 ans, il est de 28,1 %, contre 51,2 % dans l'ensemble de la population.

    Claire Guélaud


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  • Ma mairie discount

    Services à la carte, coopérative ou privatisation pure et simple : les coupes dans les budgets de collectivités locales au Royaume-Uni ont déjà commencé
    Londres Correspondante
     

     

    Les Britanniques le savent mais n'en ont pas encore mesuré toutes les conséquences. Ils s'apprêtent à subir la plus importante cure d'austérité depuis la seconde guerre mondiale. Mercredi 20 octobre, le gouvernement du conservateur David Cameron devait en détailler les modalités. D'ici cinq ans, les dépenses publiques auront été amputées de 83 milliards de livres (94 milliards d'euros), et quelque 500 000 des 6 millions de salariés de la sphère publique auront perdu leur emploi.

    Les collectivités locales, qui, à l'image des administrations centrales, vont devoir réduire leur train de vie de 25 % à 30 % en moyenne, se sont déjà mises au régime. Certaines d'entre elles ont fait des choix que Tony Travers, politologue à la London School of Economics, qualifie de " radicaux ". Et qui pourraient préfigurer ce que sera le service public d'ici à la fin de la législature, en mai 2015.

    Barnet s'inspire d'EasyJet Nous sommes au nord de Londres sur un territoire tory traditionnel, qui abrite l'ancienne circonscription de Margaret Thatcher. Il y a deux ans, Mike Freer, alors à la tête de cette commune de 320 000 habitants, a lancé son projet d'" EasyMairie ", comme l'appelle la presse. En mai, cet ancien banquier, qui a fait ses armes dans le secteur du fast-food, a été élu député, mais Lynne Hillan, qui lui a succédé, compte bien mener le projet à terme. Le postulat de départ est le suivant : tout comme les clients des compagnies aériennes à bas coût, les contribuables veulent pouvoir choisir les services dont ils ont besoin. Et pour lesquels ils sont prêts à investir.

    Le résident devra avoir accès à un service minimum qu'il pourra enrichir selon ses envies, à condition de payer : une poubelle plus grande, un conseiller attitré pour suivre tous les dossiers le concernant... Tout n'est pas possible - la loi empêche de faire payer les impatients qui souhaitent obtenir rapidement un permis de construire -, mais les idées sont légion.

    L'" EasyMairie " se veut aussi respectueuse de la liberté de choix. Ainsi, y explique-t-on, les personnes âgées ne souhaitent pas toujours qu'on fasse leur ménage tant de fois par semaine. Peut-être préféreraient- elles qu'on leur finance " quelques jours de vacances à Eastbourne ", une station balnéaire du Sussex. Quant aux jeunes à qui la commune paye des thérapies cognitives, pourquoi ne pas leur proposer des cours de guitare ?

    Ce service public à la carte devra s'accompagner de l'externalisation de pans entiers d'activités jusque-là gérées par la commune, comme la tenue des bibliothèques et des crématoriums, l'entretien des rues ou le ramassage des poubelles. La mairie compte aussi " inciter les gens à s'aider eux-mêmes ", et à prendre en charge certains aspects de la vie de leur quartier, comme déblayer devant leur porte en cas de neige. In fine, Barnet pense économiser 15 millions de livres par an et ne plus employer que quelques centaines de ses 3 500 salariés.

    A Lambeth, on passe au coopératif Les travaillistes de Lambeth, au sud de Londres, croient au modèle de John Lewis, ce grand magasin britannique détenu par ses salariés. Le quartier, qui héberge 275 000 habitants, dont certains vivent dans des conditions de grande pauvreté, veut créer la première " mairie coopérative " britannique en s'inspirant des recettes qui ont fait le succès de John Lewis et le bonheur de ses 69 000 salariés-actionnaires.

    Steve Reed, le leader labour de la commune, réélu pour un deuxième mandat en mai, souhaite que les résidents de Lambeth, tout comme ceux qui y travaillent, prennent en main des missions jusque-là assurées par la mairie. Il en est sûr : ils sauront mieux que des services administratifs définir les besoins de la collectivité et ils seront plus efficaces parce que plus concernés.

    Des expériences ont été tentées qui abondent dans son sens, juge M. Reed - qui se garde bien aujourd'hui de chiffrer les économies à attendre. Et de citer ces immeubles de logements sociaux qui sont gérés par les locataires. Ces parents associés à la mairie qui ont créé une école secondaire. Ou ces " amis de Brockwell Park ", qui organisent le nettoyage du parc. Il s'agit de passer à la vitesse supérieure.

    Lambeth consulte actuellement ses habitants et devrait préciser les choses d'ici à décembre. Bien sûr, ceux qui voudront s'impliquer ne recevront pas, comme les salariés de John Lewis, un bonus de fin d'année généreux. Mais ils pourront d'une manière ou d'une autre être récompensés par ce que M. Reed appelle " le dividende du citoyen actif ". Dans le questionnaire auquel les habitants doivent répondre, ils peuvent choisir entre un rabais sur leurs impôts locaux, une baisse de leur loyer quand ils vivent en HLM, un accès gratuit aux centres de loisirs du quartier...

