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Par emile11111 le 25 Octobre 2010 à 09:00
Les Japonais fatalistes sur leur retraite
Le départ à la retraite à 62 ans ? Les Japonais n'osent même pas en rêver. En panne démographique depuis quarante ans, ils ont intégré le vieillissement voire le dépeuplement de leur société comme une fatalité. Grevés d'une dette publique qui représente deux fois la taille de leur économie, ils ont compris que leurs contributions augmenteront, et que leurs prestations diminueront.
Le gouvernement a promis d'unifier et de simplifier leur système de financement hétérogène, qui distingue professions libérales, salariés du privé et fonctionnaires (et dans lequel la part versée par l'entreprise ou l'administration est très importante, notamment la prime de départ). Il caresse l'idée d'augmenter la TVA, dont les recettes abonderaient un fonds public ad hoc. Mais toucher à cet impôt s'est toujours révélé mortel pour les gouvernements qui s'y sont essayé.
En réalité, les Japonais vivent déjà des vieux jours laborieux. Il existe bien un âge légal de départ à la retraite, fixé à 60 ans, mais il est davantage indicatif qu'obligatoire, le « tournant » véritable ayant lieu à 65 ans. Ce cap est souvent l'occasion d'un nouveau contrat de travail, plus précaire. Sans soubresauts, les Japonais ont de fait accepté de travailler plus longtemps. Aujourd'hui, les hommes y prennent leur retraite en moyenne à 70 ans, et les femmes à 66 ans, selon une étude de l'OCDE. « Le gouvernement japonais mise sur l'emploi des seniors pour compenser les effets économiques néfastes du vieillissement de la population.
Le taux d'activité des 55-64 ans s'établissait à 69 % en 2009 (43 % en France en 2008). Le taux d'activité des hommes reste très élevé chez les 55-59 ans (92 % contre 66 % en France) et les 60-64 ans (77 % contre 23 % en France), ainsi que chez les plus de 65 ans (29 %, contre 2 % en France) », souligne la mission économique de l'ambassade de France à Tokyo.
Régis Arnaud, à Tokyo
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Par emile11111 le 25 Octobre 2010 à 08:54
Le régime à prestations définies, une promesse à risque pour les sociétés américaines
Le déficit des fonds à prestations définies du S&P 500 atteindrait 402 milliards de dollars.
Ces dix dernières années, la question du financement des retraites n'aura pas été de tout repos pour les entreprises américaines offrant encore à leurs salariés des fonds de pension à prestations définies. Deux crises boursières sont passées par là, laminant leurs hypothèses de financement des versements futurs. Selon les experts de Mercer, le déficit des fonds de pension à prestations définies des sociétés appartenant à l'indice S&P 500 atteignait 428 milliards de dollars à la fin du mois de septembre.
Autrement dit, les actifs des différents fonds ne couvraient qu'à 76 % le montant calculé à ce jour des versements futurs de retraites. Michael Moran, chez Goldman Sachs, estime ce taux de couverture à 79 % sur l'indice S&P 500 et les analystes de Credit Suisse prédisent un déficit de 402 milliards de dollars. Bref, le mauvais millésime 2008 (326 milliards de dollars de déficit, un ratio de couverture de 78 %) pourrait bien être surpassé cette année. À moins d'une poursuite à la hausse des cours de Bourse ou d'une remontée du taux des obligations privées bien notées, qui sert à calculer la valeur des obligations de retraites futures.
Renflouement étalé dans le temps
Pour assurer leurs engagements, les entreprises devront augmenter leurs contributions. Ce qui ne sera pas sans conséquence sur les résultats. Pour Credit Suisse, le coût des retraites pourrait passer de 40 milliards de dollars cette année, pour l'ensemble du S&P 500, à 53 milliards en 2011. Et il ne devrait pas repasser sous les 50 milliards avant 2014.
En juin dernier (comme en décembre 2008), le Congrès américain a laissé la possibilité aux entreprises d'étaler dans le temps ce renflouement. « Les sociétés peuvent opter entre deux calendriers : un à neuf ans, l'autre à quinze ans », explique Michael Moran. Jusqu'alors, les sociétés disposaient de sept ans pour ramener leur taux de couverture au niveau cible (92 % en 2008 par exemple). « Toutefois, ces nouveaux calendriers sont assortis de restrictions. » Celles-ci portent sur les rémunérations des dirigeants, sur les dividendes exceptionnels et rachats d'actions. Ce qui pourrait limiter l'attrait du dispositif.
Une chose est certaine. La tendance notée au lendemain du pic de sous-financement de 2002 a peu de chance de s'inverser. Le régime à cotisations définies, parce qu'il n'engage les sociétés que sur leur contribution annuelle et non sur le rendement des investissements réalisés, devrait continuer à avoir le vent en poupe.
Christèle Fradin
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Par emile11111 le 25 Octobre 2010 à 08:50
Fonds de pension publics américains : attention, danger de sous-financement
De nombreux fonds d'État affichent des ratios de provisionnement très inférieurs à 100 %. Le système repose sur des espérances de rendement difficilement réalisables.
Faillite, banqueroute, sous-financement. Les qualificatifs dénonçant la situation des fonds de pensions publics américains ne manquent pas. Une étude menée par Joshua Rauh, économiste à l'université de Northwestern, montre que sept États auront épuisé leurs actifs d'ici à 2020, tandis que la moitié sera à court d'argent d'ici à 2027. L'économiste estime même à 3.400 milliards de dollars le déficit des fonds de pension publics américains. De son côté, Bloomberg, dans un rapport daté du 15 septembre, montre que moins de la moitié des États sera en mesure de verser 80 % des prestations promises, l'Illinois n'en couvrant à peine que 50,6 %.
Ce sous-financement s'explique principalement par l'utilisation d'un taux d'actualisation des engagements moyens compris entre 7 % et 8 %. À titre d'exemple, le californien CalPers (photo), le plus gros fonds de pension public américain avec 218 milliards de dollars d'actifs, a fixé son taux d'actualisation à 7,75 % en 2003 pour les dix prochaines années.
Difficilement tenable dans l'environnement économique et financier actuel. Même si l'intérêt de retenir un taux d'actualisation élevé diminue l'effort de cotisation demandé, il est difficile aujourd'hui de trouver des actifs délivrant au minimum ce rendement. Pour y parvenir, les fonds de pension n'hésitent pas à prendre plus de risques, notamment en s'inspirant des hedge funds. John Dear, le patron de CalPers, assume cette prise de risque, déclarant que « réaliser un rendement annuel de 7 % à 8 % n'a rien d'irréel ».
En revanche, pour Frederick Rowe, président de Greenbrier Capital Partners, « c'est de la folie de penser qu'un fonds de pension fasse mieux que l'économie ». La solution pourrait être de baisser ce taux. Pas tout à fait car, « si on place les cotisations à un taux inférieur au taux d'actualisation des engagements, on accumule un passif actuariel croissant », explique Philippe Desfossés, directeur de l'Erafp (Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique). (Lire aussi page 4.)
Comment alors rectifier le tir ? Il sera difficile de faire marche arrière car ces fonds sont à prestations définies (la somme versée aux pensionnés est fixée par avance). Puisque c'est un droit, les fonds ont l'obligation d'honorer leurs promesses - dans le cas contraire, cela pourrait se terminer devant la justice.
Un plan de sauvetage ?
D'autres solutions sont avancées. Il y a d'abord la possibilité d'augmenter les cotisations des pensionnés ou les impôts : pas très populaire ni très efficace, mais davantage que de baisser le niveau des pensions. « Les États pourraient aussi ne plus proposer de plan à prestations définies aux nouveaux entrants dans le secteur public mais des plans à cotisations définies, indique John Hall, responsable de l'équipe internationale pour l'Europe chez Mercer. Cela représenterait un changement du système. » Certains spécialistes, plus radicaux, proposent un plan de sauvetage, évalué à 1.000 milliards de dollars, à l'instar de l'action du gouvernement fédéral pour le secteur bancaire.
Le problème est donc de taille. D'autant que cela pèse sur le budget des États garants des fonds de pension publics. Certains évoquent même un risque systémique. D'autres comparent ces fonds de pension publics aux subprimes. Ces crédits hypothécaires promettaient des rendements élevés et réguliers, quasi garantis. Comme pour les fonds de pension, ces hypothèses de rendement n'étaient pas raisonnables. La suite, on la connaît.
Thierry Serrouya
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Par emile11111 le 25 Octobre 2010 à 08:48
Systèmes de retraite : un casse-tête mondial
La bataille française sur les retraites a relancé le débat : quel système choisir ? Les exemples étrangers prouvent qu'il n'y a pas de remède miracle.
Il n'y a pas qu'en France que l'avenir du système de retraite inquiète. Même aux États-Unis, où il repose sur des bases totalement différentes, il est au bord du gouffre. Les Américains ont même trouvé un terme pour le phénomène : « Unretirement », c'est-à-dire la « non-retraite ».