    Le Suffolk bientôt virtuel Nicholas Ridley, qui occupa plusieurs postes de ministre dans les gouvernements de Mme Thatcher, avait un rêve : que l'administration des collectivités locales soit réduite à une poignée d'hommes qui se réuniraient une fois par an pour signer les contrats de délégation de services publics aux entreprises. Dans l'est de l'Angleterre, le comté conservateur du Suffolk, 678 000 habitants, a décidé de donner corps à cette vision. Fin septembre, il a fait savoir qu'il comptait externaliser la quasi-totalité de ses activités.

    L'éducation ne fait pas partie du lot, mais les projets du gouvernement, qui veut que les écoles gérées par des entreprises ou des groupes de parents se développent, devraient enlever au comté une grande part de ses responsabilités en la matière. Pour le reste, dans le Suffolk, tout devra être géré par le privé, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'organisations caritatives. Les bibliothèques, les services autoroutiers, les centres pour jeunes et pour enfants ou encore les crèches et l'entretien des parcs seront les premiers services publics à être confiés à un tiers. Les autres suivront après avril 2011. A terme, le comté compte réduire son budget de 30 %. Et sabrer dans ses effectifs, aujourd'hui de 27 000 personnes, dont 15 000 dans l'éducation.

    Le syndicat Unison prévoit que, une fois le processus achevé, le comté n'emploiera plus que " 200 à 500 salariés, uniquement pour conclure des contrats avec des entreprises ".

    Virginie Malingre


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  • Les banques américaines sont loin d'être sorties de la crise

     


     

    La publication des résultats montre une amélioration sur le front des créances douteuses, mais les revenus sont presque partout en baisse. Et la contestation des créanciers monte.

    La publication en série des résultats trimestriels des grandes banques américaines qui s'est achevée mercredi n'aura pas donné une image très heureuse de leur situation et de leurs perspectives. Certes les créances douteuses poursuivent leur reflux permettant le plus souvent de doper les profits sur la période. Mais cette tendance positive ne masque pas les sujets d'interrogation. Il en va ainsi de la baisse quasi-générale des revenus (à l'exception de Bank of America, stable et US Bancorp en hausse), notamment dans les métiers de financement et d'investissement. Certes, dans ce cas, les chiffres sont à comparer à une très bonne année 2009. Mais rien ne laisse penser que le redémarrage de l'économie va permettre de revenir à une forte croissance des revenus, un constat qui vaut aussi pour la banque de détail. Dans ce cas, les banques américaines doivent aussi affronter la réforme des cartes de crédit qui pèse directement sur leurs revenus. Bank of America a d'ailleurs annoncé avoir déprécié la valeur de ce métier de 10,4 milliards de dollars ! Sera-t-elle la seule à opérer cette mise à niveau ?

    En outre, la montée au créneau des investisseurs d'obligations hypothécaires vendues par les banques avant la crise et la montée en puissance du débat public sur les saisies frauduleuses de biens immobiliers ne laissent présager rien de bon pour cette période que l'on croyait être celle de l'après-crise.

    Les patrons des banques font eux-mêmes grise mine. Jamie Dimon, qui dirige celle considérée comme la meilleure élève de la classe, JP Morgan, ne plaidait pas pour l'optimisme malgré ses bons résultats la semaine dernière : « Nous estimons que les pertes liées au crédit vont demeurer à des niveaux élevés lors des prochains trimestres. Si les conditions économiques se détérioraient, les pertes liées au crédit pourraient à nouveau s'orienter à la hausse. » De son côté, le patron de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein a estimé que « les conditions économiques risquent d'être difficiles dans plusieurs marchés importants ».

    Manque de visibilité

    Les marchés n'estiment donc pas avoir la visibilité nécessaire pour s'intéresser au secteur bancaire. Et ils le montrent très clairement depuis le début de l'année. À l'exception de Citigroup, dont le titre affiche une progression de 20 % (mais l'État est toujours à son capital) et la quasi-stabilité de Goldman (+ 1,6 %), Bank of America, JP Morgan, Morgan Stanley, US Bancorp ou Wells Fargo sont toutes en recul. Mercredi, aucun de ces établissements n'était dans le vert à mi-séance, voire carrément dans le rouge pour Morgan Stanley et Bank of America.

    Cette dernière a cristallisé, mercredi, les craintes de l'ensemble de l'industrie bancaire américaine. Car en reconnaissant avoir reçu des demandes de la part de grands institutionnels (dont la Fed de New York) visant à être remboursés d'achat d'obligations adossées à des actifs titrisés et jugés mal valorisés, Bank of America a rouvert la boîte de Pandore. Alors que les dépréciations liées au subprime semblaient en voie de résolution dans les banques américaines, le sujet revient avec force. Selon une étude de JP Morgan, la facture de ces remboursements de titres obligataires pourraient d'ailleurs encore coûter très cher ces cinq prochaines années.

    Par Guénaëlle Le Solleu


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