Selon la dernière étude annuelle de Sun Life Financial, qui concocte l'indice de « non-retraite », une majorité (52 %) d'Américains s'attend à travailler au moins trois ans de plus que prévu. Pourquoi ? Parce qu'ils ne peuvent plus faire autrement s'ils veulent garder un niveau de vie correct. Le changement est de taille puisque, auparavant, l'argument pour un report de la retraite était de « rester mentalement alerte ». Et, à condition évidemment de trouver du travail en cette période de chômage structurel accru, la « non-retraite » pourrait à l'avenir toucher tous les salariés dans le monde, y compris en Europe, au Japon, voire dans les pays émergents.
Crise générale
Cette crise des pensions est générale, quelle que soit la nature du système : essentiellement public, comme en France, presque totalement privé, comme au Chili, ou mixte, comme aux États-Unis, où, contrairement à certaines idées reçues, trois Américains sur quatre s'appuient (ou ont l'intention de s'appuyer) sur le seul système public (caisses de la « Social Security » ou fonds de pension publics) pour leurs vieux jours.
Crise également quel que soit le fonctionnement du système, qu'il s'agisse de la répartition des cotisations (induisant la solidarité entre salariés et pensionnés) ou de la capitalisation (les participants s'appuyant sur leurs seules économies).
Dans le premier cas, le financement des pensions, pour un nombre de retraités de plus en plus grand compte tenu du vieillissement généralisé de la population, tourne au casse-tête en raison du déséquilibre entre le nombre des salariés et celui des pensionnés. Dans le deuxième cas, les promesses, faites aussi bien par les caisses publiques que par les fonds de pension privés et publics, ne pourront être tenues en raison des crises boursières à répétition qui laminent les portefeuilles.
Par Lysiane J. Baudu
Liens :
Fonds de pension publics américains : attention, danger de sous-financement
Le régime à prestations définies, une promesse à risque pour les sociétés américaines
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Par emile11111 le 24 Octobre 2010 à 09:28
Même le FMI félicite la Bolivie
La politique économique du socialiste Evo Morales porte ses fruits. Elle s’appuie notamment sur l’exploitation des ressources naturelles et la redistribution sociale.
Jean Friedman-Rudovsky | AméricaEconomía
L’année 2009, marquée par la plus grande crise économique que le monde ait connue depuis plusieurs décennies, venait de se terminer, et la Bolivie, le pays le plus pauvre d’Amérique du Sud, gouverné par un président au discours gauchiste, recevait les éloges du Fonds monétaire international (FMI). Oui, vous avez bien lu. “Les directeurs généraux félicitent les autorités boliviennes pour leur vigoureuse gestion macroéconomique et leur politique efficace pour atténuer les effets de la crise mondiale”, peut-on lire dans un rapport publié en janvier 2010 par le conseil exécutif du FMI. “La croissance a été l’une des plus fortes de toute l’Amérique latine et l’inflation a baissé de manière significative.” La liste des éloges est longue et elle émane de diverses institutions de tradition économique conservatrice : une politique budgétaire énergique, une attitude favorable aux réformes et une flexibilité dans la gestion des taux de change. En partie grâce à cela, l’économie bolivienne a crû de 3,4 % en 2009, soit le taux le plus élevé de toute l’Amérique. En 2008, elle n’affichait pas moins de 6,1 %.
Incontestablement, la Bolivie d’Evo Morales est devenue l’élève le plus appliqué du bloc des pays qui composent l’ALBA – Alternative bolivarienne pour l’Amérique latine –, une union politique et économique lancée par le Venezuela d’Hugo Chávez. La Bolivie, non contente de se sortir brillamment de la crise, a su faire taire les préjugés politiques envers un gouvernement qui, par son discours de gauche et son engagement en faveur des droits des Amérindiens, n’était pas en odeur de sainteté au sein de l’establishment économique – pas plus que dans ce magazine. Mais ce pays, qui se bat pour ne plus être le plus pauvre d’Amérique du Sud – selon certaines études, il aurait dépassé le Paraguay en revenu par habitant –, affiche un surprenant dynamisme, où la chance, la clairvoyance et une saine gestion budgétaire ont eu chacune leur part.
Les autorités n’échappent néanmoins pas aux critiques, en particulier concernant l’austérité budgétaire dans un pays où plus de 60 % de la population vit dans la pauvreté. De plus, la Bolivie a toujours du mal à attirer les capitaux étrangers et elle doit améliorer sa gestion administrative ainsi que ses infrastructures, qui sont parmi les pires de toute l’Amérique. Pourtant, si on analyse les fondements de l’économie, la conclusion est claire : l’avenir s’annonce radieux pour ce pays.
Instabilité politique
Quand l’économie mondiale a commencé à vaciller, en 2008, la Bolivie aurait pu s’effondrer. La baisse des cours des matières premières était une très mauvaise nouvelle pour un pays qui tire 80 % de ses revenus de ces produits. De plus, sa deuxième plus grande source de revenus est représentée par les transferts d’argent de l’étranger – un Bolivien sur quatre a quitté le pays –, qui diminuent toujours lorsque les pays développés sont en récession. Pourtant, tous ces expatriés ont envoyé plus de 1 milliard de dollars à leurs familles en 2009. Un chiffre équivalant à 5,8 % du PIB, le taux le plus élevé de toute l’Amérique du Sud. L’instabilité politique de la région orientale, aux mains de l’opposition, a affecté un président populaire dans le reste du pays, semant le doute quant à sa capacité à maintenir les investissements étrangers, ne fût-ce qu’à un faible niveau. Enfin, cette même année, Washington a privé la Bolivie de son statut de partenaire commercial privilégié.
L’économie bolivienne prospère toutefois régulièrement depuis qu’Evo Morales est arrivé à la présidence en 2006. La moyenne de croissance sous son gouvernement s’établit à 5,2 % par an, le taux le plus élevé de ces trente dernières années. Cela s’explique pour une large part par la hausse du cours des produits de base. Mais la Bolivie a su profiter davantage de cette conjoncture favorable que d’autres pays de la région, grâce à la nationalisation du secteur des hydrocarbures, en mai 2006. Cette mesure controversée a contraint les grandes compagnies pétrolières qui travaillaient dans le pays à renégocier les redevances qu’elles versaient à l’Etat, dont la participation dans ce secteur est passée de 20 à 80 %.
“Avant, l’argent s’en allait ; aujourd’hui, il reste ici”, résume Luis Arce Catacora, le ministre de l’Economie et des Finances. Entre 2004 et 2008, les recettes de l’Etat se sont élevées à 3,5 milliards de dollars, passant de 58 à 401 dollars par habitant. Actuellement, les recettes fiscales représentent 20 % du PIB, contre une moyenne de 18,7 % pour les Etats-Unis au cours des quarante dernières années. La Bolivie épargne une bonne partie de ces revenus. En 2008, ses réserves de devises équivalaient à 41 % du PIB ; aujourd’hui, elles atteignent 8,4 milliards de dollars, soit 47 % du PIB. “A l’heure actuelle, la Bolivie dispose [proportionnellement] de réserves comparables à celles de la Chine”, souligne Gabriel Torres, analyste de l’agence de notation Moody’s. Selon Mark Weisbrot, codirecteur du Center for Economy and Policy Research, un groupe de réflexion de Washington [proche des démocrates], la Bolivie a pris la bonne décision : “Le gouvernement avait déjà mis en œuvre un programme de grands travaux quand la crise a éclaté. Il l’a ensuite maintenu et a consacré des moyens supplémentaires au soutien de l’économie.” En 2008, La Paz a investi 6 % du PIB dans les infrastructures, les travaux publics, les bons de consommation, etc. En 2009, cette proportion est passée à 10,1 %.
La plupart des analystes s’accordent à dire que l’économie se porte bien. “Inflation maîtrisée, excédent budgétaire, croissance modérée. A croire qu’ils suivent les recettes du FMI, de la Banque mondiale et autres institutions, malgré le discours que tient le président Morales”, souligne Gonzalo Chávez, un universitaire formé à l’université Harvard [aux Etats-Unis], qui dirige actuellement la maîtrise de développement de l’Université catholique bolivienne. “La vraie raison de notre croissance, ce n’est pas l’envolée des cours des matières premières”, soutient Luis Arce Catacora, le ministre de l’Economie. “Admettons que ce pays soit un avion. Avant, il avait un seul réacteur : les exportations de matières premières. Mais aujourd’hui nous en avons un deuxième : la demande intérieure. Voilà notre secret.”
Redistribuer les richesses
Vu le taux de pauvreté, créer un marché intérieur n’est pas une tâche facile. Il n’en reste pas moins que la demande locale progresse de 6 % par an, contre 2 ou 3 % avant que Morales n’accède à la présidence. En 2006, les dépôts bancaires représentaient 360 millions de dollars, dont 20 % sur des comptes d’épargne. Cette proportion atteint désormais 36 %. “Cela montre que les gens ont de quoi épargner et qu’ils ont confiance en nos banques”, affirme le ministre. C’est le fruit, dit-il, du “nouveau modèle économique social productif” mis en place par le gouvernement. Ce dernier comprend notamment un programme de distribution de bons aux adultes, aux enfants scolarisés, aux femmes enceintes et aux mères célibataires, le but étant de redistribuer la richesse nationale.
En 2007, les autorités ont également créé la Banque de développement productif, qui, l’année dernière, a accordé des prêts, de 10 000 dollars en moyenne, à 15 000 petits agriculteurs. De son côté, l’Entreprise de soutien à la production alimentaire (EMAPA), qui propose des crédits sans intérêts, a aussi pour mission d’acheter des marchandises directement aux petits et moyens producteurs, pour ensuite les revendre au reste de la population. Il en est résulté une augmentation de 17 % des surfaces cultivées par les petits paysans, ainsi qu’une stabilisation des prix du sucre, du riz et autres produits de base.
Certains font toutefois valoir qu’avec des réserves de quelque 8 milliards de dollars, les dépenses pourraient être plus élevées. “C’est beaucoup d’argent inutilisé pour un pays qui manque de routes, d’hôpitaux, d’écoles”, note Gonzalo Chávez. Mark Weisbrot est du même avis. Selon lui, il faut résolument investir pour créer des emplois et améliorer les infrastructures, tout en continuant à stimuler la demande intérieure. Si le gouvernement met actuellement de l’argent de côté, cela ne “concerne [que] le court terme, répond Luis Arce Catacora. A moyen terme, nous allons dépenser ces réserves”. L’avenir de la Bolivie aura sans doute une couleur argentée. L’impressionnant salar de Uyuni, le plus grand désert de sel de la planète, contient la moitié des réserves connues de lithium, principal composant des batteries destinées aux véhicules électriques. “Nous avons de grandes espérances pour le lithium, car il appartient au peuple bolivien”, commente Marcelo Castro, chef d’exploitation de l’usine pilote située en bordure du désert. Selon la nouvelle Constitution bolivienne, l’exploitation de ce métal ne peut pas être concédée à une entreprise étrangère. La construction de l’usine est presque terminée et la production de carbonate de lithium devrait débuter dès l’année prochaine. “Nous ne voulons plus être de simples exportateurs de matières premières, ajoute Marcelo Castro. Nous allons nous industrialiser afin de tirer pleinement profit de nos ressources naturelles.”
Diversification
Le gouvernement espère produire les composés chimiques à plus haute valeur ajoutée, comme le lithium métallique, et un jour peut-être même les batteries et les véhicules. Les autorités affirment qu’elles ne travailleront qu’avec des entreprises étrangères prêtes à collaborer avec l’Etat. Certains économistes craignent que cette attitude ne fasse fuir les investisseurs.
Tout aussi importante que l’exportation de lithium, voire davantage, la diversification de l’économie bolivienne est une priorité : 65 % du PIB proviennent en effet de secteurs qui n’emploient que 9 % de la main-d’œuvre. “Le grand défi est de développer l’agro-industrie, l’exploitation forestière et l’industrie manufacturière, en visant le marché mondial”, explique Gary Rodríguez, de l’Institut bolivien du commerce extérieur.
Malgré les étonnants résultats macroéconomiques de la Bolivie, les investisseurs hésitent beaucoup à placer leur argent dans un pays dont le président tient un discours anticapitaliste, même si ses propos sont souvent plus radicaux que ses actes. Peut-être est-ce l’une des raisons pour lesquelles des agences comme Moody’s attribuent encore une mauvaise note à la dette bolivienne, la situant entre les rangs B1 et B2.
Il n’empêche, la croissance soutenue de l’économie commence à porter ses fruits. “La Bolivie est de moins en moins un pays à bas revenus”, se réjouit Felipe Jaramillo, directeur de la Banque mondiale pour la Bolivie, le Pérou, le Chili, le Venezuela et l’Equateur. “Elle ne devrait pas tarder à entrer dans la catégorie des pays à revenus moyens.” Encore plus optimiste, Mark Weisbrot rappelle que nombre d’analystes et d’institutions internationales qui applaudissent aujourd’hui avaient pronostiqué une hécatombe économique quand Evo Morales a été élu. “En réalité, remarque-t-il, la Bolivie commence à décoller.”
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